L'Allemagne débat sur une loi anti-avortement datant du régime nazi

Publié le Mercredi 06 Février 2019
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
Manifestation pro-avortement à Hambourg en Allemagne le 26 January 2019
Manifestation pro-avortement à Hambourg en Allemagne le 26 January 2019
Ce mercredi 6 février, le Conseil des ministres de Berlin a validé une proposition de loi visant à lever l'interdiction aux médecins de dire qu'ils pratiquent l'IVG sur leur site internet. Pour les militant·es, l'assouplissement de cette loi datant du régime nazi n'est pas satisfaisant.
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En Allemagne, l'avortement n'est pas légalisé mais partiellement dépénalisé. En clair, cela signifie qu'une femme a le droit de recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG) mais sous certaines conditions bien précises.

La loi exige également de passer un entretien dans un centre spécialisé et impose un délai de trois de jours de réflexion après la consultation. Chez notre voisin européen, très peu de médecins pratiquent l'IVG.

Mais ce n'est pas tout : conformément au paragraphe 219a du Code pénal, les médecins n'ont pas le droit de faire de mentionner publiquement qu'ils pratiquent ce type d'intervention.

Cette loi remonte à mai 1933, peu après qu'Adolf Hitler a pris les pleins pouvoirs et instauré le régime nazi. Elle a été dénoncée par de nombreux·euses professionnel·les de santé ainsi que par des militantes féministes, estimant que cette restriction empêche les femmes de se procurer des informations précieuses sur l'IVG.

Parmi les militant·es pro-avortement les plus emblématiques du pays, Kristina Hänel, gynécologue de 61 ans condamnée à une amende de 6000 euros pour avoir diffusé des conseils sur l'avortement sur son site internet. L'affaire a suscité un vif débat dans le pays et a abouti à la présentation d'un projet de loi, examiné ce mercredi 6 février en Conseil des ministres à Berlin.

"Faux" compromis

Le texte propose un assouplissement de la loi, mais sans lever l'interdiction de faire de la "publicité" pro-avortement. Autrement dit, les médecins et les hôpitaux pourront spécifier sur leurs sites web qu'ils pratiquent des IVG, mais qu'ils ne seront toutefois pas autorisés à fournir des informations plus détaillées. Une issue qui ne satisfait pas du tout Kristina Hänel.

"Ce compromis n'est pas un compromis. Il nous autorise certes à mentionner sur nos sites internet si nous pratiquons ou non l'avortement. Mais rien de plus. Pas un mot sur les méthodes, c'est toujours interdit", regrette-t-elle au micro de France Culture.

Celle qui incarne la figure du combat des militant·es pour la légalisation de l'avortement en Allemagne est toujours condamnée. "Je vais devoir aller devant la plus haute juridiction pour que la loi change enfin en Allemagne", précise-t-elle à France Culture.

Le projet de loi, qui a été adopté par le gouvernement ce 6 février, devra être approuvé par le cabinet d'Angela Merkel puis adopté par les deux chambres du Parlement avant d'être validé, prévoit également que l'Association médicale allemande établisse une liste centrale de médecins et de cliniques pratiquant des avortements.

À ce jour, seules les villes de Berlin et de Hambourg fournissent des listes des praticien·nes en mesure de réaliser une IVG.

L'IVG partiellement dépénalisée en Belgique

L'Allemagne n'est pas le seul pays de l'Union européenne où l'avortement peut faire l'objet d'un délit. Partiellement dépénalisé en 1990, l'avortement en Belgique est autorisé en-dessous de la douzième semaine de grossesse, sous un délai de réflexion de six jours, et doit être pratiqué dans un centre hospitalier ou dans un planning familial.

Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, le "Collecti.e.f 8 maars" appelle toutes les femmes de Belgique à faire grève pour se battre pour leurs droits. Cette action vise à revendiquer, entres autres, la légalisation de l'avortement, l'égalité salariale et la lutte contre les violences gynécologiques.

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