Une école de mode s'excuse après un scandaleux défilé de mode raciste

Publié le Jeudi 27 Février 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Une école de mode s'excuse après un scandaleux défilé de mode raciste
Une école de mode s'excuse après un scandaleux défilé de mode raciste
Le Fashion Institute of Technology de New York s'est excusé après avoir fait défiler des mannequins portant des lèvres rouges surdimensionnées et des oreilles de singe. Des "accessoires" jugés extrêmement racistes.
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Le 7 février, alors que la Fashion Week de New York bat son plein, les étudiant·e·s en master du Fashion Institute of Technology présentent leurs collections. Parmi elles, une ligne a particulièrement retenu l'attention. Seulement la raison derrière ce phénomène n'est pas tant la qualité esthétique de ses pièces que les "accessoires" racistes qui les ont accompagnées.

Des oreilles de singe démesurées, des sourcils broussailleux et des lèvres rouges surdimensionnées qui rappellent les pires moqueries qui ont contribué à déshumaniser et humilier la communauté noire au début du siècle dernier. Au sein du public et sur les réseaux sociaux (où des vidéos du défilé ont été postées), plusieurs personnes se sont indignées face à l'allure des mannequins, estimant reconnaître le personnage de Sambo, la caricature d'un petit garçon noir souvent représentée aux Etats-Unis, au XXe siècle.

"Je tremblais littéralement"

Amy Lefevre, modèle afro-américaine qui devait elle aussi monter sur le podium, a refusé de porter cet accoutrement. Elle raconte au New York Post l'expérience traumatisante qu'elle a vécu : "Je me tenais là, presque prête à craquer, en disant au personnel que je me sentais incroyablement mal à l'aise de devoir porter ces pièces et qu'elles étaient clairement racistes". On lui rétorque que "ce n'est pas un problème de se sentir mal à l'aise pendant 45 secondes", soit le temps de son passage.

"Je tremblais littéralement", poursuit-elle. "Je ne pouvais pas contrôler mes émotions. Tout mon corps tremblait. Je n'ai jamais ressenti cela de ma vie". Elle ajoute : "Les gens de couleur se battent trop en 2020 pour que les organisateurs n'aient pas fait vérifier et approuver les accessoires pour les défilés". Elle finira par monter sur scène, sans fausses oreilles ni bouche, bien que le producteur, Richard Thornn, ait tenté de l'y forcer. Un·e étudiant·e qui se trouvait en coulisses, témoigne anonymement, appuyant la version d'Amy Lefevre : "Nous avons soulevé la question à [Thornn] à plusieurs reprises. Nous lui avons dit : 'Elle ne peut pas porter ça. Ce n'est pas bien'. Il m'a crié au visage : 'Tu dois reculer et t'en aller'. C'était un manque de jugement si grave."

Des excuses légères

Face au scandale qu'a provoqué le show, Joyce Brown, la présidente du FIT, a souhaité s'excuser publiquement auprès de "ceux qui ont participé au défilé, aux étudiants et à tous ceux qui ont été choqués par ce qu'ils ont vu", avant d'assurer que l'école mettrait en place des "garde-fous" pour éviter qu'un tel tollé ne se reproduise.

Malheureusement, il ne s'agit pas d'un cas isolé dans l'industrie de la mode. La maison de luxe Prada, qui s'est engagée depuis début février à prendre des mesures contre le racisme aux côtés de la ville de New York, avait été accusé d'elle aussi, d'afficher la caricature de Sambo, cette fois dans la vitrine de ses boutiques. Début 2019, la marque Gucci avait quant à elle subit un flot de critique après avoir mis en vente un pull à col roulé qui imitait les "blackface".