Ces expressions insupportables du jargon de bureau

Publié le Dimanche 28 Avril 2013
Ces expressions insupportables du jargon de bureau
Ces expressions insupportables du jargon de bureau
L'entreprise, ce monde parallèle dans lequel nous passons, pour la plupart d'entre nous, une très grosse partie de notre temps d'éveil, a développé ces dernières années une novlangue bien particulière que d'innocents novices seraient bien en peine de comprendre si on ne lui en donnait pas le lexique. Mots grotesques, expressions détournées, tics de langage et anglicismes WTF, voici un petit aperçu de ces expressions souvent gaguesques qui font notre quotidien...
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« Je vous reviens »

Comme dans : « Si je te reviens sur la prez' avant jeudi ça te va ? » = après le gluant « je reviens vers toi », on atteint des sommets d’absurdité avec le « se revenir » 2013. Vous imaginez Terminator dire : « Je vous reviens » ? Alors…

« Qui va bien »

Comme dans : « Dans ta prez', tu me mettras le petit graphique qui va bien ? » = et comment y va le graphique ? Y va bien ?

« Yapuka »

Comme dans : « Ce qui serait bien c’est que tu appelles une par une chaque personne du Bottin pour la sonder… Bon bha y’a plus qu’à (rires) » = outre l’offense qu’il porte à la langue française, yapuka se teinte d’un mépris certain pour son destinataire, souvent contraint à une très lourde tâche minimisée SOI-DISANT avec humour par le « y’a plus qu’à ». À bannir !

« Updater »

Comme dans : « Tu m’as pas updaté sur le dernier projet ! » = utilisé à l’origine dans le langage informatique, il squatte depuis la langue pro. On update tout et n’importe quoi, et surtout les salariés, qu’on « met à jour », donc, sur des projets. Matrix en entreprise... Glaçant.

« Confusant »

Comme dans : « Ce wording ne risque-t-il pas d’être confusant ? » = hyper lourd parce que n’existe pas, demandez à Word, qui vous le soulignera de ses petites vaguelettes rouges. Du coup, c’est un peu exaspérusant, comme mot…

« Ça fait sens »

Comme dans : « C’est vrai que cet ajout de cobalt dans la nouvelle maquette, ça fait sens ! » = traduction littérale de l’anglais « to make sense ». Euh... en vrai, on n’a jamais vu que du cobalt FABRIQUAIT du sens… si ?

« Brainstormer »

Comme dans : « On se fait un petit brainstorm à l’heure du dej’ pour trouver un nom à ce nouveau parfum ? » = réunions « pipi caca » où sont censées germer plein d’idées super originales et novatrices du fait qu’on est plein à laisser fuser nos lumineuses idées « out of the box ». Bref, une bonne récré pour grands enfants.

« Avancer en marchant »

Comme dans : « Je vous propose que, plutôt que d’établir un rétro-planning, nous avancions en marchant ? » = c’est ça ouais. Mais moi je propose qu’on avance en reculant ça vous dit pas ?

« Win-win »

Comme dans : « Réfléchissons à un partenariat win-win entre nos sociétés » = Oui-oui ? Mais que vient faire le nain à grelots dans notre partenariat ? Non, win-win, comme « gagnant-gagnant », mais en plus dynamique, plus... bizness. On se fait un petit accord « lose-lose » ?

« Copil, coproj, codir… »

Comme dans : « On se voit au prochain copil ? Ah non c’est au coproj haha ! Tu as bien prévenu les membres du codir ? » = comité de pilotage, comité de projet, comité de direction… ces réunions où groupuscules secrets se parent de noms de cocode pour mieux embrouiller le petit peuple n’y ayant pas accès. Le codir, ou le Montana de l’entreprise…

« Conf' call' »

Comme dans : « On se fait une conf' call' avec le Maroc cet aprem' ? » = la conference call, c’est l’avenir, mais aussi la fin du déplacement professionnel et ses joyeuses notes de frais. Bref, de l’autre bout du monde ou du pays (ou de l’arrondissement), on se file rendez-vous pour une réu moderne et connectée, au cours de laquelle on peut se faire les ongles ou sa liste de courses pendant que deux personnes parlent avec monotonie. Gare à la « visio » qui guette…

« Provoquer une réunion »

Comme dans : « Provoquons une réunion d’urgence avec tout le coproj avant la fin de la semaine ! » = souvent agressif voire belliqueux, le vocabulaire pro aboutit à des extrêmes irrationnels tels que la provocation de réunion. Un peu de douceur, que diable, cette réunion ne vous a rien fait !

« Next step »

Comme dans : « Merci pour ce brief très clair. Quelles sont les next steps ? » = « prochaines étapes », manifestement jugées trop old school ou pas assez dynamiques pour le business ; l’important restant d’avancer step by step, hou baby, comme les New kids on the block.

« Être force proposition »

Comme dans : « Nous attendons de nos salariés qu’ils soient force proposition sur tous nos projets » = Force rouge ! Force jaune ! Foooorce proposition ou le retour des Bioman en milieu professionnel. Bref, une expression « nawak » qui insiste encore et toujours sur la créativité, l’entrain et l’implication sans faille dont doit faire preuve tout employé 2013.

« Je reviens vers toi »

Comme dans : « Je vous laisse revenir vers moi comme convenu dans le courant de la semaine. » = étrange périphrase number one de la novlangue du boulot, ce cher « revenir vers » s’est frayé un chemin hors de l’open space, envahissant la sphère perso. « Ah pardon, je ne suis pas revenue vers vous pour l’anniversaire du petit Mathias ! ». Berk.

« Shooter un mail »

Comme dans : « T’as bien shooté un mail à toute la base comme prévu ? » = plus belliqueux que jamais, le shoot de mail peut faire mal… À terre, la base !

« Semaine pro »

Comme dans : « On se fait un dèj’ semaine pro ? T’es dispo’ ? » = viiiite ! Le temps c’est de l’argent, et les fins de mots considérées comme inutiles purement et simplement amputées. On est dynamique ou bien ?

« Rétro-planning »

Comme dans : « Quand on aura fixé une deadline, tu nous feras un petit rétro-planning ? » = prendre la fameuse deadline (date que si t’as pas terminé t’es mort) et essayer de bourrer le micro-temps qui nous en sépare de tous les trucs à faire pour aboutir au projet. Gros vecteur de stress pour son concepteur.

« Workshop »

Comme dans : « Après notre kick-off meeting, je vous propose qu’on fixe les dates de nos prochains workshops ? » = les « magasins du travail »... Rhooo, c’est chou, d’appeler comme ça ces loooongues réunions monothématiques relookées en mode « atelier » pour les rendre ludiques ! Mais vous ne nous aurez pas, wordeurs de tous bords !

« En phase »

Comme dans : « Êtes-vous en phase avec notre proposition ? » = hein ? Bha oui, « en phase », « en harmonie », ok, quoi. À connaître pour ne pas sembler déphasé. Non mais allô, quoi.

Elles sont nombreuses à envahir sans prévenir notre vocabulaire dès lors que nous mettons, chaque matin, un doigt de pied dans l’entreprise. « Au jour d’aujourd’hui » (grrr), véritable langue à part enrichie par ses propres utilisateurs, la prolangue « qui va bien » se doit d’être connue par tout salarié s’il veut être accepté parmi les siens. Alors que le jargon métier se mélange aux anglicismes, acronymes, néologismes et mots « hype » apportés par les plus jeunes, il en ressort un sabir étrange qui, s’il n’était utilisé entre les quatre murs de son lieu de travail, nous paraîtrait absolument grotesque (genre Les Visiteurs débarquant à l'Élysée).

Astuce : une conf' call' ou un workshop ennuyeux ? Jouez à noter quelques hérésies jargonesques et cochez dès lors qu'un intervenant en prononce une. Lorsque vous avez tout coché, vous avez gagné (le droit de partir à la cantine) !

Pour un aperçu complet de nos jargons, lisez « Je dis ça, je dis rien » et 200 expressions in-sup-por-tables ! par Terrafemina aux éditions Leduc.