Le policier qui avait pris la plainte de Chahinez Daoud condamné pour violences intrafamiliales

Publié le Jeudi 22 Juillet 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
A Mérignac, des fleurs déposées devant le domicile de Chahinez Daoud.
A Mérignac, des fleurs déposées devant le domicile de Chahinez Daoud.
Le 4 mai, Chahinez Daoud était brûlée vive par son mari dans une rue de Mérignac, en Gironde. Le 15 mars, elle avait porté plainte pour violences conjugales. Le policier en charge de sa déposition venait en réalité lui-même d'être condamné pour violences intrafamiliales.
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Chahinez Daoud est morte assassinée par son mari le 4 mai dernier. L'homme violent et multirécidiviste, dont elle était séparée, l'a blessée par balle, avant de l'immoler par le feu en pleine rue. A peine deux mois auparavant, le 15 mars, la jeune femme de 31 ans et mère de trois enfants s'était pourtant rendue au commissariat pour porter plainte, et dénoncer une nouvelle agression de son ex-conjoint : il l'avait frappée et tenté de l'étrangler. Une alerte qui n'empêchera pas le pire. Et les antécédents du policier qui l'a recueillie pourrait en expliquer en partie l'issue.

Nous avons été informés le 24 juin par le Juge d'application des peines de Bordeaux qu'un des fonctionnaires ayant pris la plainte du 15 mars 2021 de Mme Daoud avait lui-même fait l'objet d'une condamnation pour violences intrafamiliales, a indiqué à l'AFP le parquet de Bordeaux. A l'origine, l'information vient du Canard enchaîné, confirmée ensuite par le tribunal.

L'homme a ainsi été condamné le 10 février à une peine de 8 mois de prison avec sursis probatoire, et non inscription de cette condamnation au casier judiciaire B2, après que son épouse ait déposé plainte. D'après le journal, il a par ailleurs reconnu les faits, précisant être suivi par un addictologue. Sa hiérarchie, elle, aurait été parfaitement au courant, l'un de ses chefs admettant même que "son affectation au bureau des plaintes était discutable".

Un "doute sérieux" sur le soin avec lequel la plainte aurait été prise

A-t-il joué un rôle dans le manque flagrant de protection de la victime ? A lire le rapport de la mission d'inspection révélé par les médias, si la grille d'évaluation du danger et la fiche d'évaluation des victimes ont été remplies et transmises par le policier au parquet, il existe un doute sérieux sur le soin avec lequel ces grilles ont été renseignées.

A la suite de l'enquête, le policier a fait l'objet d'une "demande de renvoi devant un conseil de discipline", qui "ne s'est pas encore tenu", précise la police nationale. En attendant, il a été muté dans un service administratif.

Je trouve regrettable qu'après ce type de condamnation, la procédure disciplinaire et la réaction de la hiérarchie soit aussi longue, lance Me Solène Roquain-Bardet, avocate de Chahinez Daoud depuis début 2021. Je déplore que quelqu'un condamné par le tribunal correctionnel, avec en plus un problème d'addiction selon la presse, reste en contact direct avec le public et puisse continuer à recevoir des plaintes. Et d'ajouter : Cela me conforte dans l'idée qu'il est essentiel d'avoir dans chaque commissariat et chaque gendarmerie un référent ou une cellule qui soient formés [à ces plaintes].

Chahinez Daoud était la 39e femme tuée par son (ex-)conjoint en 2021. Dimanche 18 juillet, ce nombre est passé à 64, avec le féminicide de Doriane Ragon, 32 ans et mère d'une fillette de 11 ans, dont le suspect principal n'est autre que son ancien partenaire, Marc Floris, retrouvé mort après une traque de 72 heures.

- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit.

- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.