Le beau doigt d'honneur des femmes croates contre les discours anti-avortement

Publié le Lundi 29 Juin 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Le beau doigt d'honneur des femmes croates face aux populistes anti-avortement
Le beau doigt d'honneur des femmes croates face aux populistes anti-avortement
Des hommes politiques se revendiquant de la droite croate ont déclaré qu'une femme devrait obtenir l'accord de sa famille pour avorter, même en cas de viol. Les femmes lui répondent en levant le majeur.
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En Croatie, en pleine campagne pour les élections législatives du 5 juillet, les représentants politiques de la droite ont jugé bon de donner leur avis sur l'avortement, et le droit des femmes ou non à y avoir recours. "En cas de grossesse après un viol, les femmes devraient obtenir l'accord de leur famille avant de prendre la décision d'avorter ou non", estime ainsi Miroslav Škoro, chanteur et chef du parti populiste Mouvement patriotique, lors d'un débat télévisé.

Des propos avec lesquels le philosophe et chroniqueur Nino Raspudic (sorte d'Éric Zemmour local, compare Courrier International), aussi candidat du mouvement conservateur Most, est entièrement d'accord. Selon lui, "les femmes violées devraient poursuivre leur grossesse plutôt que de l'interrompre", lance-t-il sur un autre plateau. Et pour appuyer son opinion, il rappelle la politique du viol pratiquée pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1995, et affirme que "de nombreux enfants issus de viols ont une vie heureuse". Aberrant.

Pour répondre à ces paroles horrifiantes, les femmes croates ont trouvé le geste qui résume tous les discours : un doigt d'honneur. C'est donc majeur en l'air que des personnalités de la culture, du divertissement ou encore du monde politique ont posé, pour donner une idée de ce qu'elles pensent de la manie des hommes à débattre de sujets qui ne les regardent pas.

"Élever la voix contre ceux qui essaient de nous ramener des siècles en arrière"

Parmi les premières à s'indigner, l'adjointe au maire de la ville croate d'Osijek, Žana Gamoš. En légende de son cliché, elle écrit : "Voici la réponse d'une femme aux messieurs qui pensent être des génies et ont des conseils à donner sur ce que doivent faire les femmes violées".

L'ancienne présidente Kolinda Grabar-Kitarović a également utilisé ce geste pour exprimer ses sentiments : "Je me joins à toutes les femmes qui montrent leur position par ce geste 'impoli' et qui élèvent la voix contre ceux qui essaient de nous ramener des siècles en arrière. L'époque où une femme était assise dans un coin et attendait ce que 'l'homme' allait dire est bel et bien révolue". Elle ajoute avoir toujours été pro-vie, tant qu'il existe un choix "sans pression, stigmatisation ni conditions, en particulier dans les situations de vie les plus sensibles comme le viol".

L'ancienne présidente Kolinda Grabar-Kitarovic a également levé le majeur pour apporter son soutien.
L'ancienne présidente Kolinda Grabar-Kitarovic a également levé le majeur pour apporter son soutien.

L'actrice Bojana Gregoric Vejzovic s'est quant à elle exprimée en publiant une photo datant de 2000, sur laquelle elle fait un doigt d'honneur. Elle écrit : "#2000 Même attitude ! Femmes, participons aux élections tant que nous le pouvons encore !"

La BBC rappelle d'ailleurs que si l'avortement est toujours légal en Croatie, les pressions de l'église catholique et des activistes anti-IVG pourraient faire flancher ce droit essentiel. En 2017, le gouvernement s'est vu donner un délai de deux par la Cour constitutionnelle pour rédiger un nouveau projet de loi, lequel est toujours en cours de discussion au Parlement. De plus, en l'espace de 15 ans, le taux d'avortement a considérablement chuté, passant de 25 000 en 1993 à 2558 en 2018, suscitant des inquiétudes quant à l'érosion des droits des femmes.