L'ambition au féminin est-elle (toujours) un vilain défaut ?

Publié le Lundi 24 Juin 2013
L'ambition au féminin est-elle (toujours) un vilain défaut ?
L'ambition au féminin est-elle (toujours) un vilain défaut ?
Les femmes sont-elles ambitieuses ? Oui, pour près de la moitié d’entre elles, et pour une large majorité des plus jeunes, selon l’observatoire Terrafemina /CSA/20 Minutes « Dans le miroir des femmes ». Si un tabou semble en passe d’être levé, les femmes redéfinissent néanmoins l’ambition à l’aune de leur propre grille de lecture. Décryptage.
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Ambitieuse, moi ? Et pourquoi pas… D’après l’observatoire Terrafemina/CSA/20 Minutes « Dans le miroir des femmes »,  près d’une femme sur deux (48%) se dit aujourd’hui ambitieuse. La question se pose alors : qu’est-ce que l’ambition ? Et comment les femmes se sont approprié ce trait de caractère si longtemps réservé aux hommes ? Car sur ce dernier point, impossible en effet de ne pas interroger la connotation de ce mot-clef. Et si, pour les sondées, l’ambitieuse est avant tout « dynamique » (29%), l’impact positif ne semble pas si évident. En effet, selon Bénédicte Champenois-Rousseau, sociologue et membre du bureau d'HEC au féminin, « il y a une connotation négative à l’ambition, qui sera encore plus sanctionnée chez les femmes. On accepte d’un homme qu’il exprime ses ambitions, là où une femme se verra reprocher son arrivisme. » Un point de vue que rejoint Vincent Cespedes, philosophe et auteur de L'ambition : Ou l'épopée de soi (1) : « C’est une notion très négative en France. Faites le test aux Etats-Unis, vous n’aurez pas les mêmes réponses. Nous avons tendance à associer à l’ambition la quête vaine et égoïste de gloire, aux "dents qui rayent le plancher", mais beaucoup moins souvent à la possibilité de changer le monde. »

Une notion en plein bouleversement ?

Mais qu’en pensent celles qui se définissent comme telles ? Pour Emmanuelle Duez, qui, à 27 ans, est cofondatrice et présidente du réseau féminin WoMen'Up, l’ambition c’est « croire en ses rêves et oser les réaliser ». Mais elle avoue que sa définition a évolué avec le temps : « Quand j’étais à la fac, je voulais avoir du pouvoir et un poste hyper important. Puis j’ai eu une tumeur à la jambe. J’ai cru que j’allais mourir. Je me suis alors demandé ce qui était vraiment important. Aujourd’hui, je suis encore plus ambitieuse : je veux aller au bout de toutes mes idées, de tous mes rêves, de toutes mes folies. J’ai envie qu’elles éclatent au grand jour et que ça change le monde. » Une analyse très proche de celle de Bénédicte Champenois-Rousseau, qui côtoie au quotidien jeunes et moins jeunes femmes dans son réseau féminin : « Leur ambition n’est souvent pas d’atteindre un niveau hiérarchique, mais de mener une carrière en ne renonçant pas à leurs valeurs. »

Les Y plus ambitieux que leurs aînés

L’ambition serait-elle donc une notion en plein changement ? Pour Emmanuelle Duez, oui, sans aucun doute : la génération Y a une approche bien différente de ses parents. « Elle ne veut plus avoir de postes haut-placés. Et cela ne veut pas dire qu’elle n’a plus d’ambition, mais simplement que l’ascension aujourd’hui n’est plus verticale, mais transversale. Le Saint Graal, c’est se forger une expérience et ne pas avoir de regrets. » Et en effet selon l’observatoire Terrafemina/CSA/20 Minutes, les 18-24 ans et les 25-34 ans se déclarent beaucoup plus ambitieux (69% et 63%) que leurs aînés (40% et 39%). Le philosophe Vincent Cespedes le reconnaît d’ailleurs, « cette valeur revient dans le monde de l’entreprise ». Mais pour Bénédicte Champenois-Rousseau, 47 ans, ce n’est pas la seule donnée à prendre en compte : « Quand je suis sortie de l’école dans les années 1980, mes camarades assumaient tout à fait leurs ambitions, c’était naturel. Ce n’est pas qu’une question de génération, mais aussi de milieu social ». Et en effet, l’ambition semble plus prononcée chez les cadres (69%) que dans les catégories populaires…

Un monde du travail en pleine mutation

Mais alors comment expliquer ces changements ? Pour Emmanuelle Duez, ils sont liés à un monde du travail en pleine mutation : « La réussite n’a plus la même définition. L’ascenseur social est cassé, le futur nous apparaît plus sombre que le passé. L’ambition n’est pas à la baisse, mais elle est différente ». Reste qu’elle demanderait aux femmes beaucoup de sacrifices : 55% seraient prêtes à en faire, à commencer par rogner sur le temps qu’elles dédient à elles-mêmes (28%). Une aberration pour le philosophe : « Le temps n’est pas un gâteau que l’on partage. On est ambitieux même quand on s’occupe de ses enfants. C’est d’ailleurs une erreur de croire que c’est en se sacrifiant que les femmes réussiront. Je pense qu’elles ne doivent faire aucun compromis. L’ambition est quelque chose de profondément passionnel. » Pour Vincent Cespedes, il s’agirait même là du « prochain combat féministe » : « Les femmes ne doivent pas imiter les hommes dans ce modèle où l’on sacrifie tout. Elles doivent nous montrer une nouvelle façon de fonctionner, un nouveau leadership et miser sur la relation humaine. Il faut remettre au goût du jour le sens et les émotions au travail. La performance individuelle et la domination nous envoient dans le mur. »

(1) À paraître en octobre, Flammarion.

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