"On l'appellera Simone" : une BD sur l'avortement pleine d'humour et de tact

Publié le Mercredi 19 Septembre 2012
"On l'appellera Simone" : une BD sur l'avortement pleine d'humour et de tact
"On l'appellera Simone" : une BD sur l'avortement pleine d'humour et de tact
Dans cette photo : Madeleine Martin
Après un tome 1 de « Et toi, quand est-ce que tu t'y mets ? » consacré aux femmes qui refusent d'avoir des enfants, l'auteure Véronique Cazot sort une nouvelle BD, qui parle cette fois de l'avortement. Un sujet difficile, mais qu'elle aborde autour d'une histoire et sur un ton humoristique. Une jolie façon de traiter d'un thème encore tabou et pas toujours bien connu. Entretien.
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Terrafemina : Après un premier album sur les femmes qui ne veulent pas d’enfant, pourquoi avoir décidé de parler de l’avortement ?

Véronique Cazot : À vrai dire, je n'avais pas prévu d'aborder ce sujet lors de l'écriture du tome 1, mais ce thème s'est imposé à moi. Mon éditrice, Anaïs Vanel, et la dessinatrice du premier tome, Madeleine Martin, m'ont tout de suite encouragée dans cette voie. Nous avions toutes les trois constaté une grande ignorance autour de l'avortement, et un grand tabou sur ce sujet, qui concerne pourtant tant de femmes et de couples.

Tf : Délicat de traiter cette question avec humour, en gardant du tact… Pourquoi avoir choisi cette approche ?

V. C : Pour moi, il n'y a pas mieux que l'humour pour aborder les sujets délicats. Les rares livres que j'ai pu trouver sur le sujet ne parlent que de drames et d'expériences traumatisantes. Sur Internet, à part quelques sites sérieux et impartiaux, on trouve absolument tout et n'importe quoi : en quelques clics, on se sent vite perdu et totalement effrayé. L'avortement n'est jamais une partie de plaisir, seulement une nécessité. Au-delà des démarches souvent compliquées et de l'intervention médicale plus ou moins éprouvante, c'est surtout la culpabilisation et le jugement qui s'abattent sur les femmes qui ont recours à l'IVG. C'était important pour Madeleine et moi de ne porter aucun jugement sur notre personnage et sur ce choix si intime, de parler de ce sujet avec douceur et respect. C'était aussi important d'y apporter un point de vue multi-générationnel, et de rendre hommage à celles et ceux qui se sont battus pour nos droits à l'époque où les femmes risquaient encore leur vie ou la prison en avortant.

Tf : Défendre l’avortement, c’est encore une position risquée aujourd’hui ?

V. C : Je pense que oui. Les réactions autour de l'avortement sont parfois très violentes, et ce droit est sans cesse remis en question. Il y aura toujours des accidents de parcours et des grossesses non-désirées ; ce droit protège les femmes, il est pour moi indiscutable. Après, encore une fois, je ne suis pas dans le jugement. Je respecte l'idée qu'on ne puisse pas comprendre le choix d'avorter. En revanche, je ne serai jamais d'accord avec ceux qui n'acceptent pas ce choix qui ne les regarde pas. Dans notre album, je ne suis là ni pour encourager l'avortement, ni pour discuter cette décision, mais pour parler de ce qu'il se passe à partir de ce choix.

Tf :  Vous m’aviez parlé d’un travail avec les plannings familiaux à la sortie de la BD… Comment cela va t-il se passer ?

V. C : Nous aimerions que les jeunes femmes puissent avoir accès à la BD dans les plannings familiaux, pour qu'elles y trouvent un soutien amical supplémentaire dans une période où l'on peut se sentir très seule. Mais je ne sais pas encore si cela sera possible…

Tf : Les personnages sont-ils complètement inventés, ou avez-vous rencontré des femmes, notamment celles du blog « IVG - Je vais bien, merci » dont vous parlez dans la BD ? Est-ce facile d’avoir des témoignages sur cette expérience délicate ?

V. C : Mes personnages sont inventés et nourris d'expériences réelles. Je me suis effectivement pas mal inspirée des témoignages du blog « Je vais bien, merci », mais j'ai eu la chance de recueillir également beaucoup de témoignages d'amis ou de connaissances. Cela a été plus facile que je l'imaginais et j'ai eu de très beaux échanges avec des personnes ravies de pouvoir échanger librement sur ce sujet dont personne ne parle et qui fait pourtant, aussi, partie de la vie.

Tf :  Dans cette BD, et dans le dernier tome aussi, on sent une volonté de déculpabiliser les femmes. Pourquoi cet intérêt sur les sujets de société autour des questions de femmes ?

V. C : La culpabilisation est très active dans notre société et les femmes en sont encore aujourd'hui les premières victimes. Après, plus que les questions de femmes, ce sont les inégalités et les injustices qui m'intéressent. Et la liberté du choix de vie. Le non désir d'enfant, l'avortement, la contraception, la sexualité, ça concerne toujours deux personnes et les hommes se mettent (ou sont mis) encore trop souvent à l'écart de ces questions. Dans cet album, j'ai tenu à ce que l'avortement soit une affaire de couple et pas seulement une « affaire de bonne femme » comme certains peuvent le dire. En matière d'IVG, les femmes ont vite fait de passer pour des idiotes irresponsables « qui auraient dû faire plus attention ». Pourtant, combien d'entre nous, hommes ou femmes, peuvent se vanter de n'avoir eu aucun rapport à risque, volontaire ou pas, tout au long de sa vie sexuelle ? Certains ont juste plus de chance que d'autres.

Véronique Cazot et Madeleine Martin, « Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? » - Tome 1 « Celle qui ne voulait pas d’enfant »- Tome 2 « On l’appellera Simone », éditions Fluide.G

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