Il faudrait tout épiler ?
A cette injonction, de nombreuses femmes rétorquent par la négative. Sur les réseaux sociaux, des militantes féministes, influenceuses, créatrices de contenus, dénoncent les pressions faites aux femmes concernant... Leurs poils. Pilosité au féminin qui s'érige encore en énorme impensé au sein d'une société régie par les diktats de beauté.
Lesquels semblent exclure ce détail physique... Alors même que l'épilation n'a absolument rien de naturel, tout comme la chirurgie esthétique. Cependant, si multiples sont les voix à vouloir faire bouger les lignes afin de décomplexer les femmes ressentant honte et gêne face à leurs poils, un sexisme demeure en ligne.
On l'a constaté récemment encore, quand suite à la diffusion de selfies, l'influenceuse Marie Cay était victime de remarques désobligeantes sur son corps, et plus encore... Ses poils aux aisselles.
"Ca te coûte un rein un rasoir ?", "C'est un monsieur ?", "C'est la forêt amazonienne tes aisselles", "fallait mettre un avertissement là", "dégueu"...
Cela n'est qu'une infime facette des abondants commentaires tout à fait nauséeux, recueillis par le média féministe Fraiches, qui émaillent les clichés de l'influenceuse sur les réseaux sociaux. Le message est clair malheureusement : Cachez ces poils que l'on ne saurait voir... Affligeant, et en vérité : très inquiétant.
Et source de réflexion, comme de mobilisations, intimes et politiques...
Jade Debeugny dans son passionnant essai, Le poil féminin à l'écran, dénonce ainsi ces diktats et évoque leur illustration dans les films, du cinéma de Céline Sciamma à celui de Julia Ducournau.
Et à Terrafemina, énonce : "est-ce quelque chose de catégorisé comme transgressif, le poil, peut un jour retomber dans la norme ? Et est-ce que la revendication militante du poil accélère ou ralentit ce processus ? Comment permettre cette banalisation ? Personnellement, je pense que toutes les démarches sont bonnes à prendre, de la mise en avant féministe du poil à sa normalisation, sans discours dédié... il faut secouer les choses pour espérer les voir évoluer, c'est parfois nécessaire, quitte à déranger et à choquer autour de soi."
Et en 2019, on l'écrivait déjà sur Terrafemina : "La pilosité féminine (pubienne, surtout) est au coeur des discussions. On se questionne, on s'informe, on s'insurge. A quoi servent les poils ? Est-ce vraiment plus hygiénique de s'épiler que de cultiver le buisson de son jardin secret ? Pourquoi les femmes sont-elles soumises à cette contrainte quand les hommes peuvent tout simplement l'ignorer ?
Tout ça, pour s'affranchir des normes sociétales qui dictent nos choix. Il faut dire que les injonctions ont la dent dure, et qu'une décision qui nous semble personnelle peut parfois s'avérer biaisée par la société qui nous entoure, - aussi inconscient soit ledit biais."
Heureusement, de plus en plus d'artistes lèvent la voix.
Comme Angèle, qui en a fait dès 2019 l'un de ses cheveux de bataille. Dévoilant ses poils aux aisselles dans ses clips, comme celui, culte, de Balance ton quoi , ou sur ses réseaux sociaux, en 2022. "Il se trouve qu'il y a deux ans j'ai été invitée à chanter au festival de Cannes. Moi, ça me fait chier de me raser sous les bras", témoigne la chanteuse dans le documentaire à son nom sur Netflix.
"Ce jour-là, je n'avais pas envie d'enlever une partie de mon identité, de mes choix personnels et privés pour entrer dans un code que je ne valide pas. Mais si on voit que je ne me suis pas rasé les poils, on va prendre ça comme un acte politique... Bref le casse-tête et le risque, c'est qu'on parle plus de mes poils que de ma performance alors que je voudrais qu'on laisse les femmes tranquilles avec leurs poils."
Des mots forts. Suscitant moult soutien émanant de ses fans : "Merci pour les aisselles meuf, tellement de sens, tellement d'importance", "Spécial love pour la dernière photo un poil féministe (sans jeu de mots. Merci", "Merci pour les poils".