Hier Charlize Theron, aujourd'hui Sydney Sweeney.
La révélation de la série trash Euphoria, show générationnel qui a également dévoilé l'incandescent talent de Zendaya et Hunter Shafer, s'est transformée de A à Z pour son prochain rôle, celui de la boxeuse professionnelle Christy Martin. Histoire vraie et surtout, authentiques entraînements physiques, très sportifs, continus, pour avoir le gabarit suffisant. Plus de muscles, une couleur de cheveux différente (de blonde à brune) et au final... Un Oscar.
Enfin, bien des fans de Sydney Sweeney l'espèrent aujourd'hui. Et si ce biopic très attendu que la comédienne tease régulièrement sur ses réseaux sociaux l'érigeait en Meilleure actrice de 2026 ?
Il faut dire que l'Académie adore les performances totales.
Celles qui impliquent de prendre des kilos, ou en perdre, de s'investir dans des partitions quitte à en perdre la raison. Cependant, une chose semble moins lui plaire : la beauté physique indéniable, la réputation de "sex symbol", les comédiens qui sont réduits à leur physique d'apollon ou de diane.
Les hommes ont leur Brad Pitt - qui a attendu 30 ans de carrière avant de décrocher une statuette, grâce à Tarantino - et les femmes, quantité de figures iconiques si longtemps réduites à leur apparence que cela les a, très étrangement, éloignées des perspectives de victoire aux Oscars.
Et par delà les institutions, la critique elle-même semble plus convaincue lorsqu'une actrice considérée comme hyper glamour se métamorphose du tout au tout. L'accueil très fiévreux des premières images de Sydney Sweeney en sportive body buildé en dit long sur cette mentalité pas si progressiste. Comment l'expliquer au juste ? Et si Sydney Sweeney n'était qu'un exemple parmi tant d'autres ?
Etre hyper glamour, un frein à la reconnaissance critique ?
Après tout, Marilyn Monroe n'a jamais décroché d'Oscar.
L'une des femmes les plus talentueuses, emblématiques, et lucides, de son temps, a semble-t-il été copieusement ignorée par l'Académie. Et fut source de réflexions pas toujours subtiles de par son statut très encombrant de sex symbol. L'un des plus légendaires de l'histoire du cinéma, cela va sans dire. Le pire dans ce récit injuste des grandes oubliées de l'académie, c'est que Marilyn n'a même jamais reçue... De nomination.
Comme si c'était elle, le symbole par excellence des divas méprisées par l'intelligentsia.
Le premier d'une longue série ?
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D'où, à partir de cet "exemple Marilyn" qui paraît symptomatique, la nécessité pour les actrices jugées beaucoup trop belles, sexy (ou surtout : sexualisées) et glamour de s'émanciper de ces oripeaux trop lourds qu'on leur colle à la peau. Quand bien même la sensualité peut faire partie de leur jeu, de leur identité, de leurs performances - après tout, s'exprimer par le corps, le physique, est le b-a.ba de n'importe quel comédien professionnel.
On pense naturellement à Sharon Stone qui dans Basic Instinct, fait de l'hyper sexualité de son avatar (Catherine Trammel) la preuve parmi d'autres d'un talent incontestable - elle est aussi crédible dans ses jeux de séduction mettant à mal ses congénères masculins, que dans sa rhétorique implacable. Partition intense, iconique, mémorable... ignorée par les Oscars.
La comédienne devra d'ailleurs attendre une performance beaucoup moins sulfureuse, beaucoup moins "frontale" (celle de l'amante retorse de Casino) pour remporter une statuette. Comme si l'actrice devait mettre en veilleuse son côté sex symbol, cette liberté qui est sienne.
A l'identique, Margot Robbie doit attendre Moi, Tonya, où elle apparaît comme bien moins sexualisée que dans Le loup de Wall Street - qui cinq années plutôt la révèle pourtant avec un grand fracas - pour remporter un prix adoubant son indéniable talent. Robbie incarne une sportive, la légendaire Tonya Harding, et a pour la peine multiplié les entraînements physiques.
Comme Sydney Sweeney dans ce fameux biopic, donc... Toutes deux témoignent d'une démarche anti glam : se déglamouriser au possible, aux antipodes des images qui leur sont indissociables.
Mais la nécessité de transformation physique apparaît d'autant plus comme un passage obligé.
Autre preuve, au croisement de l'Hexagone et de l'Oncle Sam, la partition absolument saluée, et sacrée d'un Oscar, de Marion Cotillard dans La Môme. Biopic d'Edith Piaf où l'actrice apparaît complètement méconnaissable. Une nouvelle fois. Comme si pour voir son talent reconnu, il fallait, pour une comédienne... Ne pas l'être, reconnue.
C'est le fameux "cas Charlize Theron", qui nous renvoie 20 ans en arrière... Sans perdre en pertinence, tristement.
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A savoir ? Tout simplement, la manière très appuyée dont Charlize Theron a changé d'apparence afin d'endosser le rôle d'une célèbre tueuse en série dans Monster, où elle côtoie Christina Ricci.
D'aucuns, non sans une certaine misogynie, s'amusent à l'époque de voir l'actrice "s'être enlaidie" - des termes très employés dans la presse - pour "gagner en crédibilité".
Une partition qui aboutit à un sacre : l'Oscar de la meilleure actrice.
Aujourd'hui, Sydney Sweeney semble quelque peu lui faire écho, d'autant plus si l'on en croit les réactions d'internautes faisant abondamment référence à Charlize Theron. L'actrice américaine et l'actrice australienne sont surtout liées par une observation loin d'être joyeuse : l'idée qu'un système patriarcal, l'industrie hollywoodienne, accordera toujours une place importante aux jugements physiques. Même les plus archaïques.
Consciemment ou non, une opposition semble toujours s'énoncer entre sex symbol et talent d'actrice. Ce titre de Vanity Fair en témoigne avec éloquence : "Comment Margot Robbie est passée de sex-symbol à future Oscarisée ?".
Et si le même titre s'imposait l'an prochain pour l'actrice d'Euphoria ?