Société
Faut-il "annuler" les représentations de l'Abbé Pierre et les lieux portant son nom ?
Publié le 11 septembre 2024 à 11:13
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Alors que les témoignages se multiplient à l'encontre de l'Abbé Pierre, la Fondation à son nom prend des initiatives. Ainsi que de nombreuses mairies. Représentations de l'Abbé, lieux portant son nom, sont directement pris en considération...
Faut-il "annuler" les représentations de l'Abbé Pierre et les lieux portant son nom ?
Faut-il "annuler" les représentations de l'Abbé Pierre et les lieux portant son nom ? Les témoignages se multiplient à l'encontre de l'Abbé Pierre, figure sacrosainte considérée comme intouchable au sein du patrimoine français. Accusations de viols, de gestes déplacés, d'agressions sexuelles... Tant et si bien que la Fondation Abbé Pierre réfléchit activement à renommer des lieux portant le nom du "petit père des pauvres", et des rues, voire à "annuler" des fresques murales à son effigie... "Annuler", dans le sens de "cancel", pour "cancel culture" : le fait d'appeler au boycott d'une figure au coeur d'accusations graves, le plus souvent de violences sexuelles. Une initiative liée à #MeToo notamment et qui divise encore au sein de la société française. Voies, plaques commémoratives, lieux de mémoire, centres d'aide, sont directement visés par cette initiative nationale.
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Faut-il "annuler" l'Abbé Pierre et les lieux, rues portant son nom ?

La question se pose alors que depuis juillet dernier les témoignages les plus accablants se multiplient à l'encontre de cette figure sacrosainte décédée en 2007 et considérée comme intouchable au sein du patrimoine français. Accusations de gestes déplacés, de propos grivois, mais surtout d'attouchements, d'agressions sexuelles, de viols, sont relatées dans d'importants rapports... 

Récemment encore, dix-sept nouveaux témoignages sont venus s'ajouter aux 12 autres déjà relatés dans un dossier publié par le mouvement Emmaüs. Dans leur globalité, les faits présumés s'étalent des années cinquante à 2005. Parmi les paroles recueillies, celles de bénévoles, salariées, volontaires... Certaines personnes étaient mineures au moment des faits. Et avaient déjà pu témoigner, sans réponse.

Tant et si bien que partout en France bien des structures et des maires pensent activement à renommer des lieux portant le nom du "petit père des pauvres", et des rues, voire à "annuler" des fresques murales à son effigie...  "Annuler", dans le sens de "cancel", pour "cancel culture" : le fait d'appeler au boycott d'une figure populaire et médiatique qui se retrouve au coeur d'accusations graves, le plus souvent de violences sexuelles. Une initiative liée au mouvement de libération de la parole #MeToo et qui divise encore au sein de la société française.

Faisant fi de tout débat, la Fondation Abbé Pierre a décidé ainsi de lancer cette initiative collective... En changeant de nom. C'est le 6 septembre que l'organisation a déclaré avoir entamé des démarches à ce titre. Mais ce n'est pas tout....  

Quels lieux et initiatives sont concernés par ces "annulations" ?

Nombreuses sont aujourd'hui les initiatives engendrées par cette affaire primordiale. Elles concernent le pays entier.

Ainsi la Fondation Abbé Pierre a-t-elle également décidé de la fermeture définitive du lieu de commémoration consacré à la mémoire de l'abbé. C'est un lieu qui prend place à Esteville, en Seine-Maritime. A sa suite, d'autres gestes symboliques se succèdent désormais. Parmi celles-ci, relate cette enquête de BFM TV, la décision de Florina Loisel, directrice de l'école primaire privée Abbé Pierre de Hédé-Bazouges (Ille-et-Vilaine), qui depuis plusieurs semaines déjà échangerait avec la direction diocésaine de Rennes pour changer le nom de cet établissement scolaire. 

A l'unisson, poursuit le site d'informations, la mairie de Paris souhaiterait faire débaptiser au plus vite les jardins Abbé-Pierre du 13e arrondissement. De même, à la mairie de Nancy, on en appelle au retrait définitif d'une plaque commémorative posée à la mémoire de l'Abbé Pierre. Une introspection identique concerne la ville de Limoges, qui s'est directement entretenue avec la commission de dénomination des rues. Des rues, des voies, des avenues, il y y en a pas moins de 149 voies qui portent encore aujourd'hui le nom de cette figure emblématique. 

Et puis, il faut aussi prendre en compte les représentations murales.

Telle cette fresque de l’Abbé-Pierre située à Montpellier, qui a déjà été effacée par les services de la Ville. Une peinture qui était présente sur ces murs depuis janvier 2021, relate le quotidien régional Midi Libre, et s'était récemment vue auréolée d'un tag : "Violeur".

Comme on le perçoit à travers l'éclectisme des villes concernées, la démarche n'est pas simplement exceptionnelle, mais nationale. Elle semble éclore d'une prise de conscience qui aujourd'hui sensibilise tout l'Hexagone. Mais sont-ce de bonnes décisions ? Ce débat en invoque un autre : celui, plus populaire outre-atlantique, du déboulonnage de statues à l'effigie de figures historiques controversées. Aux Etats-Unis, cela renvoie en particulier à la manière dont l'esclavage et sa commémoration sont traités au sein de la nation. 

Le fait d'attribuer statue, lieu, nom de rue, à une personnalité, est concrètement perçue comme une forme de célébration d'icelle. Mise en lumière qui serait de fait des plus déplacées au vu des récentes révélations. Cependant, d'aucuns en appellent à la conservation de lieux qui permettent également de ne pas oublier le fil de l'Histoire.

On pourrait rappeler, en parallèle, des mots intéressants, ceux de la journaliste américaine Jenna Wortham à CNN : "La cancel culture ne fonctionne pas vraiment. Vous ne pouvez pas simplement "éliminer" les personnes et les créations problématiques. Car cela revient à faire face aux symptômes d'une société malade plutôt que de traiter réellement la maladie".

Adrien Chaboche, délégué général d'Emmaüs International, tient quant à lui des propos dépourvues d'ambiguïté à ce sujet : "Désormais l'abbé Pierre c'est, pour tout le monde, mais particulièrement pour les personnes qui ont été des victimes de violences dans leur vie, c'est l'image d'un prédateur sexuel".

Auprès de franceinfo, il développe avec gravité : "La priorité est donnée aux victimes et à leur écoute, à la reconnaissance de ce qu'elles ont subi... tous les combats que l'Abbé Pierre a portés et tout le bien qu'il a pu faire n'effacent pas la douleur et la souffrance qu'ont provoquées ces actes

Mots clés
Société News essentielles #MeToo violences sexuelles Viol
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