Le "train-bragging" ou quand prendre le train devient ultra-cool

Publié le Mardi 04 Octobre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
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Dans un contexte d'urgence climatique et alors que l'avion est de plus en plus pointé du doigt, les moyens de transport alternatifs tirent leur épingle du jeu. C'est le cas du train, que les usagers sont désormais fiers de prendre.
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Les enjeux climatiques et les confinements successifs ont vu émerger de nouveaux modes de consommation. La façon dont nous mangeons (certains privilégient le bio, le vrac ou les circuits courts), dont nous nous habillons (achats en fripes, recours à des applications comme Vinted...) et dont nous nous déplaçons a été complètement remise en question.

Ainsi, sans pour autant être prêts à rejoindre les États-Unis en voilier comme a pu le faire la jeune activiste écolo Greta Thunberg, nombreux sont ceux qui réfléchissent à deux fois avant de prendre l'avion, voire même qui ont décidé de le bannir. Une considération écologique qui profite au train.

L'achat de billets de train explose

En France, la SNCF peut ainsi se targuer d'avoir effectué des ventes record (n'en déplaise à l'entraîneur Christophe Galtier, pour qui prendre le train avec son équipe du PSG semble lunaire), malgré des prix parfois encore peu attrayants : ainsi la société ferroviaire a transporté 10% de voyageurs en plus par rapport à l'été 2019 pré-crise sanitaire.

23 millions de billets ont été vendus sur les TGV et Intercités pour les mois de juillet et d'août, 28 millions en comptant les trajets internationaux, a ainsi indiqué à l'AFP le PDG de SNCF Voyageurs, Christophe Fanichet. "Il y a un appétit de ferroviaire pour une mobilité décarbonée, a expliqué le responsable. Et on est aussi aidés par le prix des carburants".

La SNCF bénéficie de la sensibilité écologique accrue de ses usagers
La SNCF bénéficie de la sensibilité écologique accrue de ses usagers

80 fois moins de CO2 comparé à l'avion

Oui, se déplacer en train semble être devenu "cool" et une nouvelle tendance se développe : le "train-bragging"(à l'origine identifié par le terme suédois "tagskryt"), qui consiste à se vanter de monter à bord d'un train. Si embarquer à bord d'un train est une habitude pour certains, ce mode de transport peut être présenté par d'autres comme un choix, en adéquation avec leurs convictions écologiques, dans une logique de "slow travel" (à savoir prendre le temps de voyager, consommer "local" sur place...). Et ils auraient tort de s'en priver.

Il faut dire que ce moyen de transport domine largement ses concurrents : le train émettrait en moyenne 50 fois moins de CO2 par rapport à la voiture, et 80 fois moins comparé à l'avion d'après Jean-Pierre Farandou, patron de la SNCF, qui a bien compris que l'empreinte carbone réduite du train constituait désormais un argument de vente. D'ailleurs, lorsque vous commandez un billet sur le site de la société ferroviaire, la quantité d'émission émise s'affiche : une façon de "féliciter" ses usagers ?

Face à cet engouement pour le rail, des sites comme LeTrain ou Railcoop sont en train de se développer, calqués sur des sites étrangers comme Trenitalia, comme le souligne BFMTV. Par ailleurs, plusieurs pays ont pris différentes mesures. Ainsi en Espagne, les itinéraires à bord des trains de banlieue et certaines lignes de moyenne distance sont désormais gratuites et ce jusqu'à la fin 2022. Le Luxembourg a décidé d'établir la gratuité de ses voyages en train depuis février 2020 pour les résidents, mais aussi pour les étrangers. En Allemagne, un ticket à neuf euros permet d'accéder aux transports locaux et régionaux.

La France a quant à elle prévu par exemple de proposer à ses usagers un nouvel itinéraire : Paris-Berlin en TGV, attendu pour décembre 2023. En ce qui concerne le prix des billets en revanche, elle peut mieux faire comparée à ses voisins européens...

Une réaction au "flight-shaming" ?

À l'inverse, prendre l'avion ne semble plus être socialement acceptable : diverses personnalités ont été "shamées" pour avoir utilisé leur avion à outrance (Kylie Jenner par exemple, qui avait utilisé son jet privé pour un trajet d'une dizaine de minutes ou l'ancien Premier ministre Jean Castex, qui s'était déplacé en avion sur une journée pour aller voter, avaient suscité des commentaires outrés). Sur Instagram, un compte pointant du doigt les déplacements du milliardaire Bernard Arnault (@laviondebernard) comptabilise plus de 86 000 abonnés.

Plus récemment encore, les avions circulant toutes les dix minutes mis à disposition des supporters par le Qatar en vue de la Coupe du monde de football 2022 ont désolé encore davantage celles et ceux qui s'inquiètent du désastre écologique que provoque un tel événement. Des scandales qui donnent à réfléchir à des modes de transports plus doux et pourraient bien remplir toujours plus de wagons.