Ousmane Dembélé, champion de la masculinité non-toxique.
En recevant le Ballon d'Or, la star du PSG n'a pas caché son émotion, intense, sous les hourras fédérateurs. Au contraire ! Il a fondu en larmes, face au monde entier, lors de cet événement sportif prestigieux autant suivi qu'une cérémonie des Oscars. Remerciant sa mère, son meilleur ami de toujours, son agent... Tous ceux qui ont contribué à son succès.
Etre ainsi couronné du Graal des footballeurs, que tant de superstars du gazon n'ont jamais atteint, a naturellement provoqué son émoi. C'est bouleversé que le sportif a accepté ce triomphe, en pleurant, ayant du mal à conclure son discours face à ses nombreux collègues. Et si la séquence n'a laissée insensible personne, des érudits du ballon rond aux footix, elle raconte énormément sur notre société.
Et plus encore, sur les stéréotypes de genre.
Dont le champion s'émancipe royalement. Les hommes en mal de virilité doivent prendre des notes.
Vous connaissez l'adage : Boys don't cry.
Chanson bien connue, et belle illustration des stéréotypes de genre, et des injonctions à la masculinité, indissociables du mythe de la virilité (pour reprendre l'expression de la philosophe féministe Olivia Gazalé, dans son ouvrage éponyme) : les garçons ne doivent pas pleurer. Jamais. Ils doivent restreindre leurs émotions, et leurs larmes, qui seraient synonyme de faiblesse, car les vrais mecs ne font pas ça. Comme si l'émoi ainsi extériorisé était forcément un critère féminin. En fait, cela fait autant de mal aux hommes, qu'aux femmes.
Car, aliénés par diverses pressions, et fantasmes autour de la virilité, les hommes également souffrent d'injonctions diverses : des injonctions patriarcales, qu'une Virginie Despentes sythétise très bien dans son définitif King Kong Théorie. Quels hommes célèbres sont restés en mémoire en partie pour leurs larmes ? Des politiques, comme Barack Obama. Des superstars hollywoodiennes, lors de remises de prix. Des sportifs, donc, comme Ousmane Dembélé aujourd'hui, et tant d'autres hier, lors de Coupes du monde, de victoires nationales.
Souvent, les larmes lors des matchs de foot circulent jusqu'aux supporters, dans ces occasions exceptionnelles. Jusqu'aux tribunes, où les slogans brandis et entonnés, pourtant, sont loin d'être... "Déconstruits". Sexistes, homophobes...
D'où l'intérêt à voir Ousmane Dembélé ne jamais réprimer ses sanglots.
Et si cela pouvait faire office d'exemple ? On se souvient des controverses au sujet des supporters, et même des athlètes, "vannant" leurs confrères, qu'il s'agisse de Kylian Mbappé ou Jules Koundé, dès que ceux-ci s'émancipaient très légèrement des clichés virils - par leurs vêtements, notamment. Rhétorique homophobe et humour de vestiaires à l'appui.
Néanmoins, personne ne riait face à l'émoi décomplexé d'un Ousmane Dembélé. C'est bon signe, alors que partout, le masculinisme, idéologie prônant aussi bien une haine des femmes qu'une défense des plus crasses caricatures du "virilisme", n'jamais autant eu le vent en poupe, sur TikTok notamment, espace prisé par les jeunes générations.
"Ça n’a l’air de rien. Et pourtant. Ils étaient des dizaines, des centaines, des centaines de milliers devant le Théâtre du Châtelet, devant leur écran à attendre le sacre du Français, du Parisien, au titre suprême de Ballon d’or de l’année. Un vrai truc de bonhomme. Des ultras, des fanas, des accros de la première heure, des gamins des étoiles plein les yeux, excités comme par deux par ce grand événement", analyse en ces termes Adèle Bréau, autrice et journaliste féministe, sur son compte Instagram d'actualités abondamment suivi.
Et l'autrice d'expliquer les raisons de son enthousiasme, face à ce qui pourrait devenir un véritable role model, une source d'inspiration pour les hommes de demain : "La récompense d’années de travail, d’une saison sans défaut dans un sport à la popularité nationale, mondiale, populaire dingue. Un exemple. Un sport qui crée les looks, les intonations, les trends fugaces, les expressions, les conversations, les garçons du présent mais surtout ceux de demain, grandis le long de ces gars-là comme des plantes guidées par un tuteur silencieux. « Un homme, ça ne pleure pas ». Bha non. Un homme c’est fort, bravache, cabot, ça fait le malin devant les copains".
"Ça fait longtemps qu’on enseigne ces trucs, parfois même sans le dire, à des hommes qui ravalent les chagrins et les émotions et d’ailleurs on voit bien ce que ça peut faire quand ça ressort après avoir bien pourri au dedans. Alors ce gars là qui fond en larmes devant le monde entier, secoué de sanglots devant sa maman, ses BFF, les mascus un peu sonnés, avec ses émotions non contenues qui remontent devant le chemin parcouru, les soutiens de toujours, la joie du jour qui recouvre les peines et les efforts endurés, ça marque un truc fort. Des larmes d’histoire d’homme qui pourraient bien, petites gouttes dans un océan de changements, bouleverser même infimement la marche d’un temps. Pleure, mon fils, ça fait du bien. Et Ousmane Ballon d’or."
Une tribune qui dit les choses avec clarté.