Choisir le sexe de son bébé : un marché juteux aux Etats-Unis

Publié le Jeudi 25 Octobre 2012
Choisir le sexe de son bébé : un marché juteux aux Etats-Unis
Choisir le sexe de son bébé : un marché juteux aux Etats-Unis
Une entreprise multimillionnaire aux États-Unis se propose d'offrir aux parents la possibilité de choisir le sexe de leur bébé, moyennant plusieurs milliers de dollars. Une « innovation » qui pose de sérieuses questions d'éthique génétique.
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C’est l’histoire d’une femme qui voulait une fille à tout prix. Élevée avec quatre sœurs, obnubilée par le maquillage et la couture, Megan Simpson rêve de partager cet univers avec sa propre fille. Lorsqu’elle tombe enceinte pour la première fois, cette sage-femme et infirmière obstétrique dans une clinique canadienne est surprise de donner naissance à un garçon. « Pas grave », se dit-elle, « ce n’est que partie remise ». Sauf que deux ans plus tard, en 2004, une nouvelle fois enceinte, c’est un sexe masculin qui s’affiche sur l’échographie.

Devant cet « échec », elle décide de payer 609 euros dans une clinique américaine pour essayer la technique de traitements contre la stérilité ; comme le rapporte Slate, l’hypothèse scientifique veut que le chromosome Y soit plus rapide que le chromosome X. Pour la troisième fois, Megan est enceinte d’un garçon. « Je suis restée dans mon lit à pleurer pendant des semaines », confie-t-elle. Elle refuse d’avorter, et réfléchit durant sa grossesse à tous les moyens possibles pour avoir une fille.

Steinberg, leader mondial de la sélection sexuelle

Sur son lieu de travail, Megan Simpson change de service pour aller en chirurgie. Elle ne supporte plus de voir des femmes accoucher de petites filles. C’est sur Internet qu’elle trouve les coordonnées du Huntington Center. Dans les salles d’attente défilent des couples de trentenaires qui ne veulent pas de garçon ou de fille, aux côtés des couples désespérés de réussir à concevoir. Avec 100 millions de dollars de recettes par an et 6 000 opérations en moyenne, la sélection du sexe de l’enfant est un marché juteux depuis des années.

Leader mondial du DPI (diagnostic préimplantatoire), les Fertility Institute du spécialiste Jeffrey Steinberg ont fait de la sélection sexuelle un produit commercial, de luxe. Ce dernier avait scandalisé le corps médical en achetant des encarts publicitaires dans des journaux susceptibles d’être lus en Inde ou en Chine, des pays connus pour le grand nombre d’avortements de fœtus féminins. La dernière « avancée » de ce spécialiste est de proposer aux couples de choisir la couleur des cheveux et des yeux de l’enfant. Une lettre du Vatican a coupé court à son enthousiasme.

Une fille, 40 000 dollars

En mai 2008, Megan décide donc de réaliser le périple de sa vie avec son mari pour se rendre à Laguna Hills, une branche du Huntington Center. On lui prélève alors 18 gamètes, dont 11 matures, pour les féconder. Mauvaise surprise, aucun embryon n’est viable. Un second emprunt de 15 000 dollars, soit 11 134 euros, lui permet de revenir trois mois plus tard ; le processus fonctionne et avec un grand soulagement, Megan devient enfin maman d’une fille : « La première année avec mon mari, nous n’arrêtions pas d’admirer notre fille. Elle les valait, tous ces dollars, jusqu’au moindre centime. Mieux qu’une nouvelle voiture ou qu’une rénovation de cuisine », se réjouit-elle.

Si aucune étude n’a révélé pourquoi les Américains préfèrent les filles, Google montre que la recherche « comment avoir une fille » est trois fois supérieure à la version garçon. D’après une étude de Reproductive Biomedicine Online, les Américains caucasiens préfèrent les filles dans 70% des DPI, tandis que leurs compatriotes d'origine indienne et chinoise vénèrent les garçons. Sur les forums et les sites internet tels Genderselection.com, les femmes reviennent avec le même argumentaire : besoin d’un lien féminin. Pas de jeux de guerre, de football ou de sports violents.

Sexiste ? Pour la directrice du Centre pour la génétique et la société de Californie, Marcy Darnovsky, « c’est de l’eugénisme high-tech ». « Si vous vous donnez beaucoup de peine et dépensez beaucoup d’argent pour sélectionner un enfant d’un certain sexe, vous encouragez des stéréotypes qui sont préjudiciables aux femmes et aux filles… Et si vous vous retrouvez avec une fille qui aime le basket-ball ? Vous ne pouvez pas la renvoyer et vous faire rembourser ». Si beaucoup de spécialistes de l’éthique s’opposent au DPI, cette pratique reste légale aux États-Unis, contrairement au Canada, au Royaume-Uni et à la France.

Salima Bahia

Crédit photo : Comstock

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