Les conseils vintage de Marie Dewet, co-fondatrice de MaisonCléo

Publié le Jeudi 05 Mars 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Les conseils vintage de Marie Dewet, co-fondatrice de Maison Cléo
Les conseils vintage de Marie Dewet, co-fondatrice de Maison Cléo
Marie Dewet, la co-fondatrice du label MaisonCléo, nous partage ses astuces pour devenir une pro du vintage. Pour elle, au-delà d'une habitude mode, il s'agit d'une vraie action pour l'environnement.
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Marie Dewet est la fille du duo mère-fille derrière MaisonCléo, une boutique en ligne qui a démarré en vendant ses créations aériennes sur Instagram en 2016, avant d'atterrir dans la penderie de la mannequin Emily Ratajkowski (entre autres). Employée chez Vestiaire Collective - l'eldorado de la seconde main, elle exhibe des pièces soigneusement chinées sur son compte perso quand elle ne l'utilise pas pour informer sur les dégâts de la fast fashion.

Car en plus de posséder un goût impeccable et un don certain pour l'élaboration de silhouettes pointues, Marie Dewet mène une lutte acharnée - et justifiée - contre la surproduction et la pollution causée par l'industrie du textile. Lutte qu'elle s'applique d'ailleurs à elle-même. Toutes les pièces signées MaisonCléo sont soigneusement confectionnées par sa mère et plusieurs couturières locales, dans un atelier de la région de Lille, à partir de chutes de tissus issues de la haute couture. Des principes éco-responsables qui convainquent ses clientes, principalement américaines, d'économiser plus longtemps pour acheter mieux (compter 110 € pour la blouse Julie, l'un des produits phares, dont le détail est expliqué sur la fiche produit).

Son parti pris : on n'a pas besoin d'acheter de nouveaux vêtements, ni de produire de nouveaux tissus pour les fabriquer puisqu'ils existent déjà. Elle encourage également celles qui ne peuvent pas encore se payer ses collections à renoncer à la frénésie de l'instantané pour se plonger dans une quête jouissive de la blouse, de la jupe, de la paire de bottes parfaites. Et vintage, donc. Elle nous livre les raisons derrière sa passion pour la seconde main, ses conseils pour dénicher des trésors qui n'attendent que nous, et explique pourquoi il est urgent de consommer autrement.

Terrafemina : Quand as-tu commencé à t'intéresser au vintage ?

Marie Dewet : Il y a dix ans je n'achetais pas de vintage mais j'économisais pour investir dans mes marques de luxe préférées, sur Net-A-Porter notamment (elle a depuis signé plusieurs collaborations avec l'e-shop de luxe, ndlr). Je mettais des sous de côté pour obtenir la pièce de mes rêves assez inaccessible pour moi, mais au moins, j'avais la satisfaction de posséder quelque chose de bonne qualité. J'achetais une deux ou trois pièces par mois au lieu de 20 pour mes copines à l'époque chez H&M et compagnie. En fin de compte, nous dépensions la même somme.

Je pense que mon attrait pour les belles choses est parti de là car je commençais vraiment à apprécier les belles matières. J'adore toucher des vêtements ou chaussures confectionnés avec des tissus de qualité, c'est comme un objet d'art ! Je me suis rendu compte que dans le vintage, il s'agit aussi de superbes matières qui ne se font plus maintenant. Le coton est d'une qualité et épaisseur inégalables, les finitions faites à la main au lieu de la machine contrairement à maintenant sur certaines pièces... On voit vraiment la différence et donc la plus-value de consommer du vintage.

Dirais-tu qu'il s'agit d'une passion ?

M. D. : Oui, complètement. J'éprouve vraiment du plaisir à toucher ou à regarder une belle pièce bien faite avec des détails devant lesquels je suis en admiration. Ce que j'adore aussi avec le vintage, c'est le fait de posséder des pièces uniques que personne ou très peu de gens ont. Là, je viens de dégoter une paire de boots Celine vintage de l'été 2000 époque Michael Kors en jean tie and dye. Je vais les vendre sur mon shop vintage car ce n'est pas ma pointure, mais c'est vraiment une satisfaction de trouver et posséder des pièces uniques : tu te sens vraiment privilégiée, chanceuse et différente. Et ça, j'adore.

Quels sont, selon toi, les avantages à acheter vintage ?

M. D. : L'avantage écologique, en premier lieu. Je ne comprends pas pourquoi acheter un article neuf. Que tu cherches une robe noir, des boots marron, un top à volants rouge.... Il existe déjà et tu obtiendras beaucoup plus de satisfaction d'avoir passé du temps à le chercher que de prendre le même que tout le monde, fait en série dans de mauvaises conditions, à la boutique du coin de la rue.

Je dis toujours que l'on parle de vêtement et pas de nourriture, ni d'eau. Nous avons plein de vêtements dans nos placards déjà, nous pouvons donc tous attendre deux, trois jours - voire plusieurs semaines ou mois - avant de mettre la main sur la pièce convoitée. Ça ne changera rien à notre vie dans l'immédiat. Et au contraire, l'excitation sera encore plus forte quand vous la trouverez enfin.

En deuxième lieu, l'exclusivité. Le fait de posséder une pièce qui ne sera pas portée par tout le monde à tous les coins de rue et qui sortira du lot. Et troisième chose : la qualité du vêtement.

Pourquoi changer ses habitudes de consommation au niveau de la mode est-il essentiel ?

M. D. : Aujourd'hui, un acte d'achat est aussi un acte militant, qui engendre des conséquences. Si tu achètes un vêtement en grande surface ou dans une chaîne dans un souci de facilité, tu cautionnes tout ce que cet achat représente : la pollution de la planète causée par sa production et son acheminement, les maladies pour ces gens qui travaillent tous les jours à côté des produits chimiques qui ont permis de le créer, le fait qu'ils soient sous payés et aussi la surproduction qui provoque un gâchis considérable - et encore plus de pollution.

Se dire que juste un petit achat ne va rien changer c'est facile, et si tout le monde faisait pareil on ne pourrait pas avancer. Cette façon de consommer cause et a causé beaucoup de pertes d'emplois dans le textile en France. Tout le monde est acteur et responsable de ça ! Concernant l'excuse du point financier, il faut aussi savoir que le vintage ou la seconde main coûte bien souvent beaucoup moins cher que Zara, Mango etc, aussi étonnant que cela puisse paraître. Donc pas d'excuse ni de raison.

Selon toi, quels seraient les cinq articles à absolument acheter en fripe ?

M. D. : Le Levi's 501 ou d'une autre coupe selon sa morphologie. Moi, c'est le 501 qui me va bien, ou le 525, avec une taille mi-haute et légèrement évasé sur le bas (à couper plus court sans faire de coutures il est très cool aussi). On les choisit vintage car les nouveaux Levi's reconduits de ces modèles contiennent de l'élasthanne et ne sont pas en 100 % coton comme les anciens. J'en ai une vingtaine du même modèle et ils sont tous différents car je coupe le bas de certains. Et puis surtout les délavages et les accrocs varient, donc ils sont tous un peu unique.

Ensuite, je dirais le gros pull en laine torsadée.

Et le petit pull en cachemire col roulé (les cachemires Hermès sont d'une douceur absolue et on peut en trouver en seconde main vintage à 150 euros).

Le panier en osier aussi, qui va avec tout.

Et puis les boots en cuir noir basiques plates façon cow-boy qui sont parfaites en toutes circonstances.

À quoi faire attention quand on chine, quelle est la bonne technique à adopter ?

M. D. : Je me fais souvent avoir par les petites taches ou les petits trous dans la maille que je ne vois pas au premier abord car je suis trop excitée d'avoir trouvé cette pièce. Les taches de transpiration au niveau des emmanchures sur les vêtements blancs aussi !

Quels seraient tes meilleurs conseils pour chiner de bonnes pièces ?

M. D. : D'abord, avoir de la patience. Ce n'est pas mon fort mais c'est vraiment obligée dans ces cas là. Parfois je pars chiner pendant deux ou trois heures et je ne trouve que une ou deux pièces, mais il a fallu chercher assez longtemps - et elles valent le coup !

Ensuite pour aller plus vite quand on fait une brocante, on regarde les personnes qui tiennent les stands. C'est ce que je fais maintenant : ce sont les grand-mères qui regorgent de trésor et devant lesquelles il faut s'arrêter. Et qui ont toujours des histoires en rapport avec leurs pièces à raconter - c'est très sympa et c'est toujours un plus, pour elle et pour nous. Avec un peu de chance, elles te diront qu'elles ont encore plein de pièces à la maison et t'inviteront pour les voir.

Être toujours à l'affût aussi, les meilleurs pièces partent les plus vites. Chez Vestiaire Collective où je travaille en tant que manager du service VIP, si tu convoites certaines pièces, c'est une veille en permanence, certains types d'articles se vendent dans la demi-heure.

Que privilégier : vintage shop ou dépôt store ?

M. D. : J'aime les deux, ça multiplie encore plus la chance de trouver de belles pièces. Mais il y a quand même toujours un plaisir décuplé de se rendre physiquement dans un dépôt vente, où l'on peut toucher et voir les vêtements et accessoires en vrai, si on a le temps.