"Marianne Denicourt, bannie du cinéma après avoir dénoncé la toxicité de son ex compagnon". Voilà le titre puissant qu'accole le magazine ELLE à sa dernière grande enquête et interview. Un article de taille qui relate les accusations portées par l'actrice Marianne Denicourt envers son ex conjoint : le cinéaste Arnaud Desplechin. Et comment cette dernière aurait fatalement été "mise à l’écart du cinéma pour avoir accusé le metteur en scène de piller sa vie".
Piller sa vie, comment cela ? Et bien, la comédienne explique qu'Arnaud Desplechin, estimé pour des films d'auteur salués par la critique comme Comment je me suis disputé..., Roubaix une lumière, Un conte de Noel, ou encore Trois souvenirs de ma jeunesse, se serait largement inspiré de sa relation avec elle et surtout de sa propre vie familiale pour écrire son film Rois et Reine, avec Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos. L'un de ses plus célèbres, notamment reconnu par l'Académie des César...
Relation avec son précédent mari (dramatiquement décédé dans ses bras suite à un accident), avec son père, son enfant...
"Inspiration" que Marianne Denicourt dénonce aujourd'hui : "C’était horrible ! J’y ai découvert des éléments très précis de ma vie et de celle de mon enfant, qu’il régurgitait, plein de bile. Il s’attaquait à la mémoire de gens qui n’étaient plus là. Ça n’avait rien à voir avec un auteur qui utilise la vie de proches. Ici, il se servait de l’art pour me détruire psychiquement. Il a probablement fouillé dans mon livret de famille. Avec ce film, il a violé mon intimité". Eléments de sa vie personnelle qui se retrouveraient dans la trajectoire du personnage incarné par Emmanuelle Devos face à la caméra...
S'ensuivit une plainte au début des années 2000 (le film est sorti en 2005) pour "atteinte à la vie privée". Sans obtenir gain de cause de la part du tribunal, déclarant que cette œuvre de fiction « ne peut se réduire aux identifications alléguées". Et la suite ? Des attaques médiatiques : "Il a voulu me faire passer pour la folle, l’hystérique qui veut faire censurer un film". Et ce constat du magazine ELLE : "Depuis le conflit qui l’opposa à son ancien compagnon Arnaud Desplechin, cette actrice reconnue a presque disparu des écrans, un fantôme du 7e art, pourtant bien vivant".
Mais ce n'est pas tout ce que nous apprend ce long témoignage...
Autres propos dénonçant cette "destruction psychique" présumée ?
Ceux de la soeur d'Arnaud Desplechin, la romancière Marie Desplechin, témoignant pour ELLE : "J’ai lu le scénario de Rois et Reine moi aussi et j’étais glacée. C’était une profanation. Mon frère met toujours en place un dispositif à clés pour que la personne vampirisée ne puisse avoir aucun doute. Puis, vient le deuxième plan : organiser la profanation pour s’assurer qu’elle fasse mal, pour montrer qu’il a le pouvoir". Scénario qualifié de "pervers" et de "profanation"... "Utiliser la vie de ses proches est un processus coutumier et assumé de sa part", énonce-t-elle encore.
Et de l'autre côté du micro, Marianne Denicourt met surtout des mots sur une relation qu'elle juge toxique, destructrice... Et qui débute par des rôles successifs dans les premiers films du cinéaste. Une chose que la comédienne associe déjà à une forme d'emprise.
On la lit : "C’était pour lui une obsession d’être avec moi. Il m’a écrit des dizaines de lettres jusqu’à ce que je cède. Notre histoire a duré peu de temps, un an et demi environ. Une relation destructrice, avec du dénigrement, de la manipulation, j’avais perdu du poids et ma confiance en moi. Aujourd’hui, on parlerait d’emprise...."
Acteur et scénariste proche d'Arnaud Desplechin dans les années 90, Emmanuel Salinger témoigne : "Marianne Denicourt semblait comme paralysée, ne sachant plus que penser, ne parvenant plus à se projeter". Isild Le Besco, autre parole fondamentale du mouvement #MeToo actuel suite à ses prises de parole à l'encontre du cinéaste Benoît Jacquot, affirme : "Elle a préparé le mouvement #MeToo, au prix de sa carrière".
Pour Marianne Denicourt, sa propre histoire pourrait faire office d'alerte, et de poing dressé pour les nouvelles générations, victimes d'emprise et de manipulation : "Longtemps j’étais toujours indésirable. Côté promo, on ne m’a sollicitée pour aucune interview, je n’avais plus vraiment de rentrées d’argent, car plus de propositions, j’ai refusé plusieurs films, dont deux avec Mathieu Amalric au casting"
"... Et comment continuer à tourner dans un milieu qui adoube cela ? Vingt ans après, cette histoire vaudrait peut-être la peine d’être racontée à nouveau". CQFD.