Désir sexuel et sentiments sont-ils dissociables ?

Publié le Lundi 02 Juillet 2012
Désir sexuel et sentiments sont-ils dissociables ?
Désir sexuel et sentiments sont-ils dissociables ?
Si nous préférons penser que l'amour est affaire de cœur, la science nous a prouvé depuis longtemps que tout se joue dans le cerveau. Restait encore à savoir si ce qui touche au sentiment se loge au même endroit du cerveau que le désir sexuel, ou s'ils sont distincts l'un de l'autre. L'éclairage de notre experte Sophie Bramly.
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Une étude, récemment parue dans le « Journal of Sexual Medicine »,  montre une cartographie des réactions de notre cerveau dans le cas du désir sexuel et dans celui du sentiment.
Jim Pfaus, professeur de psychologie à l’université de Concordia, au Canada, qui a codirigé cette étude en neurobiologie comportementale avec des membres d’universités suisse et américaine, ne savait à quoi s’attendre lorsqu’ils ont demandé à des hommes et des femmes de regarder, d’une part, des images érotiques et, de l’autre, des photos de leur partenaire. Les scientifiques, en établissant ensuite une carte situant les parties du cerveau stimulées par l’amour et celles stimulées par le désir sexuel, ont constaté que deux structures cérébrales, l'Insula et le Striatum, suivent à la trace la progression de l’un et de l’autre. La zone activée par le désir sexuel est activée par tout ce qui est agréable, comme le sexe, la nourriture (récompense primaire) ou l’argent (récompense secondaire). La zone activée par l'amour passe par le processus de récompense.

C’est aussi dans cette zone du Striatum que se situent les éventuelles addictions aux drogues, à l’alcool, etc. Selon Pfaus, « l'amour est en réalité une habitude qui se forme à l’endroit où le désir sexuel devient un désir récompensé », comme pour les drogues. Cette expérience vient en écho de celle, conduite en 2010 par le CNRS, qui a proposé à 18 volontaires une expérience sous forme de jeu, où les individus pouvaient soit gagner de l'argent soit voir des images érotiques. Leur activité cérébrale était enregistrée par IRM. C’était là encore Striatum et Insula qui entraient en action, dissociant les récompenses primaires (manger, faire l’amour…) des secondaires (argent, jeux, etc. - apparues plus récemment chez l'Homme). Ces résultats permettaient de démontrer pour la première fois une dissociation entre deux types de récompenses, en suggérant qu'il pourrait y avoir des zones distinctes pour ces différentes gratifications. Si le but était de mieux comprendre l'addiction, entre autres, aux jeux d'argent, on souhaiterait vivement qu’il soit démontré clairement que le désir sexuel ne doit être confondu avec les addictions (drogues, alcool, alimentation, …), l’acte sexuel libérant des molécules similaires à celles des anxiolytiques.

Mais si nous devons nous inquiéter, inquiétons-nous alors de cette étude récente où deux tiers des utilisateurs d'iPhone avouaient préférer leur téléphone au sexe, 15% préférant passer un weekend sans sexe plutôt que sans iPhone, qui lui aussi activerait la même région du cerveau que l'amour.
Mais alors peut-être qu’à force d’observer le cerveau et ses 6 milliards d’actions par secondes, on oublie de penser que le cerveau est maître de l’ensemble de nos gestes et de nos pensées ; que le téléphone sert à joindre l’être aimé ; que l’amour physique permet de « rencontrer » l’autre, et le désir amoureux de l’autre est encore une autre façon de vouloir « toucher » et « être touché » par l’autre. Bref, on étudie, on observe, on dissèque, on morcelle, on se disperse, mais on oublie que, par nature, nous avons besoin de nous rapprocher.

Crédit photo : Goodshoot

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