Le "meilleur patron du monde" est une femme, mais...

Publié le Jeudi 23 Janvier 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Marillyn Hewson, la patronne la plus puissante du monde.
Marillyn Hewson, la patronne la plus puissante du monde.
Le meilleur leader du monde est une leadeuse. Dit comme ça, le classement annuel de la marque Brand Finance présenté à l'occasion du forum de Davos 2020 pourrait être révolutionnaire. S'il n'était pas aussi peu paritaire...
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Retenez-bien son nom : Marillyn Hewson (avec deux "l"). On dit d'elle qu'elle est la femme la plus puissante de la planète. C'est tout du moins ce que nous assure le magazine Fortune, la bible du business. Et aujourd'hui, c'est au World Economic Forum de Davos édition 2020 (le forum mondial qui réunit dirigeants d'entreprises et leaders politiques pour débattre des grands enjeux planétaires) que cette femme de pouvoir s'est vue sacrée "meilleure patronne du monde" par la société de conseil Brand Finance, emboîtant ainsi le pas à ses très nombreux compères masculins. Ce n'est pas rien.

Il faut dire que Marillyn Hewson, 66 ans, est une figure d'envergure. Elle est la big boss de l'entreprise d'armement Lockheed Martin, c'est-à-dire le fournisseur numéro un de la défense et de la sécurité aux Etats-Unis. Pas très peace & love donc, mais suffisamment impactant pour la voir décrocher cette couronne. D'autant plus, comme le souligne le site spécialisé World Trademark Review, que la cheffe d'entreprise a fait grimper de 14 % la valeur de Lockheed Martin depuis son arrivée à ce poste, il y a sept ans de cela.

En grimpant en haut du podium, Hewson prend la relève de Jeff Bezos, le patron d'Amazon, et coiffe au poteau Bernard Arnault, le président-directeur général du groupe de luxe LVMH et première fortune du monde.

Armement mis à part, le fait de voir s'ériger une femme en "patron de l'année" a de quoi rendre optimiste. Et pourtant...

Un cruel manque de diversité

Le classement établi par Brand Finance à l'occasion du forum de Davos est (très) loin de l'exemplarité. Il est même édifiant de non-parité : seulement quatre entrepreneures s'y retrouvent. Sur un total... de cent noms. 4% de leadership au féminin, sur un échelon mondial, inutile de vous faire un dessin : l'égalité femmes-hommes est aux abonnés absents. Et si les chiffres des entreprises grimpent, cette disparité de représentation, elle, stagne.

Dans ce Top 100, prenant autant en compte l'image marketing de l'entreprise concernée que ses chiffres d'affaire, on trouve donc Ginni Rometty, la directrice générale du groupe IBM, Mary Barra, à la tête de General Motors, mais aussi Gail K Boudreaux, la PDG d'Anthem, l'entreprise américaine d'assurance maladie. Des femmes d'affaire ambitieuses et exigeantes, mais bien seules au sein d'un classement à dominance masculine. D'autant plus que Ginni Rometty et Mary Barra étaient déjà présentes dans le classement de l'année 2019. Les patronnes méritant cette visibilité seraient-elles donc si rares ?

Loin de là, bien évidemment. Fin 2019 par exemple, le Top 100 du magazine Forbes, autre sommité du monde des affaires, sacrait - entre autres choses - les femmes d'affaires les plus influentes. Et les noms ne manquent pas. Julie Sweet, patronne de la société de conseil Accenture, Isabelle Kocher, PDG du fournisseur d'énergie Engie France, Gina Rinehart, à la tête de l'empire minier Hancock Prospecting... 100 personnalités, aux quatre coins du globe, occupant chacune des postes à grande responsabilité au sein de secteurs différents. L'an dernier encore, le magazine Fortune ne s'est pas privé de consacrer cinquante businesswomen d'exception le temps d'un classement éclectique, où s'entrecroisent Abigail Johnson (la présidente de la multinationale Fidelity Investments), la PDG de la société de fabrication d'avions militaires General Dynamics Phebe Novakovic ou encore Safra Catz, qui tient les rênes de l'entreprise d'informatique Oracle Corporation.

Difficile alors d'expliquer cette inquiétante inégalité. Le big boss de la société Brand Finance, David Haigh, n'a d'ailleurs pas grand-chose à répondre à cela, insistant avant tout sur le fait que "les grandes marques ont besoin de grands leaders, qui définissent et dirigent l'objectif de la marque, équilibrent les rendements financiers à court et à long terme, dépassent la spécialisation technique pour diriger et inspirer toute l'équipe". David Haigh précise au passage que ce classement est "une formidable initiative", tel que le relate encore World Trademark Review.

Il le serait d'autant plus en s'intéressant aux grandes leadeuses...