Elles racontent leur plus bel amour d'été

Publié le Mardi 23 Août 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
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En Grèce à 20 ans, à l'île d'Oléron en sortant du lycée, en Bretagne à la trentaine, 3 femmes nous décrivent la (courte) romance estivale qu'elles gardent encore en tête des années plus tard.
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Alors que l'été s'achève, la nostalgie s'installe. Celle du vent chaud, des soirées qui s'éternisent, des retrouvailles douces en bord de mer. Et puis, celle des amours éphémères. Des aventures saisonnières qui nous transportent l'espace de quelques semaines seulement, mais laissent un souvenir indélébile dans notre esprit, moment suspendu dans lequel on aime se replonger de temps à autres, surtout quand la vie est moins rose.

Trois femmes nous livrent celui qui les a marquées, pour le meilleur.

Célia, 29 ans : "Il venait d'avoir 18 ans, à défaut de sonner comme Dalida"

"J'avais 20 ans. Cet été-là, mes parents m'ont proposé de partir avec eux en Grèce, comme quand j'étais petite. Sur le moment, je n'étais pas très emballée par l'idée, ingrate que je suis. A cet âge-là, j'aurais préféré rester à Paris avec mes copines ou rejoindre celles qui avaient fui la chaleur en louant un emplacement au camping de Mimizan. Grand bien m'en a pris, j'ai finalement choisi la voix de la raison en regardant mes finances et en réalisant que je ne pouvais pas me payer une tente deux-places, ni même un réchaud.

Direction Athènes, donc, puis l'île de Paros en prenant un ferry depuis le port du Pirée. On dormait dans un petit hôtel à Naoussa uniquement occupé par d'autres familles dans des chambres jumelles similaires aux nôtres. Il y avait beaucoup d'Allemand·es et quelques Français·es à l'étage d'au-dessus, dont un garçon qui semblait fermement s'ennuyer, comme moi. Il venait d'avoir 18 ans, à défaut de sonner comme Dalida, il voyageait avec ses parents et ses deux soeurs plus petites que lui, et il s'appelait Romain. Ironique, en Grèce.

On a sympathisé au buffet du petit-déjeuner. Il était blond, les yeux bleus et sa peau était dorée par le soleil. On a abordé des sujets par vraiment intéressants, et qu'il m'a proposé de me servir un verre de jus d'orange. Le soir-même, je suis tombée sur lui en fumant une cigarette dehors, et on a décidé d'aller boire un verre après quelques secondes d'un silence embarrassant. Ni lui ni moi n'avions envie d'être là (comme les enfants gâtés qu'on était), alors "autant tuer le temps ensemble", a-t-il dit. J'ai suivi.

On s'est retrouvé·es dans une taverne en bord de mer, c'était idyllique. On a mangé un gyros et bu un, deux, trois ouzos. Je me souviens qu'il essayait de se donner plus d'assurance qu'il n'en avait vraiment. J'étais plus âgée, je me suis dit qu'il voulait m'impressionner. Ça a marché. On s'est embrassé·es sur la plage quelques heures plus tard, puis on est rentré·es sagement à l'hôtel. Le lendemain, on a recommencé. Mais cette fois-ci il m'a invitée dans sa chambre après le resto et on est allé·es plus loin.

Pendant les dix jours sur place, c'était notre rituel. Un rendez-vous implicite une fois la nuit tombée. Nos parents étaient soit couchés, soit encore au restaurant, et on prétextait d'être fatigué·es pour filer en douce et boire des verres devant la lune, avant de revenir se glisser entre ses draps à se dire des mots d'amour serré·es l'un contre l'autre. On aurait pu être honnêtes, on était majeur·es et vacciné·es après tout. Mais le secret donnait du piquant à l'amourette.

Quand est venue la fin des vacances, on n'a pas fait semblant de se promettre monts et merveilles. On savait très bien qu'on ne se reverrait pas. Il habitait une petite ville à côté de Bordeaux, moi Paris, et on voulait conserver cette parenthèse comme quelque chose qui ne fanerait pas sous le poids du quotidien ; qui ne deviendrait pas amer avec la distance, les incompréhensions, la jalousie ; qui ne perdrait pas sa magie. Enfin, c'est à peu près ce que j'ai analysé de nos au revoirs confus devant l'hôtel, alors que ma mère me pressait pour que je monte dans la navette de retour.

Je n'ai plus jamais eu de nouvelles, et c'est tant mieux. Aujourd'hui, j'y repense comme un souvenir précieux, je fantasme ce qu'aurait pu devenir cette histoire, j'imagne une potentielle rencontre par hasard dans la rue. C'est un peu un moment doudou auquel je me raccroche quand je suis mélancolique. Et je suis ravie que ça n'ait pas continué."

Lison, 26 ans : "Ces quelques semaines m'ont donné confiance en moi"

"On parle souvent d'histoires d'amour révolues comme d'exemples de ce qui a pu contribuer à ruiner notre estime de soi. Ces exs qui nous ont brisé le coeur, ces ruptures qui nous ont envoyé·es chez le psy, ces bagages émotionnels qu'on traîne depuis une mauvaise rencontre. Et puis il y a celles qui nous font du bien même après la fin. C'est un peu comme ça que je décrirais ce que j'ai vécu il y a 7 ans.

Je venais d'avoir le bac et je partais pour la première fois à l'île d'Oléron avec ma meilleure amie. Elle y va depuis son enfance : sa famille a une maison là-bas. Le planning était simple : rejoindre son groupe de potes le lundi, prendre l'apéro sur la plage, aller danser jusqu'à 5 heures du matin, manger des pâtes en rentrant, dormir jusqu'à 16 heures et recommencer le lendemain (pendant 2 semaines). Les premières nuits se sont déroulées sans déroger au programme. Le jeudi, j'ai rencontré Théo.

Il était serveur dans un des bars populaires de l'île, je l'ai vu pour la première fois sur son lieu de travail. Il se trouve qu'il était aussi le grand frère d'une fille de la bande et nous a payé quelques coups quand mon amie lui a précisé qu'on avait sa petite soeur en commun. Je voyais bien qu'il me regardait, et j'ai eu confirmation que je lui plaisais quand il nous a rejoint le soir-même sur la plage. Il était grand et brun et fort, discret et beau. J'avais l'impression d'être dans un téléfilm pour ados.

"Call Me by Your Name", de Luca Guadagnino
"Call Me by Your Name", de Luca Guadagnino

Malgré ce que je prenais pour de la timidité, il n'est pas passé par quatre chemins, il est venu tout de suite me parler. On avait pas mal de choses en commun : la planche à voile, l'histoire (il l'étudiait, j'allais l'étudier)... mais surtout l'envie de se sauter dessus. Ce qu'on a rapidement fait, pour ne plus se quitter jusqu'à mon départ la semaine d'après.

Les dix jours qui ont suivi sont passés très lentement et très rapidement à la fois. On avait réussi à trouver un équilibre entre nos moments à deux dans le studio de saisonnier qu'il occupait au-dessus du bar, et les soirées avec nos ami·es respectif·ves. C'était fusionnel et sain, si on peut dire. Et basé sur une vraie complicité, une vraie tendresse. On s'est dit qu'on s'aimait sans penser à l'après, simplement parce que c'est ce qu'on ressentait.

Le dernier jour, on s'est embrassé·es pendant de longues minutes sur le port. Tout dans cette histoire est magique je dirais. Même la météo : il a fait beau tous les jours. Et si cette aventure n'a pas duré, ce qui est resté en revanche, c'est le sentiment de mériter quelque chose qui me fasse me sentir aussi bien. Au-delà d'une belle anecdote amoureuse à raconter et à revivre mentalement, ces quelques semaines m'ont donné confiance en moi."

Lola, 34 ans : "J'ai pu réaliser que je devais quitter mon conjoint"

"Parfois tout ce dont on a besoin pour se rendre compte qu'une relation doit prendre fin, c'est d'un déclic. La preuve qu'on mérite mieux, qu'un avenir plus serein existe seule, ou à deux avec quelqu'un d'autre. C'est exactement ce qui s'est passé l'année de mes 30 ans, quand je suis partie en Bretagne avec des ami·es.

Cet été-là, on avait loué une maison à une vingtaine dans un coin un peu paumé du Finistère. Il y avait quelques couples avec des enfants, mais la plupart des convives étaient encore célibataires. Moi, j'étais en couple depuis 5 ans mais venue sans mon mec ; il n'était pas très proche de cette bande de potes et avait préféré partir de son côté. Ça ne m'a pas dérangée, j'avais bien besoin d'un peu de temps solo.

Parmi les invité·es, il y avait des copains très proches et puis d'autres que je ne connaissais pas très bien. L'un d'eux, Thomas, m'a vite tapé dans l'oeil. Je pense que j'ai craqué pour toutes les qualités que je ne trouvais pas chez mon partenaire, et qui me manquaient. Il était à l'aise en société, prévenant, de bonne humeur. Drôle mais sans être celui qui prenait toute la place lors des conversations.

Au début, je ne savais pas trop comment analyser le fait que j'avais toujours envie d'être près de lui. Et puis petit à petit, j'ai arrêté de me poser des questions et je me suis écoutée. Je sentais que lui aussi était attiré par moi, on se retrouvait fréquemment assis·es l'un à côté de l'autre à table, dans la même pièce, à discuter tous les deux malgré le monde qui nous entourait. Ce genre de choses se ressent, il y a peu de chances de se tromper.

J'avais très peur de faire une connerie, l'infidélité est quelque chose qui m'est insupportable pour des raisons familiales sur lesquelles je ne m'épancherai pas. Et je n'en ai pas fait. Enfin presque. Notre histoire s'en est tenue à de longues discussions, à des regards qui laissent peu de place au doute, à des étreintes et des baisers sur le front tard dans la nuit quand tout le monde est couché. Mais l'effet a été radical : j'ai pu réaliser que je devais quitter mon conjoint.

En rentrant de vacances, j'ai pris la décision de mettre fin à ma relation, car elle me faisait souffrir depuis trop longtemps. Je me suis accordé du temps pour moi, je me suis reconstruite petit à petit. Et quand j'ai été prête, j'ai rappelé Thomas. Mais cette partie de l'histoire n'est plus vraiment du ressort de l'amour d'été (sourire)..."