Keala Kennelly, meilleure surfeuse au monde et icône LGBT

Publié le Jeudi 16 Juin 2022
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Considérée comme la meilleure surfeuse au monde, l'Hawaienne Keala Kennelly est également une icône de la culture LGBTQ. Cela fait déjà 17 ans que la championne a fait son coming out lesbien, et 20 qu'elle a été couronnée vice-championne du monde de surf par la World Surf League. Une source d'inspiration pour beaucoup.
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20 ans. Cela fait 20 ans déjà que Keala Kennelly a été couronnée vice-championne du monde de surf par la World Surf League. Dans sa pratique du sport comme dans la vie, l'Hawaïenne de 43 ans n'a jamais peur des exploits. Ou de bousculer les lignes.

Et pour cause. Au début des années 2000 toujours, Keala Kennelly défrayait la chronique en faisant son coming-out lesbien. Des annonces alors très rares au sein de cette scène sportive particulière. Une "sortie du placard" qui a temporairement mis fin à sa carrière. Temporairement seulement : les victoires qui s'ensuivirent ne furent que plus éclatantes encore.

Portrait d'une légende du surf et de la culture queer.

La première surfeuse ouvertement gay à devenir championne

L'une des grandes spécialités de Keala Kennelly, ce sont les "grosses vagues". Autrement dit, les épreuves de compétitions sportives confrontant les surfeurs et surfeuses à des vagues monstrueuses d'au moins 10 mètres de haut. En devenant championne du monde au sein des événements "Big Wave", Keala Kennelly devenait la première surfeuse ouvertement gay à arborer ce titre. Aboutissement logique pour cette passionnée qui a grandi sur la plage.

Mais cela n'a pas toujours été facile. Des années durant, la surfeuse est restée dans le placard, éprouvant de la peur (de voir sa carrière s'effondrer notamment), des pressions diverses et de la honte, par rapport à sa condition : celle d'une femme lesbienne évoluant dans un monde hétéronormé.

"Il y avait dans le milieu du surf tous ces récits édifiants du type 'Tu ne peux pas être lesbienne, c'est un suicide professionnel'. J'avais peur de perdre mes sponsors. Et si vous n'avez pas de sponsors, vous n'aurez pas de carrière. Donc, j'étais absolument terrifiée. Je ressentais une lesbophobie intériorisée, une haine d'être gay. A côté de cela, je faisais semblant d'être hétéro", confie-t-elle au magazine en ligne People.

Pourtant, Kennelly est déjà bien installée à l'époque, fort de nombreuses victoires dans des compétitions de surf depuis la fin des années 90, en Californie (l'Eleven US Open) comme à Hawaii (le Turtle Bay Resort Womens Pro). Après des années passées à se cacher, souffrant de devoir sans cesse se mentir à elle-même, Keala Kennelly décide de faire son coming-out en 2005.

Trop tôt pour la scène sportive. Elle perdra effectivement des sponsors, frôlera le burn out du fait d'être beaucoup trop dans la lumière, subira des remarques homophobes de la part d'entreprises, et même... de collègues surfeurs et surfeuses. Deux ans plus tard, la sportive se retirera finalement des compétitions professionnelles, lasse.

Il lui faudra des années pour revenir sur le devant de la scène et notamment, s'attaquer aux fameuses "grosses vagues". Une pause notable marquée par une entrée dans le monde du cinéma et des séries (une apparition dans le film de surf au féminin Blue Crush avec Michelle Rodriguez, un rôle dans la série HBO John de Cincinnati) et des activités... De DJ. A ce titre, elle fera notamment l'ouverture d'un concert de Snoop Dog. Cool à toute épreuve.

En 2010, Kennelly marquera pour son grand retour l'histoire du surf féminin en revenant victorieuse des vagues de dix mètres de haut affrontées durant la compétition du Nelscott Big Wave Classic. Aujourd'hui, la surfeuse prend du recul sur ces événements. Et assume son engagement : défendre les droits des personnes LGBTQ. "Le coming out est l'une des meilleures choses que j'ai jamais faites", témoigne auprès de People la championne.

"Je suis fière de qui je suis"

Au magazine toujours, Kennelly insiste sur ce qui fut l'un des challenge de sa vie : devenir l'une des seules femmes à affronter les "grosses vagues" au sein des compétitions, afin de prouver que les femmes, aussi, pouvaient le faire. Voire même, surpasser les hommes. Et au passage, couper la chique des machos. En 2016, Kennelly sera la première femme invitée au Eddie Aikau Big Wave Event, événement phare en ce domaine (défunt en 1978, Eddie Aikau était un grand nom du surf et du sauvetage en mer).

"Au cours de ma vie et de ma carrière, il y avait beaucoup de gens pour me dire ce que je pouvais faire ou pas... car je suis une femme. Cela m'a toujours poussée plus haut, pour prouver qu'ils ont tort et tenter d'être meilleure. Dans le surf, j'ai vu comment les lesbiennes étaient traitées, c'était horrible. Elles étaient comme des citoyennes de second ordre. Finalement, j'ai commencé à m'aimer et à m'accepter comme une personne homosexuelle", décoche au Surfer's Journal celle qui assume sa force et sa singularité.

"En un coup d'oeil, on constate que la majorité des marques dans le surf n'affichent qu'un type de femme : jolie, féminine, hétéro et plus un look de mannequin que d'athlète, alors que chez les hommes, l'accent est toujours mis sur la performance. Toute ma vie, j'ai essayé d'être girly. J'ai tenté d'être féminine. Ce n'est pas moi. Ce n'est pas qui je suis", poursuit-elle à ce titre à la revue spécialisée. Répondre aux attentes ? Très peu pour la sportive.

En 2022, Keala Kennelly est reconnue comme une légende du surf. La chaîne de télévision sportive ESPN, l'une des plus visionnées d'Amérique, l'a couronnée à de nombreuses reprises Surfeuse de l'année. Quand elle chute (elle est notamment ressortie gravement blessée d'un accident à Teahupoo en 2011, accident ayant exigé une opération chirurgicale immédiate), c'est toujours pour mieux se relever. Et écrire l'Histoire. La surfeuse est un véritable modèle pour toutes celles qui se sentent trop marginalisées.

Au journal sportif L'équipe, elle déclare ainsi : "Je m'aime comme je suis et pas comme les autres aimeraient que je sois. J'espère inspirer les autres athlètes LGBT qui souffrent en silence. Je leur dis : tu dois être le changement que tu veux voir dans le monde. Cela signifie que quelqu'un doit avancer en première ligne et prendre les flèches. Être assez courageuse pour être visible et démystifier ce que signifie d'être LGBT aux yeux du public".