Renate Reinsve pose en culotte le temps d'une séance photos très sexualisée. L'immense comédienne chère au cinéaste Joachim Trier dévoile un visage de "sex symbol" pas forcément connu de son public norvégien. Une série de clichés glamour et sensuels à retrouver en bas de cet article. Et qui pose question.
Cette comédienne est la muse de Joachim Trier, que le metteur en scène a sublimé le temps de quelques films, de Julie (en 12 chapitres) au tout récent Valeur sentimentale, mais c'est surtout une actrice exceptionnelle, maniant aussi bien l'ironie que la mélancolie. Elle mérite tous les Prix d'interprétation.
On la connaît introspective et douceâtre, nuancée et complexe.
Or ELLE USA vient de lui consacrer une séance photos pas vraiment en phase avec cette subtilité. Le cliché le plus relayé la dévoile ainsi en petite culotte. Un t shirt USA sur les épaules. Comme un personnage de la saga American Pie. On croirait voir des photos de n'importe quel sex symbol des années 2000, type Megan Fox.
Cela importe peu : bien évidemment, les comédiennes ont le droit de mettre en scène leur corps et leur sensualité librement. Mais l'image est si caricaturale qu'elle suggère une observation systématique.
A savoir, le traitement par la presse américaine des actrices étrangères, ici, Norvégienne, qui aboutit toujours à la même question : pourquoi toujours sexualiser les comédiennes ? Et pourquoi les grandes actrices doivent-elles forcément devenir des sex symbol ?
On s'interroge.
Renate Reinsve démontre qu'immense talent et photos sexy à la GQ (même s'il s'agit de ELLE USA) ne sont pas incompatibles. Cela ne l'est d'ailleurs jamais : la question en soi est absurde. Et nous renvoie aux redondantes controverses sur Sydney Sweeney. Affirmer ainsi sa sensualité c'est aussi revendiquer une liberté que l'on retrouve autant dans son jeu et sa carrière qu'envers son corps et son image.
Mais à ce titre, voir ces photos témoigne de certaines conventions imposées aux femmes, en 2025, toujours, alors que les dernières révolutions féministes sont venues bousculer l'industrie du cinéma et certaines visions stéréotypées qui ont la dent dure. L'inévitable séance photos "sexy" ou "glamour" qui résonne au sein de la presse féminine comme un passage obligé. Qu'importe que la comédienne dans ses films soit totalement étrangère à cette image.
Car Renate Reinsve, dans les oeuvres de Joachim Trier par exemple, n'est jamais sexualisée, super-glamourisée, très dénudée, sensualisée, ou quand elle l'est, cela échappe aux sempiternels clichés et autres fragments de "male gaze" américains. Ce regard masculin qui plaque sa libido sur les actrices.
Admirable actrice norvégienne, star du cinéma d'auteur européen, l'interprète, connue pour ses performances intimistes et intériorisées, étonne sur ces représentations qui ne sont pas vraiment en cohésion avec son univers, et témoignent d'une tendance encore vive de la société de l'image à toujours assigner les artistes féminines à une glamourisation exigée. Comme s'il était impossible de se concevoir autrement.
Emancipée des catégories auxquelles on peut l'associer, se souciant peu d'apparaître en sex symbol, loin de ses alias de fiction plus spontanés et naturels, Renate Reinsve semble ici plus "américanisée", ce qui en soi est peu surprenant car Valeur Sentimentale pourrait se voir sacré aux futurs Oscars. Mais elle perd un peu de la singularité qui est sienne dans ce processus quelque part pas si éloigné de ce que Mona Chollet détaille dans son ouvrage Beauté Fatale.
Le culte de la beauté et du glamour à tout prix, mondialisé.