Une messe anti-LGBT et anti-avortement diffusée sur France Culture

Publié le Mercredi 18 Juillet 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Cathédrale Notre-Dame des Doms où la messe intégriste a été célébrée
Cathédrale Notre-Dame des Doms où la messe intégriste a été célébrée
Dans une messe diffusée le 15 juillet sur France Culture, un archevêque a tenu des propos anti-LGBT+ et anti-avortement, en disant avoir pleuré en voyant Simone Veil entrer au Panthéon.
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Bon, première nouvelle, comme sur France 2, la radio du service public France Culture diffuse la messe tous les dimanches matin de 10h05 à 11h. Sauf que dimanche 15 juillet, l'homélie du prêtre choisi pour mener la messe a clairement dérapé. C'est Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d'Avignon qui présidait la messe depuis la cathédrale Notre-Dame des Doms. Dans son homélie, la leçon sur notre époque que chaque prêtre fait pendant la messe en lien avec la bible, il a tenu des propos intégristes sur les LGBT+ et a dit avoir pleuré en visionnant les images de Simone Veil entrant au Panthéon.

La séquence a été repérée par le twitto "Frodon28", puis a été montée dans une vidéo publiée sur Youtube par un autre utilisateur de Twitter se faisant appeler L'incroyant. Elle a ensuite été relayée par le site en ligne du magazine Marianne .

La messe est disponible en intégralité sur le site de France Culture et l'homélie commence à partir de la 17ème minute. Jean-Pierre Cattenoz y parle des personnes LGBT+, revient sur le mariage pour tous et nie la possibilité d'amour entre les couples de même sexe : "Il peut bien exister, ce ne sera jamais qu'une amitié, aussi belle soit-elle."

Juste avant, il lance un appel au festival d'Avignon qui a lieu en ce moment et qui a pour thème "le genre" : "un appel à la conversation et à la découverte du message de l'évangile". Il dit s'émerveiller "de la complémentarité de l'homme et de la femme" après avoir déclaré ne jamais avoir rencontré de "L, de G, de B, de T et, paraît-il maintenant, de Q" Il dit ne voir "que des personnes humaines avec toute la richesse de leur féminité et de leur masculinité, inscrite dans leur chair et jusque dans leur être le plus profond".

Des propos anti-avortement et contre Simone Veil

Il cite ensuite un prophète qui dénonce les incohérences de la société, continue sur les migrants et poursuit sur les incohérences de "notre société [qui] n'est pas à court d'idées : l'avortement, le suicide assisté, la PMA, la GPA, l'eugénisme... Tout devient possible, au nom d'un principe devenu premier depuis les années 68 : "Il est interdit d'interdire". On a bien le droit. On a tous les droits. Mon plaisir est mon droit."

"Au risque de choquer", il cite ensuite Jean-Paul II et mère Theresa qui étaient tout deux fortement anti-avortement. Il "avoue" : "J'ai pleuré il y a quelques semaines en voyant conduire au panthéon de la République le corps de celle qui a permis la légalisation de l'avortement." Il cite ensuite un argument du Pape François, dans une transition plus que douteuse, que d'autres auront utilisé avant lui pendant le débat sur la légalisation de l'avortement en 1974. Cette mention parle d'"d'homicide des enfants", compare l'avortement à "ce que faisaient les nazis pour entretenir la pureté de la race" alors qu'aujourd'hui "on fait la même chose, mais avec des gants blancs".

La place de la religion sur la radio publique

Le magazine Marianne reprend des propos de la directrice de la station Sandrine Treiner publiés en 2015 sur le site du médiateur de France Culture. On y apprend que ce type d'émissions est dans le cahier des charges de la radio et est "conçues pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer". En effet comme sur France 2, plusieurs émissions sont dédiées à la religion le dimanche matin sur France Culture.

À 7h05, c'est "Questions d'Islam", pendant 55 minutes, puis à 8h07 les chrétiens d'Orient et les orthodoxes se partagent une case de 24 minutes une semaine sur deux. Les protestants occupent eux 29 minutes de temps d'antenne à 8h30 et les juifs 31 minutes à partir de 9h10, avant de laisser la place à la messe à 10h.

La réponse de la directrice de France Culture

Jean-Pierre Cattenoz est archevêque depuis 2002 en Avignon et est connu pour ses positions intégristes. Si toutes les religions ont leur place sur le service public, il est problématique d'y diffuser de tels propos.

Dans une réponse sur le site du médiateur, publiée ce mercredi 18 juillet, la radio dit s'être fait "piéger par le fait que la messe se déroule en direct" et ne pas cautionner ces propos. La directrice de France Culture, Sandrine Treinier y écrit que les obligations du service public "ne sauraient être une tribune : une tribune pour lancer des appels, juger des choix artistiques du festival d'Avignon, prononcer des avis personnels et violents contre le droit à l'avortement, tenir des propos très inadéquats sur la panthéonisation de Simone Veil, sans compter des allusions inacceptables à des comparaisons historiques hasardeuses."

Elle ajoute : "C'est la première fois, à ma connaissance, qu'une pareille situation se présente et est imposée, en direct, sur notre antenne. Je me suis ouverte de la teneur de l'homélie prononcée par l'Archevêque d'Avignon au producteur de la messe, le frère Jérôme Rousse-Lacordaire qui s'est montré très attentif à mon appel." Une lettre va être envoyée par la direction de France Culture à la Conférences des Évêques de France.