"J'ai été privée de justice" : Nafissatou Diallo brise le silence, 9 ans après l'affaire DSK

Publié le Vendredi 11 Septembre 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
"Je ne veux plus penser à lui" : Nafissatou Diallo brise le silence, 9 ans après l'affaire DSK
"Je ne veux plus penser à lui" : Nafissatou Diallo brise le silence, 9 ans après l'affaire DSK
Dans une interview pour "Paris Match", Nafissatou Diallo revient sur l'affaire DSK. En 2011, la femme de chambre avait accusé le directeur général du FMI d'agression sexuelle. Elle l'affirme : "J'ai été privée de justice".
À lire aussi

Dans la longue interview réalisée par Paris Match et publiée jeudi dernier, Nafissatou Diallo l'affirme : "J'ai dit la vérité et j'ai été privée de justice".

En 2011, elle porte plainte contre Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI et favori dans les sondages de l'élection présidentielle de 2012. Elle l'accuse d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration. Des faits qu'il aurait commis le 14 mai 2011, dans la désormais célèbre suite 2806 du Sofitel de New York. L'affaire est classée sans suite malgré un rapport médical qui confirme "un viol". L'ex-femme de chambre accepte un accord financier (Paris Match évoque un million de dollars, la victime supposée ne confirme pas). Une façon de "sortir de cette histoire aussi vite que possible", explique-t-elle.

Au journaliste, elle raconte à nouveau, sans rentrer dans les détails, "l'accident", comme elle le formule. "Je venais de nettoyer une chambre voisine, la 2820, raconte Nafissatou Diallo. Dans le couloir, je demande au collègue qui sort de la 2806 si elle est libre. Oui, me dit-il. Conformément au règlement, je crie trois fois Housekeeping (entretien des chambres, ndlr). Personne ne répond. Donc j'entre en laissant la porte entrouverte. La suite 2806 est très grande. Je ne vois aucun bagage. Dans le salon, je répète : Housekeeping ! Je m'apprête à entrer dans la chambre, sur la gauche, quand je vois apparaître cet homme nu. Alors, je m'écrie : Oh mon Dieu ! Je suis désolée. Puis tout est arrivé... Et quand cela a été fini, je me suis enfuie en crachant partout".

Nafissatou Diallo le dit sans détour : Si DSK "avait été pauvre, à la rue, un clochard, il serait aujourd'hui en prison". Neuf ans après, elle est toujours en colère contre le système judiciaire new-yorkais qui s'est occupé de son cas. Elle dénonce : "J'ai été piégée et trahie. Je ne me remettrai jamais de la façon dont les procureurs de New York m'ont traitée. À cause de ce qu'ils m'ont fait subir, j'ai eu envie de me suicider. J'ai été traitée de prostituée !"

"Aider les femmes comme moi"

Aujourd'hui, elle souhaite créer une fondation pour "aider les femmes qui, comme moi, sont arrivées en Amérique sans éducation, sans même parler la langue, et qui ont vécu des situations horribles. Je ne m'étais jamais considérée comme une militante féministe, mais je veux que ce qui m'est arrivé serve aux autres."

Nafissatou Diallo, originaire de Tchiakoullé, en Guinée, a mis les pieds à New York pour la première fois peu après la mort de son époux. Elle a alors à peine vingt ans et a été mariée avec un homme bien plus âgé qu'elle à 14 ans. Sa fille, restée sur place, la rejoindra quelques années plus tard. A 41 ans, elle raconte également l'excision qu'elle a subie enfant, qu'elle condamne, accusant les pressions sociétales qui pèsent sur les épaules des femmes : "Je pense toujours que c'est une pratique inhumaine. Mais dans ma culture, les femmes qui n'en passent pas par là sont de mauvaises femmes. Quand je suis rentrée (après l'excision), j'en ai beaucoup voulu à mes parents."

Parmi ses autres projets, l'éventuelle sortie d'un livre, pour confier son histoire. Le journaliste lui demande si elle a "quelque chose à dire à Dominique Strauss-Kahn ?". Elle rétorque : "Rien. Je n'ai pas envie de savoir ce qui lui arrive. Je ne veux plus penser à lui."