Yelena Osipova, l'émouvante "babouchka" russe devenue symbole de paix

Publié le Vendredi 04 Mars 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Yelena Osipova, arrêtée à Saint-Petersbourg le 2 mars 2022 lors d'un rassemblement anti-guerre en Ukraine.
Yelena Osipova, arrêtée à Saint-Petersbourg le 2 mars 2022 lors d'un rassemblement anti-guerre en Ukraine.
Ce mercredi 2 mars, Yelena Osipova, artiste et activiste russe, a été arrêtée à Saint-Petersbourg alors qu'elle militait pour la paix en Ukraine. A 76 ans, la "grand-mère de l'opposition" incarne un véritable symbole.
À lire aussi

Depuis l'invasion de l'Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine le 24 février, plus de 100 manifestations ont eu lieu dans plusieurs grandes villes de Russie. Une mobilisation anti-guerre à laquelle participent des familles, des enfants et des grands-mères. L'une de ces "babouchkas" ("grand-mère" en russe) en particulier, a bouleversé et fédéré les esprits : Yelena Osipova.

Âgée de 76 ans, elle est une figure activiste connue. Sa famille aurait survécu au siège de Leningrad par l'armée allemande, qui a duré du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944. Depuis 2002, année où elle a protesté contre l'approche violente du président russe lors de la prise d'otages tchétchènes dans la cathédrale Doebrov, à Moscou, elle n'a eu de cesse de défendre la paix.

Ce mercredi 2 mars, Yelena Osipova a été arrêtée par la police à Saint-Petersbourg, sous les applaudissements d'une foule qui s'était une fois de plus rassemblée pour dénoncer les actes meurtriers du Kremlin, répondant à l'appel de l'opposant emprisonné Alexeï Navalny.

Sur une vidéo relayée par l'analyste politique Alex Kokcharov sur Twitter, on la voit, deux de ses oeuvres dans les mains, se tenir debout face aux forces de l'ordre qui l'embarquent sur-le-champ.

"Ne croyez pas à la justice de la guerre"

Des gardes à vue pour ses idées, la militante en a connues plusieurs. En 2020, elle avait été retenue 3 heures par les autorités russes alors qu'elle était descendue dans la rue pour commémorer la catastrophe de Tchernobyl.

"Un été, il y avait le sommet du G20 ici", racontait-elle déjà en 2015 dans un article du média local et anglophone The Russian Reader. "J'y suis allée avec une affiche qui disait : 'Ne croyez pas à la justice de la guerre', et un autre à propos de l'élimination des déchets nucléaires", se souvient-elle.

"La police m'a arrêtée et c'est arrivé plusieurs fois depuis, parfois même de façon violente", déplore la septuagénaire. "Il y a eu des incidents désagréables à l'extérieur du palais Mariinsky sur la place Saint-Isaac lorsque la guerre avec l'Ukraine a commencé. Pourtant, les personnes qui participent à ces événements pensent comme moi, et c'est très important. Vous sentez que vous n'êtes pas seule avec vos pensées, qu'il y a d'autres personnes qui pensent de la même façon. D'accord, ils ne sont pas si nombreux, mais ils existent."

D'ailleurs, les partisan·es de ce combat pour la liberté se sont raréfié·es avec les années, affirme-t-elle.

"Les amendes sont tellement fortes qu'on ne peut plus payer"

"Les gens restent chez eux, comme à l'époque soviétique", se désole Yelena Osipova, à propos du manque d'engagement de ses compatriotes. Et pour cause, explique-t-elle, les politiques anti-opposition se sont renforcées. "Les lois rendent tellement difficile le fait de payer des amendes. Avant, la plus grosse était de 500 roubles. Les gens collectaient de l'argent en ligne et l'envoyaient aux prisonniers. Mais maintenant, les amendes sont tellement fortes qu'on ne peut plus payer".

Et d'ajouter : "Dommage que la société se soit résignée dès le départ et ne se soit pas opposée à ces lois. Après tout, ils auraient pu résister et descendre dans la rue, mais malheureusement, quand les gens commencent à mieux vivre, ils deviennent indifférents".

A voir les plus de 7 500 personnes arrêtées en une semaine, selon l'organisation de défense des droits humains indépendante OVD-Info, il semblerait toutefois que ce ne soit plus le cas.