L'Europe accorde 1,5 million d'euros pour retrouver des écrivaines perdues

Publié le Mercredi 02 Janvier 2019
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Marguerite de Navarre par Jean Clouet
Marguerite de Navarre par Jean Clouet
Pour être connue, il faut être vue. Alors pour la mémoire des femmes, l'Union européenne vient de verser une bourse de 1,5 million d'euros à une chercheuse espagnole afin qu'elle retrouve les textes écrits par des femmes à l'époque moderne.
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Une des principales raisons de l'invisibilisation des femmes dans l'Histoire est, comme le dit l'historienne Michelle Perrot, la négligence des archives concernant les femmes. On brûle leurs lettres à leur mort, on considère leurs écrits avec moins d'importance, et on les archive moins bien. Tout cela fait que ces textes finissent par disparaître au fur et à mesure des années et des siècles.

Qui se souvient, par exemple, qu'avant d'être une icône du lesbianisme, Sappho était aussi une grande poétesse ? Malheureusement, ses écrits ont été partiellement perdus.

Afin de pallier cette indifférence et cette condescendance, une chercheuse espagnole, Carme Font, va partir pendant cinq ans à la recherche des ouvrages de ces écrivaines.

Pour l'aider dans sa quête, l'Union Européenne par le biais du Conseil européen de la recherche, lui a versé une bourse de 1,5 million d'euros.

Carme Font va parcourir l'Europe à la recherches des lettres, des poèmes et des textes écrit·es pas des femmes à l'époque moderne, soit entre 1500 et 1780. Cet argent lui permettra de financer voyages, équipes et conférences.

"Nous devons changer la façon dont nous lisons ces textes"

Interrogée par le Guardian sur sa démarche, elle explique : "Il y a des textes de tous les jours, sur les problèmes familiaux, les problèmes conjugaux, les problèmes et les abus sexuels, et sur leurs frustrations personnelles".

Mais, ajoute-t-elle, "Je ne veux pas suggérer que ces femmes ne faisaient que protester ou se plaindre - il y a beaucoup de femmes qui écrivaient sur des sujets qui les intéressaient : la politique et les affaires courantes".

Si les textes des femmes de l'époque ont été minimisés, c'est aussi pour cette raison : "Ce qu'elles ont écrit était considéré comme mineur, comme une simple répétition de ce que les hommes avaient écrit. Parce que beaucoup de ces femmes n'ont jamais eu d'éducation formelle, elles ont écrit d'une manière plus informelle. [Ces textes] ne suivaient pas un style d'essai formel et on les a critiqués pour cela et on leur a dit : 'Non, votre écriture n'est pas correcte' [...] C'est ainsi que leurs écrits ont été marginalisés."

Pour replacer les femmes dans la course de l'Histoire, il faut étudier leurs textes. Non, les femmes n'ont pas rien fait, il faut juste les revisibiliser davantage que dans un chapitre marginalisé à la fin des manuels d'Histoire.

Toujours dans cette quête de visibilisation, les éditions Belin ont sorti en septembre 2018 "Des femmes en littérature", un recueil de 100 textes écrits par des femmes à étudier en classe.

C'est là tout le projet de Carme Font : "Il s'agit d'uniformiser nos perceptions et de reconnaître que même si les femmes écrivent différemment, leurs idées ont une valeur intellectuelle[...] Nous devons changer la façon dont nous lisons ces textes et leur donner leurs justes valeurs."

Et pour donner encore plus de visibilité aux écrivaines, on achète leur livres, on les lit et on en parle autour de nous !