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Mon enfant est végétarien : c'est grave docteur ?
Publié le 21 septembre 2020 à 18:31
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Avec son livre de recettes "Maman, je ne veux plus manger de viande", l'illustratrice Carole Ibrahima relate le passage au végétarisme de sa jeune fille. Et en profite pour rassurer les parents inquiets. Et oui, le végétarisme ne tue pas !
Mon enfant est végétarien, c'est grave docteur ? Mon enfant est végétarien, c'est grave docteur ?© Adobe Stock
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"Cela fait sept ans que je cuisine sans viande pour ma fille, m'inspirant grandement du monde végétarien si riche et varié, et aujourd'hui c'est une adolescente épanouie". Coloré et joyeux, Maman, je ne veux plus manger de viande est le témoignage d'une mère de famille, l'illustratrice Carole Ibrahima. Un jour, sa fille Melody, 9 ans, a décidé de ne plus manger de viande. Suscitant l'angoisse de sa mère, sa perplexité... puis sa surprise, quand des experts de la santé lui affirment : oui, on peut très bien se passer de viande dans la vie ! Même si l'on est un enfant.

"La viande n'est pas le seul aliment à contenir tout le nécessaire à une bonne santé. On peut tout à fait trouver ce dont on a besoin ailleurs. La viande n'est pas la seule solution à une bonne alimentation", écrit d'ailleurs l'autrice. Dans la première partie de son ouvrage, elle le démontre en faisant l'éloge gourmande des céréales, légumes, fruits frais et légumineuses, alimentation "plus équilibrée qu'un steak/frites", assure-t-elle.

Et en profite pour décliner les aliments offrant les vitamines nécessaires à l'enfant. Vitamine A, indispensable à la vision et à la croissance, contenue dans les produits laitiers, épinards, carottes et céleri, abricots, melons et jaunes d'oeufs. Vitamine D, essentielle au développement des os - on la trouve dans les laitages, poissons (saumon, thon, truite) et oeufs. Ou encore vitamine B9, importante pour le fonctionnement du système nerveux et immunitaire, que l'on trouve dans les pois chiches, lentilles, brocolis, pâtes...

Suite à ce panorama détaillé se déploie un éventail de recettes qui risquent bien d'investir vos petits déjs et dîners. Galettes de flocons d'avoine et saucisses de haricots blancs, chili sin carne et croque-monsieur au chèvre, curry de pois chiches et lasagnes d'aubergine... On s'en régale d'avance.

Abondamment illustré, Maman je ne veux plus manger de viande est avant tout une invitation à écouter ses enfants. Et à déconstruire quelques clichés sur le végétarisme. Carole Ibrahima nous explique tout.

Terrafemina : Comment votre petite fille est-elle devenue végétarienne ?

Carole Ibrahima : Ma fille a toujours aimé les animaux et communiquait beaucoup avec notre chienne, Caleen. Un jour, à l'âge de 9 ans, elle nous a fait comprendre que manger des animaux revenait, pour elle, à manger sa chienne. Manger de la viande et aimer les animaux était incompatible à ses yeux. C'est de là qu'est venu son refus de manger de la viande.

Face à ce refus, certains parents forcent leurs enfants. Pourquoi ?

C.I. : Ce genre de réactions est malheureusement caractéristique des parents qui ont peur : peur de l'inconnu et de ce dont pourraient manquer leurs enfants. D'ailleurs, beaucoup d'enfants végétariens sont encore incompris dans leur famille et finissent pas reprendre une consommation de protéines animales car ils ne sont pas écoutés. Il faut écouter ses enfants ! Et savoir que beaucoup ne mangent pas de viande et se portent très très bien.

Dans mon cas, ce n'était évidemment pas si simple au début dans la famille. On ne la forçait pas mais on la tentait (sourire) en faisant passer ses anciens plats préférés sous son nez par exemple, on se disait qu'on finirait par la faire changer d'avis... A l'époque, il n'y avait pas autant de livres sur le végétarisme qu'aujourd'hui et on était surtout désemparés.

Quelles idées fausses a-t-on sur le végétarisme ?

C.I. : Pour nous, un enfant qui ne mangeait pas de viande se mettait en danger, car la viande était forcément "indispensable" à sa croissance. On s'inquiétait également des carences au niveau des protéines et du fer. On mélangeait un peu tout au début. Et puis l'entourage nous culpabilisait, en nous disant que c'était pas à l'enfant de choisir son alimentation ou encore que notre fille avait des soucis psychologiques ! J'ai même consulté une psychologue qui nous a dit qu'il n'y avait aucun souci avec elle...

Mon enfant peut-il être végétarien ? © Adobe Stock

Très rapidement, nous avons consulté un diététicien et une nutritionniste spécialisé·e·s dans l'alimentation de l'enfant afin de nous rassurer. Ils m'ont dit qu'il n'y avait aucun problème au niveau de la santé de notre fille si elle conservait une alimentation équilibrée - des oeufs, des fruits, des légumes...

Nous avons quand même décidé avec notre médecin de lui faire faire des prises de sang, tous les trois mois, puis tous les six mois. Les verdicts étaient très positifs : les taux de fer et de vitamines étaient très concluants. Ces résultats étaient même meilleurs que ceux de certains enfants mangeant de la viande, selon notre médecin. Aujourd'hui, c'est une ado en bonne santé.

Que conseillerez-vous aux parents ?

C.I. : Au début, en tant que parent, on se dit que cela doit être compliqué de cuisiner sans viande, mais en vérité pas du tout, il faut juste cuisiner autrement. Se rendre sur des sites végétariens et lire des livres à ce sujet est aussi une bonne façon de se renseigner sur la liste des protéines végétales existantes. On n'a pas forcément à tout connaître du régime végétarien.

Il faut surtout être bien accompagné·e et se renseigner sur les apports de tel ou tel aliment tout en privilégiant au sein du foyer une alimentation variée – c'est la clef ! - pour éviter d'être carencé·e·s, au niveau des vitamines entre autres. Si l'on se dit simplement "on arrête la viande !" sans revoir complètement son alimentation, ça ne marchera pas.

Il faut intégrer dans les plats les protéines végétales, à savoir tout ce qui est légumineuses (fèves, soja, haricots secs, lentilles, pois cassés, pois chiches) et oléagineux : amandes, avocats, courges, olives, noisettes, noix, sésame, pistaches, pavot... Même si on les met au début que dans des cookies, des gâteaux, des sauces ! C'est aussi riche que de la viande en guise de protéines alors il ne faut vraiment pas s'en priver.

Quels sont les bienfaits du végétarisme sur les enfants ?

C.I. : Le fait d'être végétarien apporte de l'énergie et permet une croissance harmonieuse car c'est un "régime" riche et varié [ce qu'affirme le nutritionniste Arnaud Cocaul à la RTBF, ndrl]. C'est surtout sur le long terme que les effets sont bénéfiques. Et tout cela bien sûr si l'alimentation de l'enfant est correctement encadrée.

Je pense que les effets se voient plus sur les adultes : teint plus lumineux, moins de problèmes gastriques, on se sent également plus léger car la viande est lourde à digérer donc le sommeil bénéficie de cela également...

L'omelette aux orties façon pizza. © Dean Dorat

Il y a-t-il encore une vraie propagande anti-végés ?

C.I. : Complètement. Il ne faut pas faire culpabiliser celles et ceux qui mangent de la viande. Mais en parallèle, beaucoup de pro-viande cherchent également à complexer les parents. Sur certains sites, les mots "carences" et "anorexie" clignotent comme pour suggérer que nous sommes des mauvais parents. Alors que nous laissons simplement le choix à nos enfants. Parfois, le refus de la viande est carrément associé à des problèmes qu'éprouverait l'enfant à l'égard de son corps ou de son apparence...

Un enfant peut-il être trop jeune pour devenir végétarien ?

C.I. : Je l'ignore, mais je sais que plus l'on est petit, plus l'on doit être suivi par le milieu médical – quand il s'agit d'enfants en pleine croissance par exemple. L'enfant peut également être suivi par un nutritionniste spécialisé en végétarisme. L'important est d'éduquer ses enfants à manger de tout. [Le débat de l'âge est encore vif du côté des spécialistes : l'endocrinologue-nutritionniste Pierre Nys juge par exemple dans les pages de La Croix que le régime végétarien "n'est pas souhaitable avant l'âge de cinq ou six ans", ndlr].

A ce titre, une porte d'entrée ludique au végétarisme, ce sont les goûters : banana bread, carrot cake, gâteau au chocolat et aux haricots rouges, cookies à l'orange confite et au pralin, pancakes à la châtaigne, galettes de flocon d'avoine... Les associations sucré/salé marchent très bien aussi. Des gâteaux aux haricots rouges, à la courgette... Cela permet de faire participer les plus petits à la cuisine, et l'enfant se rend compte que ses parents sont impliqués dans son choix. C'est important.

Les enfants seraient-ils plus sensibles à la cause animale ?

C.I. : En tout cas, je pense que la nouvelle génération y est bien plus sensible. Déjà, car on se rend davantage compte de la condition animale grâce aux vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, les jeunes manifestent, alertent, prennent de plus en plus conscience, et ce de plus en plus jeunes. Et dans les écoles, on parle davantage du réchauffement climatique.

Le steak de betterave avec oeuf sur le plat. © Dean Dorat

Justement, trouvez-vous que la cantine de l'école prenne en considération les enfants végétariens ?

C.I. : Dès que notre fille a exprimé son choix, nous avons appelé l'école, pris rendez-vous avec la directrice et la maîtresse, en lui expliquant qu'il ne fallait pas la forcer à manger de la viande. Car je sais que certain·e·s responsables forcent les élèves à manger de la viande de boeuf. Hors de question.

La cantine proposait en retour des légumes, du poisson, des oeufs pour les végétariens et/ou les enfants de confession musulmane. Puis une fois passée au collège, le self lui offrait davantage de choix.

Aujourd'hui, nous en sommes à un repas végétarien par semaine obligatoire dans les cantines en France [et ce depuis deux ans grâce à la "Loi Alimentation", ndlr]. La situation peut encore s'améliorer. L'idéal serait que dans toutes les cantines, il y ait une possibilité de manger plus de légumineuses (pois chiches, haricots rouges, etc) en lieu et place de la viande, de bénéficier de plus de variété surtout.

Pourquoi le livre est-il sous-titré "conseils d'une maman carnivore" ?

C.I. : Je crois "Maman carnivore" rassure les gens : ce trait d'humour signifie que comme bien d'autres parents, j'ai été élevée avec l'idée que la viande devait être commune à bien des repas. C'est important de montrer que malgré cette éducation notre point de vue peut évoluer, que l'on peut accepter qu'un enfant nous ouvre les yeux et change nos habitudes.

C'est ce qui s'est passé : ma fille m'a ouvert les yeux sur l'alimentation, mais aussi sur la cause climatique – les dégâts que la consommation animale provoque sur l'environnement [les 323 millions de tonnes de viande produites dans le monde ont un impact majeur sur le réchauffement, la déforestation et la consommation d'eau, nous rappelle Le Monde dans cette longue enquête, ndlr]. Je voulais également que ce livre soit accessible à tous en proposant des petites alternatives pour celles et ceux qui désirent simplement manger moins de viande, ou pour les enfants qui refusent de manger des légumes.

Un guide aussi ludique que gourmand. © Editions Terre Vivante

Si vous deviez conseiller trois plats vegétariens fantastiques ?

C.I. : Le steak de betterave, d'abord. Le cordon bleu au brocolis ensuite. Et enfin, la galette de quinoa. Mais on pourrait aussi parler du burger de haricots rouges ou des boulettes d'aubergines... [toutes ces recettes sont présentes dans le livre, ndlr]

A partir du moment où les aliments de base sont posés, on peut vraiment faire plein de choses. Ajouter des petits pois dans des pâtes, du riz... Décliner des recettes en fonction de notre envie. C'est bon pour les enfants, et pour leurs parents : car on fait toujours plein de découvertes. Comme les orties par exemple, dont on peut se servir comme de l'oseille. On est loin des mauvaises expériences d'orties qui piquent les jambes (rires).

Maman, je ne veux plus manger de viande, par Carole Ibrahima.
Editions Terre Vivante, 140 p.

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