Mais restez chez vous, bande d'irresponsables

Publié le Lundi 16 Mars 2020
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Des centaines de personnes se regroupent sur les quais à Paris en pleine crise du coronavirus le 15 mars 2020
Des centaines de personnes se regroupent sur les quais à Paris en pleine crise du coronavirus le 15 mars 2020
Les avertissements, la catastrophe sanitaire annoncée... Une bonne partie des Français·es ne semble pas avoir percuté l'imminence du désastre désormais ineluctable causé par le coronavirus. Sommes-nous devenus à ce point égoïstes pour ne pas nous imposer à nous-même un confinement ?
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Des images sidérantes. En dépit du discours grave d'Emmanuel Macron jeudi 12 mars, évoquant d'un ton solennel "la plus grave crise sanitaire qu'ait connue la France depuis un siècle" et enjoignant les citoyen·nes à limiter leurs déplacements au "strict nécessaire", les bars et les restos débordent. Comme si de rien n'était. Parce que "ce n'est pas si grave, la vie continue".

Rebelote samedi. Les terrasses sont bondées. Le Premier ministre Edouard Philippe intervient. Il gronde. "Après les annonces du Président, jeudi soir, vendredi, et encore ce matin, je suis sorti, et chacun a pu faire cette expérience. Nous avons vu trop de gens dans les cafés, dans les restaurants. Cela me réjouirait en temps normal, parce que c'est la France que nous aimons tous. Mais pour quelques semaines, ce n'est pas ce que nous devons faire." Il annonce la fermeture des "lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays".

Et là, re-sidération : des images de foule s'agglutinant pour entonner un compte-à-rebours avant minuit, des éructations insensées ("On prend une dernière murge avant la fin du monde"), les masses sont compactes, exposées. Quelques heures plus tard, ce dimanche, les marchés débordent, on se presse au bord du canal St-Martin, on va pique-niquer au parc, promener les enfants. Après tout, il fait si beau.

La consternation.

Les nouvelles (catastrophiques) émanant de l'Italie, les recommandations sanitaires martelées par les autorités et les médecins (dont ce mouvement lancé par les soignant #Restecheztoi), les avertissements particulièrement cauchemardesques (on évoque des projections allant jusqu'à 500 000 morts en France ), rien n'y fait : les irresponsables, les égoïstes, les immatures sont dehors. "Pour faire une cure de vitamine D". Comme un vaste mouvement d'inconscience collective, qui porte en lui le désastre annoncé.

Parce que oui, la guerre est déclarée et l'ennemi ne brandit pas de kalach. Il est invisible. Il s'immisce partout et en particulier au coeur de notre routine. Il se fout complètement de notre insouciance, de notre "art de vivre", de notre anniversaire entre potes, de notre raclette. La réalité, brutale, c'est qu'il s'en réjouit. Il s'en nourrit. Car chacun de nous est porteur potentiel de cette saleté et en devient un vecteur.

Si vous ne ressentez pas de symptômes ne signifie pas que le coronavirus n'est pas déjà en vous. Et que vous ne le transmettrez pas à quelqu'un de plus vulnérable qui se retrouvera d'ici quelques jours en détresse respiratoire. Même jeune. Car oui, maintenant, "plus de 50% des personnes en réanimation ont moins de 60 ans", comme l'a confirmé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon ce samedi.

Non, le covid-19 n'est pas une "simple gripette". Non, il ne touche pas "que les vieux". Et non, il n'y a rien d'héroïque à finir en réanimation pour un shot de vodka ou un petit rayon de soleil. C'est même complètement con.

Nous sommes entré·e·s en guerre et le moyen le plus efficace de la remporter, c'est de ne pas partir au front, de rester planqué·e, bien aux abris. Dans cette bataille-là, pour rester vivant·e, pour sauver des vies, il faut rester chez soi.

Alors oui, c'est dur, c'est anxiogène, cela demande de prendre (un peu) sur soi. Mais sommes-nous à ce point égoïstes pour ne pas sacrifier quelques semaines de notre petit confort pour échapper à ce tsunami invisible qui s'apprête à nous dévaster ? Sommes-nous à ce point inadapté·es à une menace imminente ? Sommes-nous si immatures, avons-nous perdu tout sens du civisme, pour qu'il faille en passer par des décrets autoritaires ? A cause de ces comportements irrationnels, le confinement total est imminent (Emmanuel Macron devrait l'annoncer ce soir à 20h). Il est souhaitable. Puisque ces images d'une société incapable de penser à autre chose qu'à son bonheur immédiat, incapable de s'auto-discipliner, impose l'infantilisation.

On ne le répétera jamais assez : appliquez scrupuleusement les consignes et surtout restez chez vous ! Lisez, télétravaillez, cuisinez, binge-watchez, écrivez, jouez, riez, pleurez, échangez, soutenez. Pour quelques semaines, réinventez votre quotidien.

Oui, nous allons en baver. Mais nous allons sauver des vies.

Rappel des consignes sanitaires contre le covid-19:

  • Se laver les mains très régulièrement
  • Tousser ou éternuer dans son coude ou dans un mouchoir
  • Saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades
  • Utiliser des mouchoirs à usage unique et les jeter
  • Eviter les rassemblements, limiter les déplacements et les contacts