Conflits de voisinage : quels sont mes droits ?

Publié le Mardi 20 Octobre 2015
Que faire en cas de conflits de voisinage ?
Que faire en cas de conflits de voisinage ?
Entretenir de conviviales relations de voisinage en dehors de la fête des voisins n'est pas toujours évident, surtout lorsque votre voisin se passionne pour la batterie ou multiplie les travaux le dimanche à 8 heures du matin. S'il faut parfois savoir composer, vous avez malgré tout des droits que vous pouvez faire respecter. Le point sur ce que vous pouvez tolérer ou demander de tolérer à vos voisins.
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Que dit la loi ?

Le droit de propriété est défini à l'article 544 du Code civil comme "le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements". Cette définition permet à elle seule de comprendre la problématique des relations de voisinage : chacun doit en principe être libre de faire ce qu'il veut dans sa propriété tant que ce n'est pas proscrit par la loi et le règlement, mais chacun doit également pouvoir profiter de sa propriété, ce qui peut être rendu difficile lorsque son voisin choisit d'exercer très bruyamment sa liberté par exemple. Ainsi, nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage.

La première chose à faire lorsque votre voisin dépasse les limites de ce qui vous semble acceptable est bien entendu d'aller en discuter poliment avec lui. En cas d'échec cependant, il faut, avant d'aller plus loin, vous assurer que vous êtes dans votre bon droit pour agir.

Il existe trois types de cas dans lesquels vous pouvez légitimement agir contre votre voisin :

- votre voisin commet un acte expressément prohibé par une loi ou par un règlement. Par exemple, il empiète sur votre terrain alors qu'il n'est titulaire d'aucun droit de passage ni de servitude, il se gare devant votre portail alors qu'il est interdit d'y stationner, il élève une construction sans permis de construire.

-votre voisin, sans commettre un acte prohibé par la loi ou le règlement, abuse de son droit de propriété en l'utilisant dans un but malveillant, à l'unique fin de nuire à son voisin. Il s'agit des cas où votre voisin va effectuer un acte pour lequel il n'a aucun intérêt et qui constitue pour vous une nuisance, permettant ainsi de déduire que cet acte n'a en réalité pas d'autre motif que de vous causer cette nuisance : c'est ce que l'on appelle l'abus de droit. Si ce fondement est moins couramment utilisé aujourd'hui, il en reste en jurisprudence des exemples, dont l'un des plus fameux, tiré d'un arrêt de 1855, est celui de la personne ayant édifié sur son toit une fausse cheminée afin de masquer la vue à ses voisins.

- le comportement de votre voisin, s'il n'est pas en soi prohibé par une loi ou par un règlement ni malveillant, vous cause un trouble normal de voisinage.

Vous l'aurez compris, cette dernière catégorie est la plus difficile à définir. C'est en réalité le juge, si l'affaire arrive jusqu'à lui, qui décidera si le trouble que vous subissez excède les inconvénients "normaux" du voisinage. Sera notamment pris en compte l'environnement, la situation de la personne, la permanence ou la répétition du trouble ainsi que son intensité.

Puis-je reprocher à mon voisin...

* De faire la fête jusqu'à l'aube ? (variante : de jouer du saxophone / de laisser son berger allemand aboyer dans le jardin)

L'infraction de tapage est réprimée à l'article R623-2 du Code pénal qui prévoit que " les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe. Les personnes coupables des contraventions prévues au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ".

Le Code de la santé publique sanctionne également aux articles R1336-6 et suivants le fait " d'être à l'origine d'un bruit particulier de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme par sa durée, sa répétition ou son intensité ".

L'ensemble des bruits susceptibles de causer un trouble de voisinage sont visés : il peut donc s'agir du volume de la musique ou de la télévision, d'une soirée bruyante, d'un chien ne cessant d'aboyer, d'une personne jouant d'un instrument...

On constate que ces articles ne prévoient pas, contrairement à ce que l'on entend parfois, que le bruit serait autorisé librement jusqu'à 22 heures, ni qu'il serait autorisé à certaines occasions (notamment pour le jour de l'an). Le tapage diurne est donc également réprimé, simplement, le niveau sonore acceptable est plus faible la nuit qu'en journée. Les limites horaires à partir desquelles entrent en jeu les règles du tapage nocturnes sont fixées dans chaque ville par arrêté : à Paris par exemple, la période nocturne va de 22 heures à 7 heures du matin.

Bien entendu, ce tapage sera apprécié au cas par cas par les autorités venues pour le constater : on se doute donc bien que la tolérance sera plus grande dans certains cas, et que la police ne se déplacera que rarement pour constater que la musique est trop forte le 31 décembre à minuit. Il faut donc être raisonnable dans l'appréciation du bruit fait par votre voisin, aussi agaçant soit-il, afin de savoir s'il s'agit véritablement d'un tapage nocturne ou diurne : il n'est pas ainsi nécessairement utile d'appeler la police parce que le bébé de votre voisin pleure trop souvent ou que son fils répète la flûte à bec tous les mardis de 18 heures à 19 heures pour son contrôle du lendemain. En revanche, votre voisin qui, malgré vos demandes régulières de baisser la musique, fait la fête jusqu'à 3 heures du matin toutes les semaines, même si c'est le samedi soir, pourra être sanctionné pour tapage nocturne après constat des autorités.

* de faire des travaux (bruyants) les dimanche et jours fériés ?

Là encore, la réglementation des nuisances sonores liées au travaux est définie dans chaque ville par arrêté. A titre d'exemple, à Paris, un arrêté préfectoral prévoit que les travaux "bruyants et gênant le voisinage" sont interdit en tous lieux, sur le domaine public et dans les immeubles :

-avant 7 heures et après 22 heures les jours de semaine

-avant 8 heures et après 20 heures le samedi

-le dimanche et les jours fériés

Des dérogations peuvent exceptionnellement être accordées par les autorités en cas de nécessité de poursuivre les travaux (notamment en cas d'urgence).

* de planter un arbre diminuant l'ensoleillement dans son jardin ?


Chacun peut librement agrémenter son jardin, et notamment y planter des arbres, du moment qu'il respecte les limites de son terrain. Toutefois, lorsqu'il existe un terrain mitoyen, des règles de distance doivent être respectées (la mesure s'effectue à partir du milieu du tronc de l'arbre) :

- une plantation inférieure ou égale à 2 mètres doit être implantée au minimum à 50 cm du terrain voisin

- une plantation supérieure à 2 mètres doit être implantée au minimum à 2 mètres du terrain voisin

Toutefois, même si cette plantation respecte les distances réglementaires, vous pouvez néanmoins, si l'arbre vous cause un trouble anormal de voisinage (et donc un trouble d'une gravité suffisante) demander son arrachage ou une indemnisation pour le trouble subi.

Sachez que passé trente ans, votre voisin pourra vous opposer la prescription en vertu de l'article 672 du Code civil, de telle sorte que vous ne pourrez plus exiger que cet arbre soit arraché, même si celui-ci ne respecte pas les distances réglementaires.

* De faire des barbecues tous les soirs dans son jardin ?

L'utilisation d'un barbecue n'est pas encadrée par la loi et n'est généralement pas considérée comme un trouble anormal de voisinage.

Toutefois, elle peut être réglementée :

-par arrêté municipal : renseignez vous alors sur le site officiel de la ville ou auprès de la mairie

-par le règlement de copropriété, si vous êtes en copropriété

Quelles sont les actions possibles ?


Si la discussion amiable avec votre voisin a échoué, vous pouvez ensuite lui adresser une mise en demeure par écrit. Vous pouvez également saisir le conciliateur de justice afin de tenter de résoudre votre litige sans passer par le juge. Le cas échéant, vous pouvez entamer une procédure judiciaire : consulter un avocat est alors la première chose à faire pour déterminer le bon fondement pour agir et savoir ce que vous pouvez exiger dans votre situation.

Pour faire cesser le trouble de voisinage ou obtenir indemnisation, vous pouvez engager la responsabilité civile de l'auteur du trouble (sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil, selon votre situation), ou agir sur le fondement de l'action spécifique pour trouble de voisinage créée par la jurisprudence.

Enfin, si le comportement de votre voisin est réprimé pénalement (comme c'est le cas pour les nuisances sonores), vous pouvez également engager une action devant les juridictions pénales.

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