Sous le soleil argentin, "Camila sortira ce soir", l'émancipation d'une jeune femme qui refuse d'être muselée

Publié le Mercredi 07 Juin 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Pour son premier film, la réalisatrice Inés María Barrionuevo donne de la voix à une ado politisée mais bridée. Une fille dont la quête de liberté se heurte aux murs d'une école privée où la religion fait loi. Un témoignage indigné qui grouille de vie.
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Camila étouffe dans une vie beaucoup trop petite pour elle. L'ado argentine sent que son monde s'écroule lorsqu'un drame familial l'oblige à quitter son lycée de Mar del Plata pour une école traditionaliste privée hyper stricte. Mais ces quatre murs où les singularités se voient sévèrement bridées ne l'empêcheront pas de faire résonner sa voix, libre, incarnée : féministe.

On le devine à la lecture de ces lignes, Camila sortira ce soir a tout du récit tradi' de "coming of age" : l'histoire d'une ado qui se cherche et dont des formes d'autorité (l'institution, la religion) retardent sévèrement l'émancipation. Mais là où la cinéaste argentine Ines Maria Barrionuevo nous surprend, c'est en mettant en images un éveil aussi intime que politique. En phase avec les néoféministes d'aujourd'hui.

Un récit forcément engagé à découvrir en salles dès ce 7 juin.

Quand l'intime épouse le politique

C'est un légendaire slogan des combats féministes que celui-ci : l'intime est politique. Il est notamment employé lors des mobilisations pour le droit à l'avortement. Droit que défend Camila, qui va se familiariser avec une bande d'amis ligués contre la bourgeoisie et l'injustice, qui l'encouragent avant tout à devenir ce qu'elle est.

Des fréquentations qui vont inciter notre protagoniste à se rebeller contre ceux qui bafouent les libertés fondamentales des femmes. Les libertés tout court d'ailleurs. Parfois l'espace d'une simple réplique, le film passe au crible bien des motifs d'indignation : répression politique, hypocrisie religieuse, impérialisme, colonialisme...

Et évidemment, misogynie. Comme lors de cette scène de manif où les slogans pro choix côtoient les pancartes sur le consentement et les violences sexuelles ("Avec ou sans vêtements, tu ne me touche pas"). Main dans la main, les étudiantes argentines se mobilisent et rêvent d'un monde meilleur. Et au bout de ce cheminement personnel, Camila, interprétée par la prometteuse Nina Dziembrowski, va enfin trouver la sororité dont elle avait tant besoin.

La révolution d'une fille

Cloisonnée dans un lycée qui est "le pire endroit pour la politique", Camila va malgré tout s'initier aux débats et à l'irrévérence, au désir et à la libre-pensée. Ce qui au départ ressemblait à une sorte de Bonjour tristesse sous le soleil de Buenos Aires, à savoir un récit de jeunesse très mélancolique, va peu à peu laisser poindre l'espoir d'un échappatoire. Où "sortir", ou plutôt : fuir.

En suivant les péripéties douces amères de Camila, c'est une autre oeuvre qui nous vient en tête : un essai paru l'an dernier en France (éditions Des Femmes) et signé par la journaliste argentine Luciana Peker : La révolution des filles. Dans ce livre, la militante s'attarde avec beaucoup d'enthousiasme sur la grande implication des jeunes femmes et des adolescentes dans les luttes féministes actuelles. Droit à l'avortement, sexualité, combat contre les violences sexistes et sexuelles...

Camila sortira ce soir nous relate "la révolution d'une fille", et à travers elle de toutes celles qu'elle représente.

Plus qu'une histoire intime donc, le récit collectif d'une génération.

Camila sortira ce soir, de Inés María Barrionuevo

En salles depuis le 7 juin

Avec Nina Dziembrowski, Adriana Ferrer, Maite Valero...