Si elle est aujourd’hui une journaliste largement reconnue à Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDC), il n’en a pas toujours été ainsi. A 44 ans, Francine Mokoko a dû affronter de nombreuses difficultés pour se faire une place. « J’ai fait une école de journalisme à Kinshasa qui m’a permis de travailler très rapidement dans la presse écrite », raconte-t-elle. En 1991, elle a 23 ans quand elle découvre les plateaux de la télévision nationale. Après avoir réalisé des reportages pendant six mois, elle devient le visage du journal télévisé de 20 heures. Un poste qu’elle occupera pendant six ans. « J’ai arrêté la télévision en 1997, lors de la prise de pouvoir de Laurent-Désiré Kabila après la première guerre du Congo. L’année suivante, j’ai été recrutée par Africa n°1, en tant que correspondante. »
Pendant neuf ans, Francine Mokoko réalise ainsi des reportages pour la première radio francophone du continent africain. Alors qu’elle exerce le métier de journaliste depuis plus de dix ans, elle est repérée par le groupe France Télévisions et devient, dès 2002, correspondante pour l’Agence Internationale d’images de Télévision (AITV). « Depuis cette date, je réalise des reportages sur l’actualité politique, économique et culturelle de la RDC, pour le compte de cette agence d’images affiliée à RFO ». Passionnée de médias, Francine Mokoko est également directrice de la publication du journal local « Le Révélateur » et créatrice de « Binah Production », une société de production de reportages et de documentaires.
Pourtant, rien ne prédestinait cette quadragénaire à devenir journaliste. Plus jeune, elle s’oriente d’abord vers des études de relations internationales qu’elle doit suivre au Portugal. Mais la volonté paternelle en décidera autrement. « Mon père a jugé que ce pays était trop loin du domicile familial. Il a préféré que je poursuive mes études supérieures dans une filière proposée en RDC. C’est ainsi que j’ai découvert le journalisme, un peu par dépit au départ », concède-t-elle sans pour autant regretter son choix. Et pour cause, celle qui travaille depuis plus de 20 ans aujourd’hui pour les grands médias de son pays, a été la première femme nommée directrice de l’information en RDC, pour Radio Télévision Congolaise (RTNC).
Un chemin qui n’a pas été une promenade de santé. « J’ai dû faire mes preuves et travailler davantage que les hommes car le Congo est un pays qui entretient les préjugés sexistes. Aujourd’hui, il est toujours très difficile, pour une femme congolaise, d’accéder à un poste à responsabilités. Beaucoup de tabous doivent encore tomber, mais c’est aussi la raison pour laquelle les femmes journalistes de mon pays doivent continuer à se battre. Nous pouvons apporter un plus dans le traitement de l’information. »
Tout en appelant la gent féminine à suivre son exemple, Francine Mokoko n’oublie pas de la mettre en garde. « L’Afrique ne réserve naturellement aucune place à la femme dans la société. Il faut donc avoir les épaules suffisamment solides pour faire face aux idées reçues, aux critiques et surmonter les obstacles. Mais j’ai confiance en l’aptitude des femmes à se transcender. Nos cerveaux ne sont pas différents de celui des hommes ; nous sommes donc aussi capables qu’eux d’exceller dans tous les domaines et dans le journalisme en particulier. »
Fière de sa réussite, Francine Mokoko jouit désormais de la liberté que lui procure son statut. « J’aime particulièrement créer un sujet de A à Z et le voir diffuser exactement tel que je l’avais imaginé. » Un pouvoir tout relatif, dans un pays où la liberté de la presse reste un droit à acquérir. « La censure est malheureusement très présente au Congo », regrette la journaliste. « Les reporters locaux doivent faire très attention, notamment lorsqu’il s’agit de traiter des sujets politiques. Nous détenons beaucoup d’informations qu’il nous est interdit de divulguer ; et ceux qui tentent de braver cette interdiction le font au péril de leur vie. Chaque année, au moins un journaliste disparaît au Congo. »
Francine Mokoko a elle-même fait les frais de ce climat. En effet, en juillet 2000, en pleine préparation d’un article sur un responsable de la police nationale congolaise, elle est retenue au poste pendant 48 heures. Motif : connaître ses réelles motivations. Courageuse mais pas téméraire, elle avoue devoir « s’autocensurer », un comportement qui engendre chez elle « beaucoup de frustration ». Malgré tout, celle qui a fait tomber toutes les barrières pour parvenir à ses fins n’envisage pas de changer de métier mais plutôt d’inventer de nouveaux formats pour informer, toujours plus, ses concitoyens.