L'hyperémèse gravidique, ce mal qui fait vivre un enfer aux femmes enceintes

Publié le Mardi 02 Novembre 2021
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
L'hyperémèse gravidique, ce mal qui fait vivre un enfer aux femmes enceintes
L'hyperémèse gravidique, ce mal qui fait vivre un enfer aux femmes enceintes
Vomissements incoercibles et perte de poids menaçante pour la mère comme le bébé : l'hyperémèse gravidique reste encore mal connue alors qu'elle touche 3 à 5 % des femmes enceintes. En voici les symptômes et les traitements.
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Le nom vous est peut-être familier : c'est la condition dont a souffert Kate Middleton lors de ses trois grossesses. L'hyperémèse gravidique ou hyperemesis gravidarum, affecte 3 à 5 % des femmes enceintes. Une pathologie rare, certes, mais dont les effets sont particulièrement intenses, et peuvent sérieusement affecter la gestation.

Anna, maman de Joséphine, 3 ans, en a subi de terribles conséquences. Auprès de La Maison des Maternelles, cette jeune mère livre un récit effrayant. "Au début je pensais simplement à des nausées de grossesse classiques, puis, très vite, c'est devenu invalidant", raconte-t-elle face caméra. En une semaine, elle perd 5 kilos. Sa mère tire la sonnette d'alarme, elle est alors alitée, son portable confisqué pour éviter les stimuli, et suivie par une psychologue qui suggère que c'est "psychologique", voire lié à un potentiel rejet de l'enfant qu'elle porte.

Puis, elle se renseigne de son côté jusqu'à trouver, à l'aide de forums, le nom de ce qui lui fait vivre un enfer.

Il y a aussi Marine, qui confie auprès de Paroles de mamans qu'elle vomissait jusqu'à 30 fois par jour. "Lors des périodes intenses de vomissements je perdais toute mon autonomie", se souvient-elle. "Mon entourage, famille, conjoint et amis proches se relayaient pour me nourrir, me laver, faire un brin de ménage chez moi et veiller sur moi... c'était difficile à vivre pour tous".

Mais alors, en quoi consiste l'hyperémèse gravidique exactement, quand se manifeste-t-elle et surtout, comment la soigner ? Eléments de réponse.

Comment reconnaître l'hyperémèse gravidique

Les nausées sont un symptôme commun des débuts de grossesse. Si le terme "matinales" qu'on leur associe n'est pas toujours exact (souvent, les mères ressentent cet inconfort à plusieurs moments de la journée, voire en continu), elles apparaissent pour la plupart autour de 6 semaines d'aménorrhée pour disparaître à la fin du premier trimestre. A noter également que la sensation d'écoeurement ne s'accompagne pas systématiquement de vomissements.

Pour ce qui est de l'hyperémèse gravidique (HG) en revanche, c'est justement là tout l'enjeu de la condition : des vomissements impossibles à contenir qui surviennent des dizaines de fois par jour, entraînent une perte de poids dangereuse - et peuvent durer bien au-delà des trois premiers mois.

L'hyperémèse gravidique touche 3 à 5 % des femmes enceintes
L'hyperémèse gravidique touche 3 à 5 % des femmes enceintes

"Amaigrissement de plus de 20 kg, hospitalisation en réanimation, dépression, interruption de grossesse", listent ainsi le professeur Philippe Deruelle, du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, France Artzner, de l'association 9 mois avec ma bassine, et Alicia Saban, de l'association de lutte contre l'hyperémèse gravidique, dans une tribune publiée dans les colonnes du Figaro, et souhaitant "donner de l'importance à ces femmes qui souffrent dans l'indifférence".

Pour les spécialistes, il est essentiel de médiatiser davantage l'HG, ce "véritable calvaire", pour mettre fin à l'incompréhension médicale, entre autres, qui l'entoure. "Les causes de l'HG ne sont qu'imparfaitement comprises car, il faut l'avouer, peu de recherche est faite. Il est capital de dire que l'HG n'est pas une maladie psychiatrique. C'est une violence faite aux femmes de les cataloguer comme telles."

Les auteur·ices expliquent qu'il s'agit en réalité d'une maladie hormonale provoquée par la susceptibilité de certaines femmes à réagir à la bêta-hCG (hormone chorionique gonadotrophique), aussi connue comme l'hormone de la grossesse, et dont le taux est en moyenne plus élevé. Ce qui expliquerait également que l'hypérémèse gravidique soit plus fréquente quand le foetus est de sexe féminin, puisque "les sécrétions d'hormones placentaires sont différentes".

Aujourd'hui, il existe heureusement des façons de la soulager.

Comment la soigner ?

D'abord, en s'appliquant des règles hygiéno-diététiques qui aideront le corps à garder davantage de nourriture, et donc à aller mieux (la maman comme le bébé). Cela passe par manger en petite quantité, dès le réveil.

"Il est très important d'essayer de casser le jeûne en mangeant le matin, car à jeun on produit des corps cétoniques qui favorisent les vomissements", explique auprès de Doctissimo le Pr Philippe Deruelle. L'expert mentionne les biscottes, à avaler 15 minutes avant de se lever. Si le corps rejette tout, opter pour des boissons sucrées. Même en cas de vomissements, un peu de glucose sera absorbé par l'organisme. Ensuite, il est indispensable de se reposer, la fatigue aggravant les nausées.

Enfin, l'ultime étape : la prise de médicament. D'antiémétiques et, plus risqué, de neuroleptiques. "La réponse est extrêmement variable selon les femmes : pour certaines, des antiémétiques de base vont suffire ; pour d'autres, nous devons utiliser des antiémétiques très puissants employés lors des chimiothérapies", poursuit le professeur.

La conclusion est donc la suivante : la consultation d'un·e praticien·ne sensibilisé·e à l'HG lorsqu'on suspecte en être atteinte est essentiel, tout comme une prise en charge adaptée. Dans tous les cas, il est primordial de ne pas rester isolée (encore moins dans le noir, soulignent les auteur·ices de la tribune), d'en parler autour de soi et à son gynécologue ou sa sage-femme, et de bénéficier d'un soutien psychologique lorsque le quotidien devient insoutenable. Et à l'entourage, de soutenir sans concessions.