On a suivi une formation contre le harcèlement de rue

Publié le Vendredi 25 Novembre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
11 photos
Lancer le diaporama
Lancé par L'Oréal Paris, l'ONG Right to Be et la Fondation des Femmes, le programme Stand Up vise à lutter contre le harcèlement de rue. Il comprend des formations en ligne gratuites pour réagir au mieux si on est témoin. Nous y avons assisté.
À lire aussi

Munie d'un lien Zoom, je me connecte un peu avant 12h30, heure du début officiel de la formation. L'atelier du 18 novembre proposé par Stand Up va commencer. Ce programme, lancé par L'Oréal Paris, l'ONG Right to Be et la Fondation des Femmes, vise à apprendre à agir face au harcèlement. Il propose plusieurs formations en visioconférence, gratuites et accessibles à toutes et tous sur inscription.

Ce jour-là, c'est une membre et chargée de mission de l'association nantaise Résonantes, qui a pour but de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, qui est chargée d'animer la formation. Nous sommes 68 personnes à nous être connectées. Avec le curseur de ma souris, je fais défiler le tchat où chacun·e se présente : des représentant·e·s d'associations, des délégué·e·s du personnel, des collectivités locales, des élu·e·s mais aussi des citoyennes et des citoyens lambda, victimes et parents de victimes, constituent une assemblée éclectique.

Les motivations sont diverses. Certain·e·s participant "à titre professionnel", "personnel" ou "les deux". "Je suis maman d'une jeune fille de 15 ans qui souffre du harcèlement de rue. J'espère pouvoir l'aider mieux grâce à votre intervention", écrit ainsi une participante. L'adolescente est loin d'être la seule : ainsi 80% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel, nous rappelle l'intervenante.

Ne pas avoir peur d'intervenir

Dans le tchat, les témoignages pleuvent. Je les lis attentivement : "Quand ma fille se fait harceler, elle dit son âge... Certains s'excusent, d'autres trouvent que ce n'est pas un problème", se désole une mère. Subir les assauts de frotteurs, subir des regards déplacés, des sifflements et des bruits d'animaux, des gestes et des commentaires inappropriés, se faire suivre ou encore être témoin d'exhibition publique... Le spectre du harcèlement dans les lieux publics est (malheureusement) très large.

80% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel
80% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel

Interactive, la formation débute avec un sondage aux réponses anonymes : "A votre avis, quel est le pourcentage de personnes qui affirment que lorsque quelqu'un est intervenu pour arrêter le harcèlement, la situation s'est améliorée ?". Quatre options s'offrent à moi. Je me jette à l'eau et réponds hâtivement "62%".

Erreur : elle seraient en réalité 79%. Une majorité des répondant·e·s ont trouvé le "bon" pourcentage, contrairement à moi. J'ai visiblement (encore) des choses à apprendre.

Il serait donc utile, sans grande surprise, d'intervenir lorsqu'on est témoin de harcèlement sexuel dans l'espace public. Oui, mais comment ? "C'est difficile de se rendre compte qu'une personne est harcelée surtout lorsqu'on ne regarde pas les gens dans la rue ou dans les transports ", écrit une internaute dans le tchat. "Notre but, c'est que vous vous sentiez prêtes et prêts à agir en toute sécurité, sans vous mettre en danger. L'objectif de cette formation, c'est que ce soit aussi simple pour vous de ramasser une casquette que d'aider quelqu'un", explique la représentante de Résonantes.

La règle magique des "5D"

Pour ce faire, elle nous initie à la règle des "5D". Elle m'est familière, mais je m'aperçois dans le tchat que ce n'est pas le cas de tout le monde. "5D" ? "Distraire, déléguer, documenter, diriger et dialoguer". Pour voir comment mettre en pratique ces modus operandi, nous visionnons plusieurs vidéos. Une jeune femme subit des regards appuyés dans un bus de la part d'un homme placé un peu trop près d'elle.

Le harcèlement de rue concerne aussi les transports en commun
Le harcèlement de rue concerne aussi les transports en commun

Une passagère s'en aperçoit et décide de se placer entre les deux : elle a donc choisi l'option "distraire". Dans une autres séquence, elle rapporte la situation au chauffeur de bus : la voici qui "délègue". Enfin, elle prend des photos de la scène avec son téléphone : elle "documente" la situation et récolte des preuves pour la victime.

C'est une manière de procéder particulière qui ne doit pas être réalisée n'importe comment. "Avant de prendre une vidéo, il faut évaluer sa sécurité", conseille l'animatrice. "Si on filme, le seul but est de donner ensuite les preuves à la victime. Les vidéos et les photos ne nous appartiennent pas. On va voir la victime, on lui demande si elle souhaite porter plainte, si elle désire avoir les images si un jour elle souhaite le faire on lui donne les photos et les vidéos et on s'en débarrasse", insiste l'intervenante.

Documenter peut également permettre d'avoir des informations, a posteriori, sur l'heure et l'endroit de l'agression. "Documenter, c'est très bien, mais il faut s'assurer que la personne va obtenir de l'aide à côté", prévient notre professeure du jour.

Les plus téméraires pourront choisir de "diriger", c'est-à-dire d'intervenir directement auprès de la victime en demandant au harceleur d'arrêter et de partir, ou de "dialoguer". Il s'agit, une fois le harceleur parti, d'aller voir la victime pour la rassurer, lui dire que le comportement de ce harceleur n'est pas normal et qu'elle n'est pas fautive.

Ensuite, une vidéo d'une jeune femme victime de phrases à connotation sexuelle dans une salle de sport, puis une autre séquence de harcèlement dans un bar se succèdent. Via un questionnaire, nous sommes interrogé·e·s sur nos choix d'intervention parmi les "5D" pour chacune des situations.

"Très instructif et motivant"

La formation favorise le partage. Dans le tchat, les participant·e·s s'échangent des numéros de lignes d'écoute et des conseils : "De plus en plus de bars ont un cocktail à commander spécialement [en cas de situation de harcèlement]", indique par exemple une internaute.

A 14h, l'atelier touche à sa fin. Il semble avoir été efficace pour beaucoup. "Si vous étiez témoin de harcèlement maintenant, pensez-vous qu'il y a au moins une chose que vous pourriez faire pour aider ?", questionne le dernier sondage. Je réponds par l'affirmative. Nous sommes 98% à avoir coché la case "oui".

Dans la discussion de groupe, les remerciements affluent. "C'était top merci, je me sens plus courageuse", "Très instructif et motivant pour endiguer ce fléau du harcèlement", "Je me sentirai plus à l'aise pour appréhender ce genre de situation" commentent les inscrit·e·s.

"Pouvez-vous nous communiquer d'autres dates ? Je souhaite les partager à mon entourage", questionne l'une d'entre elles, conquise. Tout comme elle, je ne peux que vous conseiller de vous inscrire à cette formation déculpabilisante et facile d'accès, qui favorise l'échange et expose des solutions concrètes.

Attention, le nombre de places est limité : retrouvez les créneaux des formations et les modalités d'inscription ici.