Pourquoi les cheveux roses sont si trendy pendant la pandémie

Publié le Vendredi 15 Janvier 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
"Closer" avec Natalie Portman : en 2004 déjà, la grande mode du rose glamour.
"Closer" avec Natalie Portman : en 2004 déjà, la grande mode du rose glamour.
Aussi bien arboré par des anonymes que par des célébrités, le rose fut la grande couleur capillaire des confinements. A la fois pop et punk, le pinky ne déçoit jamais. Avec ses mille et une nuances, il ne cesse de fédérer et de fasciner. Gros plan.
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Qu'on le sache, le rose est une couleur chaude. Et fédératrice. La preuve ? Depuis le premier confinement, nombreuses sont les figures iconiques à l'arborer sur leurs tifs, pour le plus grand plaisir de leurs followers. Sensuels, piquants, punk, les cheveux roses détonnent et semblent constamment revenir à la mode.

C'est ce sur quoi insiste le Guardian : les cheveux roses constituaient l'une des grandes tendances de l'année 2020, et il y a fort à papier que cette lubie capillaire va se poursuivre en 2021. Jennifer Lopez a des tifs pinky. Dua Lipa aussi. Idem pour la protagoniste de la géniale série I May Destroy You, incarnée par la créatrice british Michaela Coel. Mais l'on pourrait encore vous parler des expérimentations capillaires de Madonna, des soeurs Kardashian ou de Lady Gaga, qui déploie une magnifique chevelure rose dans le clip spectaculaire de "Stupid Love".

Ce rose nous renvoie à quelques silhouettes tout aussi emblématiques. Celles de Natalie Portman et Scarlett Johansson par exemple, abordant des perruques aux identiques tonalités dans les films Closer : entre adultes consentants et Lost in translation. Par-delà le glamour et le girly, le rose ne cesse de se réécrire. Et surtout en pleine pandémie.

La couleur du monde d'après

L'an passé, le magazine de business Forbes s'étonnait de cette insolite mode : durant le confinement, de nombreuses marques comme Color Freedom ont pu remarquer une florissante augmentation des ventes des produits capillaires rosâtres semi-permanents. Au Royaume-Uni, les ventes des colorants "Pink Pizazz" ont grimpé de plus de 1200% lors du premier confinement. Un vrai phénomène.

Les cheveux roses semblaient alors être une évidence aussi limpide que le retour de hype du bon pain fait maison. Les raisons de cette surprenante adoption le sont tout autant : limpides. Besoin de mettre un brin de bright dans un quotidien moins rose que morose, attrait pop indéniable de ladite couleur, désir de sortir de sa zone de confort pour fuir l'ennui entre quatre murs...

"Le confinement fut le moment idéal pour expérimenter, pour tous ceux qui travaillaient à domicile notamment. Expérimenter, et donc être plus créatif·ve en ce qui concerne nos cheveux", analyse Suzie McGill, l'ambassadrice de l'entreprise Schwarzkopf du côté de l'Angleterre.

Alex Brownsell, cofondateur et directeur créatif de la société pour produits capillaires Bleach, insiste à l'unisson sur la folie de cette tendance. "En 2020, nous avons vendu un produit capillaire rose toutes les 30 secondes, ce qui représente une augmentation de 50% par rapport à l'année précédente", raconte-t-il au Guardian. Voir la vie en rose, un adage qui parle autant aux femmes et hommes audacieux qu'aux influenceurs des réseaux.

Pink et punk ?

"Le rose est une couleur parfaite pour être rebelle en toute sécurité. Teindre vos cheveux en rose est amusant mais aussi un peu punk, une alternative idéale car elle ne dure généralement pas très longtemps. Le rose pastel est un formidable moyen de jouer avec des couleurs créatives plus audacieuses", se réjouit Brooke Jordan, cofondatrice et maître styliste du salon de coiffure new-yorkais The Bird House, dans les pages du magazine lifestyle Allure.

Punk, et pas qu'un peu. Le rose capillaire était l'un des motifs majeurs du mouvement révolutionnaire et artistique des années 70. Pour se convaincre de son éclat, il suffit de contempler la chevelure flamboyante de la grande Nina Hagen. Au fil des décennies, rares furent les courants un tant soit peu subversifs à y échapper. Kurt Cobain, l'un des porte-paroles du mouvement grunge qui enflammât les années 90, affectionnait particulièrement les tifs roses. Aujourd'hui, des chanteuses volcaniques comme la queen electro Charli XCX déboulonnent aussi bien les scènes que les tiroirs des colorants, en accueillant ces tonalités à bras ouverts.

Le rose va et vient, persiste comme une mélodie qui vous reste en tête. Cela n'a rien d'étonnant quand on s'interroge sur ses origines - centenaires. Créatrice du compte spécialisé The Hair Historian, Rachael Gibson les rappellent au Guardian : le rose était déjà à la mode au 18e siècle, "lorsque les poudres pour cheveux et perruques, parfumées à la lavande viraient aux tons de rose et autres nuances pastels", nous assure-t-elle.

D'un siècle à l'autre, le colorant rose est passé de convention à transgression. En conservant son côté glam, il s'est enrichi d'une teneur politique. "Pour des mouvements comme le punk, l'utilisation d'une couleur délibérément non naturelle comme le rose est une déclaration faite à la beauté conventionnelle. En associant un style visuellement agressif (comme des cheveux à pointes) avec une couleur traditionnellement féminine (le rose), les punks jouent également avec les stéréotypes d'une manière agréablement déroutante", développe encore l'experte.

"Agréablement déroutante". On ne pourrait mieux définir le cheveu rose, tendance à la fois chic et choc, réappropriation des codes "pour filles" au profit d'un usage déconcertant. Libre, en somme.

Pour quelques nuances de plus

Si libre d'ailleurs que des singularités tout plus atypiques les unes que les autres ont déjà valorisé cette couleur qui pète. Katy Perry, Nicole Richie, Lily Allen, Gwen Stefani, Cyndi Lauper, Nicki Minaj, Cara Delevingne, Rita Ora, chacune à un jour au moins sorti les colorants, et transformé le punk incendiaire en pop atomique, forcément viral. Oui, toutes les reines de la culture populaire et people passée et contemporaine, même Kim Kardashian.

D'ailleurs, le rose a l'attrait d'un divertissement : doucereux ou pétillant comme une bulle de champagne, il détourne notre attention des aléas de la vie. Le neuropsychologue américain Hanam Hafeez en est persuadé. Au magazine Allure, le spécialiste explique : "Le rose représente tout ce dont nous avons besoin dans ce monde en ce moment. Beaucoup lui confèrent un effet apaisant. Ce n'est pas une couleur 'forte' comme le jaune ou l'orange. Il fait toujours ressortir notre côté plus doux, d'une manière qui ne nécessite pas trop de moyens".

Pas une couleur forte ? Et pourtant, nombreuses sont les voix féminines à en faire une arme féministe. L'espace d'un article, le blog Geek Mom l'affirme avec conviction. Quand le rose imprègne les cheveux, il se fait couleur "courageuse". Courageuse puisqu'inappropriée, non-conventionnelle, provoquant et déstabilisant les attentes d'autrui. Tifs bleus, violets, roses, même combat. "Les femmes méritent plus. Elles méritent de porter du rose et du violet et du vert et du bleu, quelle que soit la couleur de cheveux qu'elles désirent. Elles méritent de se regarder dans le miroir et de voir le Moi qu'elles ont rêvé d'être", se réjouit la journaliste, qui aime tant ses cheveux roses.

Une mode qui n'a pas fini de fasciner.