6 films de Jane Campion, la reine des Oscars, à (re)voir illico

Publié le Lundi 28 Mars 2022
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
6 films de Jane Campion, reine des Oscar, à (re)voir illico
6 films de Jane Campion, reine des Oscar, à (re)voir illico
Sacrée meilleure réalisatrice à la dernière cérémonie des Oscars, la néo-zélandaise Jane Campion ne cesse de marquer l'Histoire du septième art de par son exigence esthétique, ses personnages féminins et son style indélébile. Panorama en six films.
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Enfin ! On s'y attendait un peu, c'est désormais chose faite : Jane Campion a été sacrée meilleure réalisatrice aux Oscars 2022 ce dimanche 27 mars pour son dernier long-métrage, The Power of the Dog. Ce faisant, la réalisatrice de La leçon de piano devient ainsi la troisième femme (seulement) à recevoir la précieuse statuette, après Kathryn Bigelow (Démineurs) et Chloé Zhao (Nomadland). A noter que The Power of the Dog est également le deuxième film réalisé par une femme à avoir remporté le Golden Globe du meilleur film dramatique.

Des victoires historiques pour une cinéaste qui ne cesse de marquer le septième art de son empreinte. Et pas simplement via la mention régulière de La leçon de piano, son oeuvre la plus célébrée, au gré des rétros diverses dédiées aux femmes cinéastes. Rien que pour vous, petit précis de Jane Campion en six films à (re)voir illico.

"Un ange à ma table" (1990)

"Un ange à ma table" de Jane Campion
"Un ange à ma table" de Jane Campion

Récompensé à la Mostra de Venise et au Festival de Toronto, le second long-métrage de Jane Campion a notamment imprégné notre rétine grâce à la performance de Kerry Fox, arborant dans le rôle de la brillante Janet une flamboyante coiffure rousse. Clarté qui contraste avec la vertigineuse noirceur de ce récit, parcours d'une romancière néo-zélandaise de talent où s'entrecroisent patriarcat, dépression et schizophrénie (supposée). A l'origine du film, l'histoire vraie de l'écrivaine Janet Frame.

Hormis la souffrance psychologique et physique, l'on retrouve dès ce deuxième film, sorti tout juste un an après le premier long-métrage de la cinéaste (Sweetie, portrait marquant de deux femmes), ce qui bien souvent ponctue le cinéma de la réalisatrice : une histoire de création féminine en quête d'émancipation, malmenée dans un monde d'hommes car discordante ou potentiellement subversive. Campion puise son récit d'oeuvres romanesques, comme ce sera souvent le cas au cours de sa carrière, jusqu'au tout récent The Power of the Dog.

"La leçon de piano" (1993)

"La leçon de piano" de Jane Campion
"La leçon de piano" de Jane Campion

Le plus célèbre film de la cinéaste néo zélandaise, et certainement l'un des films de réalisatrice les plus cités à travers le monde. Couronné par la Palme d'or du Festival de Cannes en 1993, ce drame d'époque (il nous ramène au dix neuvième siècle) nous raconte l'histoire d'Ada, jeune femme muette tenant plus que tout à son piano, instrument par lequel elle s'exprime. Un langage que son époux cherchera rapidement à étouffer. De même, le mari réagira (très) violemment en apprenant qu'Ada fréquente un autre homme.

Image emblématique parmi d'autres, ce plan d'un piano posé sur une plage, aux côtés duquel se tient notre protagoniste, vêtue d'une longue robe noire. Dans nos pages, la critique de cinéma Iris Brey, autrice de l'essai Le regard féminin, l'abordait ainsi : " C'est l'histoire d'une femme puissante qui n'ouvre pas la bouche. D'une femme qui, sous le joug du patriarcat, va parvenir à s'en défaire en reprenant possession de son corps, au fil d'un long cheminement. La leçon de piano est un film brillant, et Jane Campion la plus grande cinéaste, aux côtés de Chantal Akerman".

"Portrait de femme" (1996)

"Portrait de femme" de Jane Campion
"Portrait de femme" de Jane Campion

Le quatrième long-métrage de la cinéaste marque sa rencontre avec l'une des plus grandes comédiennes des années 90 (n'ayons pas peur des superlatifs) : Nicole Kidman. L'actrice américaine oscille alors entre cinéma d'auteur remarquable (Prête à tout de Gus Van Sant) et blockbusters (Batman Forever).

Elle côtoie un acteur aux performances habituellement glacées, John Makovich, dans ce nouveau film d'époque (le dix neuvième siècle, encore et toujours) où elle incarne un personnage de femme libre. Mais désir et indépendance font-ils vraiment bon ménage ? C'est l'une des réflexions de cette adaptation d'un roman d'Henry James. Et son titre à lui seul résume bien l'intention du cinéma de son autrice, déclinaison de féminités complexes, aussi puissantes que vulnérables, non dépourvues d'ambiguïtés parfois, romantiques et tourmentées.

"Bright Star" (2009)

"Bright Star" de Jane Campion
"Bright Star" de Jane Campion

Autre histoire romanesque de Jane Campion, ou plutôt poétique : Bright Star nous raconte la romance entre Fanny Brawne et une légende de la poésie, John Keats. Pour bien des regards, ce film-là fut comme une renaissance. Après six ans d'absence (suite au sulfureux In the Cut, qui divise encore l'opinion), la cinéaste faisait (enfin) son grand retour sur le devant de la scène avec un objet dont l'exigence esthétique se passe de mots.

Beaucoup voient là l'un des plus grands films de la réalisatrice, tout du moins son oeuvre au souffle lyrique le plus assumé. On vous laissera en rendre compte par vous-même. A noter que le Keats de ce faux biopic, l'acteur Ben Whishaw, avait déjà incarné un poète par le passé : deux ans plus tôt, il était ni plus ni moins qu'Arthur Rimbaud dans I'm not there de Todd Haynes, évocation originale de Bob Dylan.

"Top of the lake" (2013)

"Top of the Lake" de Jane Campion
"Top of the Lake" de Jane Campion

Oui bon d'accord, Top of the Lake n'est pas un film, c'est une série. Mais à travers le regard de Jane Campion, et à une ère où bien des grands cinéastes se sont essayés au format télévisuel, force est de constater que le petit écran devient rapidement (très) grand. Hormis la force de ses images, notamment de ses paysages, cette coproduction BBC a pour elle l'intensité d'une incroyable comédienne, Elisabeth Moss (La servante écarlate), tenant le premier rôle dans la peau d'une inspectrice qui ne baisse pas le regard malgré l'horreur à laquelle son métier la confronte.

Dès sa première saison, Top of the Lake a suscité un large consensus critique. Notamment, de par la manière dont les plus graves thématiques (comme les violences sexuelles et patriarcales) sont abordées. Il fut également salué au gré des cérémonies, notamment au sein des Golden Globes. Elisabeth Moss remportât sans surprise la statuette de la meilleure actrice dans une mini-série ou un téléfilm, entre autres distinctions. Sans compter les nominations au sein de prestigieux festivals comme Sundance, Cannes, ou encore à la Berlinade.

"The Power of the Dog" (2021)

"The Power of the Dog" de Jane Campion
"The Power of the Dog" de Jane Campion

"The Power of the Dog parle de masculinité toxique. Essayer de la comprendre et de la reconnaître, c'est la seule façon de changer cette masculinité... Vous ne pouvez pas simplement vous y opposer, cela reviendrait à mettre de l'huile sur le feu. Vous devez comprendre pourquoi ces hommes causent des dommages aux autres et à eux-mêmes".

Voilà comment Jane Campion aime à résumer son dernier long-métrage en date. On le comprend, la réalisatrice renoue avec les thématiques qui lui sont chères à travers cette nouvelle histoire dramatique primée aux Oscar et aux Golden Globes. Auréolée d'un casting prestigieux (Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst), cette prod Netflix nous embarque dans un ranch du Montana au début des années 20. Un film complexe salué par la critique.