5 façons discrètes de communiquer avec une victime de violences conjugales

Publié le Jeudi 09 Avril 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Venir en aide discrètement aux femmes victimes, c'est possible.
Venir en aide discrètement aux femmes victimes, c'est possible.
En France, on observe une hausse de 30% des violences conjugales depuis le début du confinement. Un chiffre alarmant. Mais comment faire, en cette période exceptionnelle, pour aider les victimes sans alerter leur agresseur ?
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Une "pandémie fantôme". C'est ainsi que Phumzile Mlambo-Ngcuka, la directrice exécutive de l'agence de l'Organisation des Nations Unies ONU Femmes, surnomme le fléau des violences faites aux femmes en cette période exceptionnelle de crise sanitaire. "Avant même l'apparition du Covid-19, les violences conjugales comptaient déjà parmi les plus grandes violations des droits humains", rappelle-t-elle. Or, en temps de confinement, cette situation s'exacerbe. Violences et signalements augmentent considérablement.

Face à cela, l'instruction à suivre pour éviter les risques de contagion ("Restez chez vous !") sonne comme une impasse : comment communiquer avec les victimes et les aider tout en respectant les mesures sanitaires ? Et surtout, sans alerter le conjoint et agresseur ? Des solutions existent. En voici cinq.

Les applications sur portable

Connaissez-vous les bonnes applis gratuites pour venir en aide à ces femmes ? Parmi elles, on trouve App-Elles, appli si nécessaire aujourd'hui qu'elle se voit même relayée par Booba himself. L'idée est simple : "Alerter, En Parler, Agir". Le dispositif d'alerte intégré à l'application permet à la victime de transmettre instantanément à trois proches et "contacts de confiance" prédéfinis sa position GPS tout en captant au passage son environnement sonore en temps réel (assurant de cette façon un enregistrement des preuves).

Mais si les victimes de violences peuvent l'employer, les témoins aussi, en signalant et en portant assistance. Intégrés à l'application, on retrouve à ce titre des systèmes de discussion instantanée (avec la police, la gendarmerie, les spécialistes, à même d'apporter de précieux conseils), mais aussi un accès direct aux services d'urgence de l'Etat. Le mot d'ordre d'App-Elles, c'est la réactivité et la discrétion.

"Car on peut facilement la cacher dans son téléphone grâce à l'application Nova Launcher [qui permet de modifier l'apparence de son mobile, ndrl] ou derrière de faux "widget" proposés", nous précise son instigatrice Diariata N'Diaye. Elle s'est même assurée d'ajouter une touche "spécial Confinement", recensant l'ensemble des dispositifs et aides aménagés par les associations en cette période.

Les "chat" des jeux sur mobiles

Les applications spécialisées ne constituent pas la seule aide aux victimes de violences conjugales. Les nouvelles technologies offrent également des "contournements" aussi méconnus qu'utiles. Le compte militant Paye ta shnek nous donne quelques exemples dans un thread, interventions d'internautes à l'appui : les services de messagerie (ou "chat") intégrés aux très nombreux jeux sur mobile et ordinateur.

Car qui dit jeux vidéo (en ligne ou non) dit communautés, et donc discussions instantanées. Ainsi, de nombreux jeux (dont certains bien connus) téléchargeables comme Duel Quizz, le Scrabble, Kryss (un jeu de vocabulaire), Plato (regroupant plus de 30 jeux de groupes), Battle for Wesnoth ou encore Ludoclub (un jeu de dés) ont intégré un "chat" permettant une conversation entre utilisatrices et utilisateurs.

Les gros points forts ? L'anonymat, l'immédiateté, la dimension collective, la discrétion, toujours. "L'utilisation des chats de jeux est une excellente idée. Cela permet à la victime qui a son téléphone sous contrôle d'avoir moins peur d'être repérée", abonde Diariata N'Diaye. Une recommandation à relayer, donc.

Netflix Party

Vous connaissez Netflix, mais connaissez-vous Netflix Party ? Cet outil permet de visionner des films et séries en réseau, mais sans se voir. Et comme les jeux évoqués plus haut, cette extension à télécharger sur Google Chrome bénéficie d'un service de messagerie instantanée (ou "chatroom"). Pour beaucoup de militantes, ce dispositif proposé par la plateforme de streaming Netflix serait idéal pour converser en "sous-marin". D'autant plus qu'en ce contexte de confinement et donc de "binge-watching", il bénéficie d'une certaine popularité.

Si le procédé se limite en principe à un cercle de connaissances choisies, il peut tout de même tendre vers la finalité évoquée par Paye ta shnek : "On n'arrive plus à extraire les victimes de chez elles, donc le but c'est de nous-mêmes s'incruster chez elles, discrètement".

Pour la créatrice de App-Elles, les situations de violences sont "tellement différentes et complexes" qu'il est toujours difficile "de proposer un mode d'emploi". Mais comme l'énonce Diariata N'Diaye, "tous les moyens sont bons et il faut savoir s'adapter à chaque situation".

Les espaces publics

Par ailleurs, l'entrepreneuse suggère une autre alternative pour communiquer, prévenir et alerter : les rendez-vous secrets au sein des espaces publics - autorisés par les règles strictes du confinement, comme les supermarchés, ou mieux encore, les signalements opérés dans "les lieux éphémères au sein des centres commerciaux". Des lieux sécurisés de par la population qui s'y rend.

Et si le "chez soi" présente évidemment des risques, il peut aussi constituer une voie de secours pour les mères de famille violentées, précise Diariata N'Diaye, via la "continuité scolaire" déployée entre élèves et professeurs - à travers les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, les discussions par écrit ou en "visio" : "Etre en contact avec les enseignant·e·s permet aussi aux victimes, femmes et enfants, d'alerter et de se signaler".

Les SMS d'alerte

A ces solutions, il faut ajouter (tout simplement) les textos. Et plus précisément, les SMS d'alerte permis par certaines applications, tel que le relève d'ailleurs sur Twitter Caroline de Haas, figure de proue du collectif Nous Toutes. Pour la militante féministe Karine Plassard, un numéro d'urgence national et gratuit comme le 114, adapté aux personnes sourdes et malentendantes, serait ainsi adéquat pour communiquer et alerter les secours. "Le 114 permet d'avertir sans éveiller les soupçons de l'entourage. La police m'avait conseillée de l'utiliser après avoir été 'prise au piège' dans une soirée qui avait mal tourné", témoigne à ce titre une internaute.

Des solutions essentielles à l'heure où les services mis à disposition par le gouvernement, comme le numéro d'écoute national 3919, sont bien souvent saturés, voire carrément indisponibles, et leurs personnels débordés. "Ce qu'il faut avoir en tête, c'est de surtout appeler la police quand il y a un doute sur une situation. On se trompe rarement donc mieux vaut composer le 17", rappelle à bon entendeur la créatrice de App-Elles.

- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit.

- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.