Au Kenya, un village est interdit aux hommes. Uniquement réservé aux femmes.
Cela fait 35 ans que c’est le cas. Et la moitié de la population y vit des jours paisibles.
Loin de violences systématiques redoutées, violences que pour beaucoup ses citoyennes ont subies par le passé. C’est Arte qui consacre un documentaire nécessaire et exceptionnel à ce village. Umoja, le village sans hommes, en guise d’intitulé, car c’est bien du village d’Umoja qu’il s’agit, trop méconnu, et pourtant, historique. On connaît des villages, tribus, clans ou communautés indépendantes qui se basent sur ce principe de "non-mixité", mais ils sont beaucoup trop peu documentés. Et le sujet mérite qu'on s'y attarde. D'où l'importance de ce village saisi par les caméras.
Ses villageoises y sont interrogées et expliquent pourquoi les mecs n’ont pas le droit de cité. Matriarcat ? Oui, et alors ? Elles ont en vérité de très bonnes raisons de privilégier les “réunions en non-mixité” au quotidien. On vous raconte.
Haine anti-hommes ?
Non, pas ce genre d’appellations qui ferait rugir certaines rédactions de chaînes d’infos en continu à Umoja, mais simplement des mesures pour protéger les femmes des violences sexistes et sexuelles. Pour ne pas dire : patriarcales. Une villageoise s’exprime dans le documentaire d’Arte à ce propos et c'est édifiant : “Les hommes de notre peuple, du peuple samburu, sont violents et c’est pourquoi nous ne vivons qu’entre femmes. Les veuves et les femmes qui ont été répudiées sont venues vivre ici, se réfugier”.
Ce documentaire d’Arte à visionner sur le site de la chaîne détaille en voix off : “Les hommes du peuple samburu ont établi des règles précises, ils règnent en maîtres, mangent en premier, peuvent battre leurs épouses librement”. Ambiance. On a là l’envergure d’un patriarcat en bonne et due forme. Pas étonnant que les femmes fuient. Comme toujours, d'aucuns parleraient de misogynie inversée, alors qu'il s'agit tout simplement de lutter contre les féminicides. “Les femmes y sont oppressées et c’est pour cela qu’elles exigent leur liberté”.
Entre autres détails, n’est-ce pas. L’excision par exemple est l’un des fléaux combattus par ces femmes. Une “tradition”, mot bien euphémisant pour désigner un tel acte, qui fait loi chez le peuple kényan évoqué ci-dessus. Violences conjugales et agressions y sont banalisées. Comme toujours, c'est le plus jeune possible que les femmes y subissent des outrages. On ne parle même pas ici de "culture du viol" mais l'on se doute que la banalisation des crimes sexuels y est constatée. Il suffit de lire ce que ces citoyennes racontent entre les lignes.
De fait, face à la misogynie, instituée, leur village devient une révolte. Et une nécessité totale. C'est ce que met en lumière l'une des interlocutrices. Elle affirme que cette communauté nous pousse à réfléchir sur le fonctionnement de notre propre société occidentale. Pourquoi avoir fait du patriarcat une évidence ? Comment réfléchir à des modes de vie alternatifs ? Quelle est la meilleure façon de prendre en considération les victimes et les opprimés ? Autant d'interrogations qui rappellent combien les enjeux genrés sont des enjeux humains.