Culture
A Cannes, le sacre réjouissant et exceptionnel de la réalisatrice Julia Ducournau
Publié le 19 juillet 2021 à 11:05
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Ce 74ème festival de Cannes vient de s'achever sur un sacre inattendu : celui de la réalisatrice française Julia Ducournau, couronnée par la Palme d'or pour son second long-métrage (seulement) : "Titane". On s'en réjouit.
A Cannes, le sacre réjouissant et exceptionnel de la réalisatrice Julia Ducournau A Cannes, le sacre réjouissant et exceptionnel de la réalisatrice Julia Ducournau© Abaca
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Qu'y a-t-il de plus classe que de recevoir une Palme d'or des mains de Sharon Stone ? La recevoir pour son second long-métrage, certainement. C'est ce qu'a vécu la réalisatrice française Julia Ducournau sur la scène de la 74ème édition du Festival de Cannes ce 17 juillet dernier. Son premier long, Grave, avait tout du phénomène critique et public. Mais son second essai, Titane, fait directement entrer la cinéaste dans l'Histoire.

Le terme n'est pas trop fort : ainsi couronnée, cette fan affirmée de cinéma de genre devient la seconde réalisatrice (seulement !) à recevoir la Palme d'or, mais surtout la première à la recevoir seule. Effectivement, sa prédécesseuse néo-zélandaise Jane Champion avait elle aussi été sacrée en 1993 pour La leçon de piano, mais ex-aequo avec le cinéaste chinois Chen Kaige (Adieu ma concubine). C'était il y a 28 ans déjà. Cela nous donne donc deux femmes arborant la récompense suprême... en plus de soixante ans de festival.

Mais la mise aux nues de Titane incarne également une autre forme de reconnaissance, celle d'un certain cinéma fantastico-horrifique, tout sauf majoritaire à Cannes. Une victoire plutôt inattendue donc.

Un sacre qui "va bien au delà du genre"

Un cinéma de genre, comme on dit. Le genre, Julia Ducournau l'exprime à sa façon. Interviewée par le magazine Society qui la désigne comme "la réalisatrice qui a retourné Cannes", la trentenaire explique : "Je ne fais pas de films en tant que femme, je fais des films en tant qu'être humain. J'ai un truc à exprimer qui va bien au-delà du genre". Dans ce même numéro du 15 juillet, elle développe encore : "il se trouve que je suis une femme, mais ce n'est pas un truc qui me taraude en permanence quand j'écris ou je fais des films".

A Society toujours, elle affirme son soutien au mouvement #MeToo ("j'espère que le mouvement va perdurer et qu'on n'est qu'aux prémices de ses conséquences. Ce serait tellement triste que ça s'arrête") mais s'interroge sur le renvoi permanent des femmes, artistes notamment, à leur genre et donc à leur condition. Un renvoi qu'elle trouve "à l'opposé de l'égalité de tout mouvement féministe". Aujourd'hui, on s'imagine ainsi que le sacre exceptionnel de Titane l'enchante davantage que ce titre de "seconde femme sacrée à Cannes".

Des propos limpides pour une cinéaste qui, dans son art, ne cesse justement d'interroger l'identité, sa fluidité, la métamorphose des corps. Rien n'est fixe dans le petit monde de Julia Ducournau, tout est fluide(s). Un univers qui a bien plu au Jury et à son président, le réalisateur culte Spike Lee. Hormis cette Palme, cette cérémonie a été marquée par l'enthousiasme de l'actrice norvégienne Renate Reinsve, Prix d'Interprétation Féminine pour Julie (en 12 chapitres), et la victoire de cinéastes discrets mais majeurs comme le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Prix du Jury pour Memoria) et le Français Leos Carax (Prix de la Mise en scène pour Annette).

Le plus touchant dans cette victoire de Julia Ducournau, c'est encore le discours qui lui a succédé. Des mots d'une sincérité et d'une justesse troublantes, énoncés par la réalisatrice : "Aucun film n'est parfait. On dit même du mien qu'il est monstrueux. Vous savez, maintenant que je suis devenue adulte et réalisatrice, je me rends compte que la perfection n'est pas une chimère, c'est une impasse. Et la monstruosité qui fait peur à certains et qui traverse mon travail, c'est une arme, une force à repousser les murs de la normativité qui nous enferme et qui nous sépare".

A noter qu'en plus de cette Palme et des retours enthousiastes de bien des critiques saluant la radicalité de son cinéma, Julia Ducournau a eu droit à une récompense des plus insolites : une couronne, décochée en emoji par Céline Sciamma le temps d'une story Instagram. Voilà le cinéma français qu'on aime.

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