Cet attaché parlementaire portugais entre en jupe au Parlement

Publié le Mercredi 30 Octobre 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.






La députée Joacine Katar-Moreira, en compagnie de son attaché parlementaire Rafael Esteves Martins.
La députée Joacine Katar-Moreira, en compagnie de son attaché parlementaire Rafael Esteves Martins.
Au Portugal, un attaché parlementaire a fait gloser public et journalistes. La raison ? Il est entré à l'Assemblée de la République portugaise vêtu d'une jupe masculine.
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Il s'appelle Rafael Esteves Martins et est attaché parlementaire, au service de Joacine Katar Moreira, députée du parti de gauche Livre (Libre). Et si cette militante antiraciste ne laisse pas indifférent (elle est l'une des rares députées d'origine africaine à investir le Parlement portugais, comme le rappelle Francetvinfo), force est de constater que son attaché, lui non plus, est loin de passer inaperçu. La preuve : le 25 octobre dernier, le jeune homme a pénétré l'enceinte de l'Assemblée vêtu... d'une jupe masculine. Une entrée qui n'a pas manqué d'offusquer certains députés, voyant là ni plus ni moins qu'une "profanation du Parlement", rapporte le site News Beezer.

Ce geste fashion a même fait couler de l'encre au sein des médias locaux, indique Courrier International. Du côté du journal Público par exemple, l'éditorialiste João Miguel Tavares épingle ce qu'il considère comme "une manière sournoise de faire parler de soi. C'est comme si le port de la jupe masculine avait tout du débat national.

Pourtant, il suffit d'un petit coup de rétro pour faire taire les conversations puériles et comprendre que la jupe masculine fait partie intégrante de l'Histoire. C'est d'ailleurs ce qu'affirme cette couverture malicieuse du journal portugais I : "Des hommes en jupe ? Nous en avons. Depuis des temps immémoriaux". A l'appui, une photo de la statue de Dom Afonso Henriques, le premier roi du Portugal, vêtus d'oripeaux qui aux yeux de certains seraient peut être insuffisamment "virils"...

Une jupe historique

Oui, la jupe masculine ne date pas d'hier. C'est d'ailleurs ce que rappelle ce long récapitulatif historique signé Publico. En Mésopotamie déjà, bien avant d'être imités par les citoyens de l'Egypte antique, les hommes portaient une jupe à franges - et il s'agit là des premières traces historiques de vêtements pour hommes, excusez du peu. Idem au sein de l'Empire romain moderne. Porter une jupe, c'était alors être civilisé, aux antipodes des âmes "barbares" (qui elles, étaient vouées aux shorts). La loi punissait même sévèrement tous ceux qui osaient exhiber des pantalons en public.

La jupe masculine a par la suite été adoptée par l'Empire byzantin, avant que les tuniques ne viennent envahir les rituels chrétiens. Les jupes (courtes) pour hommes ont ainsi traversé civilisations et croyances, jusqu'à ce que les pantalons - tombés jusqu'à la cheville - ne se banalisent. Pendant longtemps, la distinction entre vêtements pour hommes et pour femmes dépendait simplement "de la taille de l'ourlet", observe Publico. Une leçon salvatrice qui pourrait faire taire les plus offusqués.

Et pourtant, sur le compte Twitter de la députée Joacine Katar-Moreira pleuvent les critiques à l'encontre de Rafael Esteves Martins. Certains internautes voient en ce port de jupe une "super stratégie marketing", d'autres une action "ridicule" qui "ne peut que dénigrer le mouvement LGBT". "Si telle est votre idée de 'l'irrévérence', vous devriez essayer d'aller au carnaval", fustige enfin un énième twittos.

Ces piques n'ont pas pour autant déstabilisé l'attaché parlementaire. Invité à réagir à cette polémique dans l'émission culturelle portugaise "Você na TV", Rafael Esteves Martins explique qu'il porte généralement des jupes, lors de ses cours par exemple (il enseigne à l'université d'Oxford). Mais qu'il ne refuserait pas pour autant le port du costume, "à l'occasion". Et le politicien de conclure : "S'il y a une chose que je chéris, c'est ma liberté".