Macho Politico : Cyrille Eldin dénonce "la politique des mâles dominants"

Publié le Mercredi 20 Janvier 2016
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Nos élites politiques sont-elles machistes ? Dans le doc "Macho Politico" diffusé ce mercredi sur Canal+, Cyrille Eldin a voulu dresser un état des lieux du sexisme ordinaire en politique. Le résultat, décalé et pertinent, n'est pas vraiment glorieux.
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Jusqu'à présent, de Cyrille Eldin, on connaissait surtout les pastilles politico-humoristiques diffusées tour à tour dans le Supplément et au Grand Journal de Canal +. Mi-complice, mi-poil à gratter, le "trublion" prenait plaisir à asticoter nos élites politiques à la sortie d'une séance à l'Assemblée ou lors de leurs déplacements, entonnait des chansons à leurs côtés ou rigolait à leurs boutades.

Autant dire que lorsque l'on a reçu le communiqué nous informant que Cyrille Eldin allait apparaître dans un documentaire dressant un état des lieux du sexisme ordinaire qui gangrène la vie politique, on a été un peu surprises. Réalisé par Charlotte Rotman, Stéphane Charbit et Sebastian Perez Pezzani, Macho Politico s'intéresse à une tendance lourde chez nos hommes politiques, et ce quel que soit leur parti politique : celle à ne pas être franchement décidés à laisser aux femmes la place qu'elles méritent.

"La politique reste un milieu de mâles dominants en quête de pouvoir"

À l'origine du documentaire, la parution de "Bas les pattes" dans Libération le 4 mai 2015. Co-signée par 40 journalistes politiques, la tribune entendait dénoncer, entre remarques graveleuses et regards concupiscents, le comportement foncièrement machiste de certains hommes politiques. Dans l'univers politico-médiatique, sa parution a fait l'effet d'une bombe. Tout d'un coup, nos élites, garantes de nos institutions et de notre démocratie, étaient mises en porte-à-faux. "Comment ça, nous sommes sexistes ?"

Cyrille Eldin lui-même, qui déambule dans la salle des Quatre-Colonnes chaque mercredi pour interviewer les députés, s'est dit surpris par son retentissement... et s'est découvert sexiste malgré lui. "Je fais attention dans mes chroniques politiques à ne jamais blesser les interlocuteurs ou interlocutrices", nous explique Cyrille Eldin qui dit avoir quand même plusieurs fois "heurté la sensibilité de Chantal Jouanno ou de Cécile Duflot en les interrogeant sur leur coupe de cheveux".

Contacté par la production de Canal+ pour enquêter, Cyrille Eldin est revenu de loin. "Ça a été salvateur. Avant Macho Politico, j'avais le sentiment d'un combat un peu dépassé qui évoluait dans le bon sens avec la parité pour finalement découvrir que la politique restait essentiellement un milieu de mâles dominants en quête de pouvoir. Les femmes n'y sont pas considérées pour leurs idées et leurs convictions ou si elles le sont, elles doivent franchir beaucoup de barrières, notamment le regard pesant des hommes."

"Allez, vas-y, défais les boutons !"

Les chiffres, édifiants, sont là pour l'attester : le sexisme en politique n'est pas le produit de l'imagination de quelques femmes aux dents longues, prêtes à tout pour ne plus être cantonnées au rôle de suppléante. Aujourd'hui, notre pays ne compte que 26,9% de députées, 25% de sénatrices, 13,9% de conseillères régionales. Quant aux ministres... Il a fallu attendre 1981 avec Edith Cresson pour qu'une femme accède à la fonction de Premier ministre et 1997 avec Elisabeth Guigou pour qu'une femme ait le droit de diriger un ministère régalien.

Pourtant, les femmes politiques sont bien là, et depuis longtemps. De Nathalie Kosciusko-Morizet (LR) à Najat Vallaud-Belkacem (PS), en passant par Cécile Duflot (EELV), Clémentine Autain (Front de Gauche) ou Chantal Jouanno (UDI) : toutes ont accepté de partager avec Cyrille Eldin leur expérience de femme politique confrontée au sexisme de ses pairs. Un seul parti manque à l'appel : le Front national. "Ça a été une vraie question avec la production, se justifie Cyrille Eldin. On a sollicité Marine Le Pen à plusieurs reprises mais elle n'était pas disponible. Il se trouve que j'aurais pu l'interviewer vers la fin du tournage, mais on a finalement jugé que ce n'était pas utile. Est-ce que la position de Marine Le Pen au sein du FN est plus celle d'une femme que d'une héritière ?"

Tout au long des 90 minutes que dure Macho Politico, le "presque journaliste" donne la parole aux femmes et aux hommes qui oeuvrent pour plus de parité en politique. La journaliste politique au Monde Hélène Bekmezian, l'historienne Dominique Gaulme ou encore la politologue Mariette Sineau se succèdent face à Eldin pour mesurer le degré de machisme de nos élites et en expliquer les causes, profondément ancrées dans la culture française.

Un député aviné qui imite la poule pendant la prise de parole de Véronique Massonneau, Cécile Duflot à qui l'on crie "allez vas-y, défais les boutons !" parce qu'elle porte une robe à l'Assemblée ou Nicolas Sarkozy qui demande à Ségolène Royal de "se calmer" pendant le débat de l'entre-deux tours en 2007... Autant de dérapages qui jalonnent encore aujourd'hui la vie politique. "Le sexisme, c'est un regard, c'est un petit sourire en coin, c'est un mépris ou une bêtise qu'on laisse échapper. Mais c'est souvent le fait d'êtres grossiers", note malicieusement Cyrille Eldin.

Plus sexistes, les partis de droite ?

Il existe pourtant un pays où ce sont les hommes qui emmènent leur bébé à la crèche le matin et où les femmes sont considérées comme des politiques comme les autres : la Suède. Cyrille Eldin y est allé glaner quelques idées en faveur de la parité. "Là-bas, l'égalité hommes-femmes est culturelle, presque éducative. En France aussi, heureusement, les choses évoluent dans le bon sens. Il y a de plus en plus de gardes alternées, les pères prennent des congés parentaux. Ne soyons pas pessimiste. Même si c'est plus laborieux car moins évident culturellement, il y a un équilibre qui se crée."

Existe-t-il d'ailleurs des hommes politiques qui oeuvrent pour l'avancée des mentalités ? "Le député Sébastien Denaja, répond automatiquement Cyrille Eldin. Et Benoît Hamon, évidemment." S'ils sont tous deux étiquetés PS, faut-il en conclure que les partis de gauche sont naturellement plus sensibles à la cause féministe que ceux de droite ? Oui, répond le chroniqueur, même si la ligne est plus floue que ça. "Du documentaire, je retiens que les partis de droite, plus conservateurs, sont plus sexistes que ceux de gauche. Regardez comment se dessinent les primaires chez Les Républicains. On ne parle que de Fillon, de Juppé, de Sarkozy... Mais à gauche, il y a aussi Fabius qui a dit 'qui va garder les enfants ?' quand Ségolène Royal s'est présentée à la présidentielle."

Cyrille Eldin, en tout cas, a retenu la leçon pour ses prochaines chroniques. "On peut toujours faire des petites remarques sexistes s'il y a de l'humour derrière, mais on le fait en complicité avec la personne, pas contre elle. J'ai eu la chance grâce à ce documentaire de pouvoir prendre le temps d'écouter les femmes politiques et parfois même de me mettre à leur place. Et là, je me suis rendu compte qu'elles sont non seulement courageuses, mais aussi souvent plus intelligentes que nous."

Macho Politico de Charlotte Rotman, Stéphane Charbit et Sebastian Perez Pezzani, avec Cyrille Eldin. Ce mercredi 20 janvier à 20h55 sur Canal+.

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