





Fait-il bon revoir La vie d'Adèle ?
12 après le triomphe de la romance lesbienne, déjà mâtiné de scandales à l'époque - notamment au sujet de son interminable et très sulfureuse scène de sexe réunissant les deux amoureuses - les voix se libèrent afin de réévaluer le film acclamé d'Abdelatif Kechiche.
Telle celle de sa star : Adèle Exarchopoulos, qui trouvait là le rôle d'une vie. Et remportait un César de la meilleure révélation très mérité. Le premier d'une série que l'on sait longue.
Adèle Exarchopoulos, de nouveau Césarisée entre temps, qui l'année de son second sacre, pour Je verrai toujours vos visages, décidait donc de briser le silence concernant ce tournage houleux aux côtés de son amie Léa Seydoux. Adoptant du côté de Paris Match un discours en dents de scie : "Je sais qu'il y avait une forme de soumission durant ce tournage, mais pas d'emprise. Même si j'ai senti plein de tentatives…"
Mots troubles que ceux qu'Adèle Exarchopoulos attribue lors de cette interview exceptionnelle à cette expérience intense de six mois, dont elle avoue volontiers le caractère éventuellement "malsain"... "Le dépassement de soi, ce qu'il a attendu de Léa et moi, cette forme de manipulation, je l'ai accepté dès le départ. Ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui il ne pourrait pas tourner La vie d'Adèle dans les mêmes conditions qu'à l'époque", énonce-t-elle encore.
Et Léa Seydoux alors ?
L'an dernier, sur Inter, la star s'exprimait : "Je ne regrette absolument pas de l'avoir vécue ce tournage, au contraire, ça m'a rendue plus forte aussi, je crois. C'était tellement dur à faire, très violent, d'une certaine façon, résister à cette violence, avec Adèle, on s'est senties fortes parce qu'on a survécu à ce tournage".
"Abdellatif, il a une méthode particulière, parce qu'il fait une scène sur plusieurs jours. Faire dix prises c'est dur, mais tourner 100 prises un jour, refaire la même scène le lendemain... C'était obsessionnel, il nous épuisait à un endroit, mais de cet épuisement là, il en est ressorti des choses assez sublimes."
Et aujourd'hui, c'est une autre grande actrice Césarisée, également révélée par Abdelatif Kechiche, qui témoigne...
Cette comédienne d'exception, c'est Hafsia Herzi.
Actrice Césarisée l'an dernier pour le thriller corse et carcéral Borgia, tout aussi sidérante dans Le ravissement, et qui fut révélée dans La graine et le mulet, autre triomphe aux César de Kechiche...
Comédienne elle aussi intense (la séquence finale de La graine... en témoigne) et qui vient défendre à Cannes son troisième film en tant que cinéaste, le portrait d'une femme lesbienne devant vivre la dure conciliation entre sexualité et croyances.
Cette transposition du premier roman de Fatima Daas, sensation de la rentrée littéraire d'il y a quelques années, est phénoménale en cela que les voix lesbiennes manquent encore trop au panorama hexagonal.
Figures queer... Comme celles de La vie d'Adèle, d'Abdelatif Kechiche ? Deux oeuvres qui dialoguent ensemble ?
Auprès de Première, Hafsia Herzi réagit...
"Le seul rapport entre mon film et La vie d'Adèle, c'est l'histoire d'amour entre femmes... C'est le hasard ce lien entre les deux films", évoque-t-elle d'abord calmement au micro des journalistes ciné.
Souhaitant faire acte de révérence à l'égard du metteur en scène, elle assure, à Première, près de 20 ans après La graine et le mulet : "Que l'on m'associe toujours à Abdelatif Kechiche, ça ne me dérange pas car j'ai commencé avec lui, c'est vrai, ce sont mes débuts en tant qu'actrice. Et c'est un grand cinéaste... Il m'a décomplexée concernant l'écriture de mes scénarios, tout de suite, sur la manière de raconter des histoires"
A l'unisson, elle achève : "Il m'a toujours encouragé dans ce métier. Il m'a toujours dit : si tu aimes l'écriture, il faut se lancer"
Une forme de confiance qu'elle a déjà exprimé dans les médias jadis, s'exercant volontiers à mentionner le réalisateur.
"À la première prise, j'ai vu qu'il avait les larmes aux yeux et moi aussi. Je me suis dit : Bon, ça va. Mais j'ai retrouvé un réalisateur différent", confiait en outre Hafsia Herzi lors de la sortie de Mektoub My Love, autre Kechiche - et autre tourbillon cannois - où elle figure. A France Culture, elle exprimait dès lors entre les lignes l'évolution méliorative d'un réalisateur qu'elle a connu davantage... Sévère.
"Ce n'était pas du tout la même personne que sur "La graine et le mulet" en 2007. On a fait deux prises. Je lui ai dit : Mais pourquoi deux prises ? Je ne suis pas habituée à ça avec toi ». C'était un autre metteur en scène. Je m'attendais à faire 50 prises. Et non, deux."
Une opinion qui comme l'actrice en a l'habitude, donne le la à la nuance.