Le Rallye Dakar ferme les yeux sur les militantes féministes emprisonnées en Arabie saoudite

Publié le Jeudi 07 Janvier 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Photographie du Rallye Dakar le 6 janvier 2021.
Photographie du Rallye Dakar le 6 janvier 2021.
Cette année encore, le Rallye Dakar prend place en Arabie saoudite. Et l'événement sportif de susciter l'indignation, dans un royaume conservateur où les violences faites aux femmes - et notamment envers les militantes féministes - sont toujours la norme.
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Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes. L'an dernier déjà, le Rallye Dakar traversait l'Arabie saoudite, pays peu connu pour son respect des droits des femmes - et des droits humains en général. Et les arguments glamour des femmes-pilotes ne suffisaient pas à masquer cette réalité qui indigne. Rebelote en 2021, où l'événement sportif perdure à l'identique malgré les protestations vives des militantes féministes.

Des militantes indignées, quand elles ne sont pas tout simplement arrêtées et emprisonnées. C'est par exemple le cas de Loujain al-Hathloul, activiste des droits des femmes de 31 ans, longtemps détenue - mais aussi torturée - en raison de ses luttes pour la liberté. Loujain al-Hathloul s'est notamment battue pour que les femmes aient le droit de conduire en Arabie saoudite. Aujourd'hui, les soutiens de cette figure iconique en appellent au boycott pur et simple du Rallye Dakar. Contrairement aux douze femmes pilotes qui y participent, étrangement muettes à ce sujet.

L'une des grandes raisons de cet appel au boycott ? Simple : la compétition sportive est perçue comme une tentative médiatique pour les autorités saoudiennes de "blanchir" la réputation du royaume, et notamment les arrestations systématiques des militantes des droits des femmes et de l'homme, comme le souligne le Guardian.

"Les militantes des droits des femmes ont enduré des années de prison, des tortures psychologiques et physiques et des abus sexuels pour avoir fait campagne pour le droit de conduire. Beaucoup restent en prison à ce jour. Il est grotesque qu'en parallèle, les autorités saoudiennes organisent un événement de sport automobile - comprenant des femmes pilotes - alors que toutes celles sans lesquelles leur droit de conduire n'existerait pas languissent en prison", tacle à ce titre Lucy Rae, la porte-parole du groupe de défense des droits humains Grant Liberty.

Derrière l'événement sportif, les violences

Rappelons qu'en Arabie saoudite, le féminisme est perçu comme une forme "d'extrémisme", si ce n'est de terrorisme. Les autorités saoudiennes l'envisagent ouvertement comme une violation de la loi pénale. Etre féministe et le faire savoir signifie être hors-la-loi, et ainsi encourir de multiples punitions, comme les peines de prison ou les coups de fouet, comme le détaille cet article de Courrier International.

"Les femmes pilotes ne le savent peut-être pas, mais leur participation là-bas participe à cacher et à blanchir les crimes de leur hôte. Les services des relations publiques prétendent qu'accueillir des événements sportifs est un signe que le pays s'ouvre au monde, mais la réalité est qu'à quelques centaines de mètres du parcours, ma soeur languit toujours en prison parce qu'elle a fait campagne pour le droit de conduire des femmes", fustige Lina al-Hathloul, la soeur de Loujain al-Hathloul, comme le reporte le média Indian Express.

"L'Arabie saoudite a besoin d'une vraie réforme, de véritables droits de l'Homme, pas de cette mascarade", poursuit-elle sur le même ton. En plus de Loujain al-Hathloul, une douzaine d'autres femmes militant pour le droit de conduire avaient été arrêtées et emprisonnées en 2018. La militante devrait - enfin - être libérée dans deux mois. Aujourd'hui, d'aucuns jugent sa condamnation "honteuse".

Des faits que le Rallye Dakar peinera à faire oublier.