Le vrai et le faux sur la frigidité féminine

Publié le Mercredi 14 Novembre 2012
Le vrai et le faux sur la frigidité féminine
Le vrai et le faux sur la frigidité féminine
C'est une insulte, un mythe et une grande obsession de la psychanalyse, mais qu'est-elle exactement ? Notre experte Sophie Bramly se penche aujourd'hui sur le plus énigmatique des tabous sexuels : la frigidité féminine.
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Il arrive, dans les errances si humaines de la science, qu’il y ait une stigmatisation sur des symptômes remarqués qui donnent à croire qu’un nouveau mal nous accable, lequel fait couler beaucoup d’encre, puis disparaît en laissant de fines traces, sans que l’on sache toujours précisément de quoi il en retournait. On a beaucoup parlé de la masturbation qui a fini de rendre sourd, moins d’un terme qui peu à peu se glisse hors de notre langage, la « frigidité ».

Longtemps, la frigidité féminine a été considérée comme un dysfonctionnement sexuel, qui serait l’exact équivalent de l’impotence masculine. Techniquement, sans lubrification, la femme frigide n’aurait ni désir, ni plaisir et par conséquent pas d’orgasme non plus.
Pour les auteurs de fictions, la femme frigide est devenue une héroïne de romans (considérée comme l’image même de la frustration, elle permet de bâtir des intrigues palpitantes, ce que la femme épanouie ne permet pas).
Dans la langue populaire, le terme est devenu une insulte.
Pour Freud et les premiers psychanalystes, c’était les conséquences d’une blessure narcissique à la suite de la perte de l’hymen, le résultat d’une absence de pénis vécue comme une castration, une attitude passive, des traits de caractère masochistes. Plus tard, le psychanalyste Jacques Lacan a analysé autrement cette « castration », pour lui il fallait qu’une femme soit veuve pour jouir...


Frigidité, un terme sexiste ?

Aujourd’hui, les cliniciens évitent le terme de « frigidité » en majeure partie à cause de sa connotation sexiste, qui situe la faute chez la femme, qui serait donc incapable d’excitation sexuelle et de plaisir. Pour eux, il faut aussi tenir compte du milieu socioculturel, de ses préoccupations, de sa santé. Les politesses actuelles de langage encouragent à parler plutôt d’absence de réponse sexuelle ou de dysfonctionnement. On remplace ainsi un mot par une absence de mot, comme s’il était impossible de dire qu’un siècle d’études puisse déboucher sur une évaporation des symptômes ou, pire, une invention de la maladie. Alors on efface, on gomme doucement.

Revenons un instant sur l’origine du mot : est frigide ce qui est mort, un cadavre par exemple. Dans le langage populaire, l’utilisation de ce terme aujourd’hui est généralement faite par un homme. Il traite une femme de frigide si elle ne répond pas à sa demande. Pour lui, si elle ne le désire pas, ce n’est pas parce qu’il n’est pas désirable, mais parce qu’elle n’est pas capable de désirer et est donc comme morte.

Ceci me pousse à penser que la disparition lente de la frigidité n’est pas tant le fruit d’une éducation sexuelle libérée et enfin accessible aux femmes, mais la disparition, en Occident, de l’obligation de prendre pour mari un homme sans l’avoir choisi, pour répondre à des exigences familiales ou économiques. On comprend alors aisément, me semble-t-il, que poussée à l’acte sexuel sans désir, la femme se soit refermée comme une huître, sans lubrification, sans plaisir, sans jouissance. Frigide, donc, faisant la morte pour ne pas participer à un acte imposé.

Le philosophe Maurice Merleau-Ponty parlait déjà en 1944 de ce que « la frigidité n'est presque jamais liée à des conditions anatomiques ou physiologiques, (...) elle traduit le plus souvent le refus de l'orgasme, de la condition féminine ou de la condition d'être sexué » (in « Phénoménologie de la perception ») et la condition féminine par le mariage forcé est une geôle dans laquelle il peut être préférable de s’éteindre.

Il y a sans doute une forme de sagesse chez la femme à subir en faisant la morte, et à reprendre vie, comme elle le fait aujourd’hui, en choisissant des amours et des amants qui réveillent, ô combien, sa lubrification, son désir, sa jouissance.

Crédit photo : Comstock

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