






Faut-il prendre en charge les hommes violents ?
Ca, c'est ce que se demande un reportage inédit de Konbini, qui nous plonge au sein d'un des Centres de Prise en Charge des Auteurs (CPCA), lieux dont le dispositif est limpide : accueillir la parole des auteurs de violences, conjugales notamment, pour mieux traiter cette violence, par l'introspection, l'écoute et la prise de conscience. Chaque "participation" est volontaire.
Des cercles de parole façon Je verrai toujours vos visages, et qui ont fait l'objet d'un livre passionnant de Mathieu Palain, Nos pères, nos frères, nos amis (le titre est une référence à une citation fameuse d'Adèle Haenel). Et si ces protocoles restent imparfaits, ils rendent compte d'une certaine culture patriarcale, illustrée de la manière la plus frontale : la culture de la violence.
"J'ai vraiment grandi dans la violence. Il y avait souvent bagarre", témoigne ainsi un auteur de violences conjugales, qui comme ses voisins de chaise, a accepté de participer à ces cercles de parole...
"J'ai grandi dans un milieu très dur, parce qu'en fait j'étais l'aîné de la famille. Il fallait que je sois toujours plus dur, comme le souhaitait mon père", entend-t-on encore dans ce reportage édifiant.
"C'est comme ça qu'un garçon devait être"
En France, énonce encore Konbini, auteur de violences sur trois récidive. D'où l'importance de prendre en compte ces trajectoires. "Il est important qu'un homme puisse avancer", assure ce documentaire. "Voir des hommes reconnaître qu'ils ont commis des violences permet de comprendre d'où elle vient, et qu'ils vivent dans une société patriarcale"
Mais comment "réparer un homme violent" ?
A Terrafemina, on avait posé la question au journaliste Mathieu Palain, auteur d'une série de podcasts sur le sujet pour France Culture en 2019, et de l'enquête citée plus haut, qui a justement trois semaines durant intégré un groupe de parole d'hommes reconnus coupables de violences conjugales...
"Je ne pense pas qu'il soit possible de "réparer un homme violent" en fait, comme on réparerait une lampe cassée. Un terme très à propos à l'heure où l'on parle beaucoup de "déconstruction". Mais ce n'est parce que je ne relate pas beaucoup de prises de conscience que ces groupes ne servent à rien", nous explique Mathieu Palain.
A Terrafemina, le journaliste s'exprime également sur les mots de ces auteurs de violences.
"C'est un dispositif qui ne prétend pas résoudre un problème beaucoup plus vaste. C'est très compliqué de changer quelqu'un, particulièrement quand cette personne a quarante, cinquante ans, pour certains, plus.
Je m'attendais à entendre de leur bouche : "Je l'ai frappée", "Je dois me soigner", "Je crois que j'ai un problème"... Ca aurait été tellement simple.
Mais ce n'est pas ce que j'ai trouvé, quand bien même quelques uns acceptent de faire amende honorable et de travailler sur eux-mêmes, comprennent que le problème vient d'eux. Oui, dans leur tête, les femmes sont des menteuses, des manipulatrices, elles sont tyranniques. On observe souvent un déni très très fort. On se retrouve face à de mecs qui vont jouer de leur perception du réel pour suggérer, en gros : "Je l'ai pas si tapée que ça".
Un déni compliqué qui incite à élargir la réflexion, selon l'auteur...
"Tout cela s'explique par un héritage de siècles de domination masculine.
Les hommes se sont construits sur des clichés concernant ce que doit être un mec, autrement dit un modèle de virilité (ne pas pleurer, garder ses émotions en soi, être mutique), mais aussi sur ce que doit être une "bonne" femme. Des modèles qui au final bâtissent des blocs incapables de réagir correctement lorsqu'ils sont confrontés à ce qu'ils perçoivent comme de l'humiliation, du manque de respect, de l'insulte et du mépris.
La réaction majoritaire, c'est donc la violence. Cela nous renvoie encore aux modèles masculins normalisés depuis des années. Pour certains hommes, c'est très compliqué de comprendre pourquoi leur attitude est condamnable car c'est cette banalisation qui est remise en question. Jamais ils ne se sont sentis menacés à l'idée d'exercer cette violence. L'immense majorité d'entre nous s'est construite sur des stéréotypes"