La journaliste Mairam Guissé dénonce dans son ouvrage Sous nos peaux le manque de femmes noires dans le cinéma et fait résonner sa tribune sur les ondes de France Inter. Un manifeste qui compte. Et qui suscite de vives controverses.
Sur les réseaux sociaux, l'ire est exacerbée. Un brin incongru quand l'on constate la teneur cohérente des mots de la militante. Qui y va de son discours engagé : "Une femme noire en personnage principal d'un film ? C'est toujours compliqué de nos jours", dit-elle.
Avant de donner le la à sa réflexion dense : "Il y a eu de grandes actrices telles que Aissa Maiga, je suis trop heureuse de voir des célébrités sur les écrans, Marie-José Pérec, Surya Bonaly, néanmoins la visibilité est toujours difficile, à la télévision et au cinéma"
Voix critique et fédératrice dans sa modération, ce qui hélas a contre toute attente engendré d'exacerbées réactions. Sur les réseaux sociaux, d'aucuns étrillent l'autrice, fustigent une soi disant "victimisation", dénaturent ses dires, trouvent que ce qu'elle éclaire n'est que fiction.
Une forme de misogynoir ? On s'y étend.
Mairam Guissé a raison de dénoncer le racisme systémique.
Le racisme systémique désigne la normalisation du racisme en tant que constituant de la société. Les inégalités et les discriminations font système. Les privilèges ne sont pas du côté des personnes racisées et noires, subissant stigmatisation et exclusion. Ou du moins, silenciation et euphémisation des violences subies.
Ces inégalités sont visibles au cinéma, justement quand... Les personnes concernées ne le sont pas. Aussi évident que cela. Néanmoins, beaucoup le contestent.
Entendent "il n'y a jamais eu de femmes noires au cinéma". Et naturellement, citent leur liste non exhaustive, allant de Halle Berry à Firmine Richard, de Sonia Rolland à Whoopie Goldberg. Or, l'autrice ne dit pas que cela n'existe pas. Elle dit que c'est difficile et encore trop diffus au sein du cinéma.
D'autres sons de cloche retentissent. Plus nuancés que les détracteurs. Un internaute valorise la subtilité : "Franchement, j’ai rien contre les personnages noirs ou la diversité dans les films, au contraire. Mais il y a une différence entre ajouter de la représentation et changer complètement l’identité d’un personnage iconique".
"Par exemple, Blanche-Neige est appelée comme ça justement parce que « sa peau est blanche comme la neige » — c’est une partie du conte. Donc forcément, si on la rend noire ou métisse, ça change le sens du personnage. Par contre, quand la couleur de peau n’a pas d’importance dans l’histoire, là oui, pourquoi pas adapter et moderniser. En fait, le problème c’est pas la diversité, c’est quand on modifie le cœur d’un symbole juste pour « faire moderne », sans respecter le contexte d’origine".
L'interview de France Inter révélée en bas de cet article évoque également une misogynoir, cette intersectionnalité entre sexisme et racisme, que subissent les femmes noires, et qui explique leurs discriminations et stigmatisation. Plus que les hommes noirs, les femmes noires sont jugées et catégories.
Du côté de Linkedin, un autre son de cloche d'un auditeur se fait plus critique et méticuleux : "C’est simplement que la dimension de la femme noire, pour le moment, reste encore limitée à une dimension centrée autour du divertissement".
"Elle a du mal à être perçue comme un symbole d’autorité. La dernière en date à avoir incarné cette position demeure Christiane Taubira, dans l’histoire politique. Dans les instances dirigeantes du secteur privé, on a encore du mal à voir des directrices noires comme figures de réussite professionnelle ou d’émancipation. La nouvelle génération, quant à elle, l’a bien compris et affiche désormais pleinement son ambition de réussir professionnellement, en y ajoutant une véritable empreinte médiatique".
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