L'interview girl power d'Anna Calvi

Publié le Jeudi 04 Avril 2019
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Anna Calvi
Anna Calvi
Artiste exploratrice, la Britannique Anna Calvi interroge la définition du genre dans un troisième album puissant, "Hunter". A l'occasion de son concert dans le cadre du festival Les Femmes s'en mêlent, celle qui revendique son identité queer nous livre sa vision multispectrale.
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Pour Anna Calvi, la musique est à l'image de la vie : un vaste terrain de jeu pour le "je". Et elle n'aime rien tant qu'interroger cette identité mouvante et expérimenter de nouveaux sons. L'autrice-compositrice et interprète britannique a ainsi sorti en 2018 un superbe album, Hunter, intense et rageur, accompagné d'un "manifeste queer" dans lequel elle explique vouloir sonder tous les recoins de ces différentes identités sexuelles, empruntant des chemins de traverse et débordant en dehors des clous normés de la société patriarcale.


"Cet album est la recherche de quelque chose – une volonté d'en avoir toujours plus, de vivre des expériences, d'agir, de revendiquer sa liberté sexuelle, d'avoir son intimité, de dépasser les genres, de se sentir puissante, de se sentir protégée et trouver quelque chose de beau dans tout ce bazar", écrit-elle.

Anna Calvi est à l'affiche du 22e édition de l'excellent festival 100% féminin Les Femmes S'en Mêlent, qui se tient du 4 au 6 avril à Paris. L'occasion de la questionner sur ses inspirations, sa lutte permanente contre les injonctions et sur ces carcans qu'elle tient tant à pulvériser.

Terrafemina : Tu as sorti ton troisième album, Hunter l'an dernier, que tu définis comme un album "queer". Qu'est-ce que cela signifie ?

Anna Calvi : Pour moi, cela veut dire ne pas avoir à se définir. Cela parle du fait de ne pas se sentir appartenir à cette culture hétéronormée.


Tu as confié avoir été dans un "schéma féminin classique" avant cet opus. Comment as-tu découvert d'autres formes d'expression ?

A.C. : Ma musique a toujours été sans genre précis. Mais dans ma vie quotidienne, je me suis sentie restreinte par les limites d'avoir à "jouer" mon genre. Ce disque parle de creuser plus profondément et d'explorer mon androgynie. J'ai utilisé ma voix et ma guitare comme des moyens de casser toutes les formes de contraintes que j'ai pu ressentir. Jouer et chanter est une expérience très viscérale pour moi.

Anna Calvi au Barezzi Festival en novembre 2018
Anna Calvi au Barezzi Festival en novembre 2018

Tu as toujours superbement écrit à propos des femmes. Qu'est-ce qui t'inspire chez elles ?

A.C. : Je trouve que les femmes ne sont pas assez dépeintes et représentées comme les humains aux multiples facettes qu'elles sont dans la vraie vie. C'est ce que je veux faire.

Te considères-tu féministe ?

A.C. : Oui, bien sûr !

Quels étaient tes modèles lorsque tu étais enfant ?


A.C. : J'admirais ma mère car elle a toujours été très forte et déterminée. Et j'admirais David Bowie !

Quelles sont les trois femmes qui t'ont le plus inspirée dans ta vie ?


A.C. : Patti Smith, Grace Jones et Maria Callas m'ont toutes beaucoup inspirée. Elles ont toutes une telle volonté et une telle vision de leur travail. Je suis très inspirée par la force de travail de Maria Callas, très inspirée aussi par la façon dont Patti Smith et Grace Jones se sont appropriées leur sexualité et l'ont utilisée comme une forme active et puissante pour pousser leur créativité.

Grace Jones sur la scène du Blackheath festival en 2014
Grace Jones sur la scène du Blackheath festival en 2014

La parole se libère autour de la sexualité féminine et cette nouvelle ouverture est particulièrement émancipatrice pour de nombreuses femmes. Comment le vis-tu ?

A.C. : Le fait que cela soit maintenant un sujet de discussion et que cela soit dans les consciences est formidable. Mais il en faudra encore beaucoup plus pour changer fondamentalement les choses. Nous devons défier les rôles genrés auprès des enfants que nous élevons.

As-tu déjà été confrontée au sexisme dans l'industrie musicale ?

A.C. : Seulement lorsque les gens me demandent ce que cela fait d'être une femme musicienne. Comme si la créativité des femmes était une anomalie exotique.

Quels artistes t'ont le plus impressionnée depuis le début de l'année ?

A.C. : Je suis incroyablement émue par Perfume Genius (nom de scène de l'auteur-compositeur-interprète américain Mike Hadrea- ndlr). J'adore aussi I'Australienne Courtney Barnett.

Quelle chanson te booste ?

A.C. : J'aime écouter Walking In The Rain de Grace Jones quand je veux me sentir puissante. Elle est tellement triomphante.

Affiche Les femmes s'en mêlent 2019
Affiche Les femmes s'en mêlent 2019

Anna Calvi, album Hunter

En concert le 4 avril 2019 au Trabendo dans le cadre du Festival Les Femmes s'en mêlent à Paris

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