Journée de la femme : « nos grand-mères travaillaient plus dur »
Publié le 7 mars 2012 à 11:40
Par Marine Deffrennes | Rédacteur
Marine Deffrennes, rédactrice spécialisée dans les sujets de société sur le site terrafemina.com
Elles ont entre 80 et 99 ans, toute leur tête et une vie de travail derrière elles. Elles n'ont pas vraiment choisi leur métier, mais n'ont jamais connu le chômage. Elles regardent notre époque et nos vies avec envie, admiration, et pas moins d'inquiétudes. Petite incursion dans les « Ateliers Journée de la femme » organisés par le groupe Maisons de Famille en Ile-de-France, un moment pour délier les langues et les souvenirs.
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Denise se lève à 6 heures, sa matinée commence devant sa machine à coudre elle confectionne des robes pour ses quatre filles, qu’elle habillera jusqu’à leur départ de la maison. Elle s’occupe ensuite de son élevage de cinquante poules, les œufs frais vendus au marché complètent les revenus de son mari, artisan dans le chauffage central. Elle aide aussi ses parents qui tiennent un commerce, il lui arrive de livrer le lait, à cheval. « C’était la vie dont j’avais rêvé avec mon époux et mes cinq enfants », conclut-elle. Denise a 30 ans dans les années quarante. Du haut de ses 91 ans, elle ne changerait rien si elle pouvait tout changer. Mais qu’on ne lui dise pas qu’elle n’a pas travaillé. De toute façon, « l'oisiveté était réservée aux femmes de notables », toutes les autres mettaient la main à la pâte. Comme Paulette, 97 ans, qui a passé sa vie derrière le comptoir d’un café de village tout en élevant ses deux filles ; comme Jacqueline, photographe parisienne dans les années cinquante, qui aurait apprécié de rester à la maison pour mieux éduquer ses fils, et comme Gabrielle, couturière férue de mode qui ne sait même plus combien de nappes et de robes elle a assemblées.

Des sabots à la couture
Gabrielle a appris à coudre avec sa mère. « Dans la Creuse, la vie était monotone. Il n’y avait que trois maisons dans le village » raconte-t-elle. Moisson, fenaison, coupe du blé, « tout le monde aidait aux champs, et ma mère travaillait autant qu'un homme ». Les sorties au bal, « escortées par maman », constituent la seule distraction. « Nous étions en sabots, nous marchions plus de 10 km par jour, et pas question de se plaindre ». Son mariage avec un Parisien lui permet de quitter cette vie qu’elle juge difficile avec le recul, elle débarque dans la capitale de la mode au début des années trente, et trouve rapidement un travail dans une maison de couture pour enfants. « Ce métier me plaisait vraiment », dit-elle aujourd’hui, à l’aube de ses 100 ans. Pourtant, si elle pouvait revivre sa vie, elle se verrait bien enseignante, « l’institutrice m’avait recommandé de poursuivre mes études, j’étais douée, mais nous n’avions pas les moyens de payer la pension ». « Pour nous le choix était vite fait, on faisait infirmière ou dactylo, et il y avait toujours du travail ! », souligne Paulette, qui rappelle qu’il n’y avait pas de services d’orientation dans les écoles, et très peu de formations abordables pour toutes. Pas malheureuses, mais prêtes à dire qu’elles étaient « moins heureuses que leurs filles », elles auraient surtout aimé avoir le choix.

« Elles osent ce que nous n’avons pas osé »
« Aujourd’hui les femmes ont plus de caractère, elles se laissent moins faire », déclare Paulette, qui en a bavé pour gérer les beuveries de ses joueurs de belote. Pour ses filles, cette veuve de guerre qui s’est arrêtée au certificat d’études (13 ans) n’a pas lâché. « Elle nous a permis de continuer l’école, elle voulait absolument qu’on se lance dans les études », explique sa fille Claudine, 67 ans aujourd’hui. « Je ne voulais pas qu’elles fassent le même métier que moi », assène Paulette, « et maintenant je suis fière de leur réussite et de la vie qu’elles mènent ». Jacqueline envie la liberté et la vie parisienne de ses petites-filles qui « sortent beaucoup, mais sans abuser », « elles osent ce que nous n’avons pas osé ». Un épanouissement que Gabrielle attribue à leur « indépendance financière ». Et pour cause : ce n’est qu’à partir de 1965 -année de la réforme du régime matrimonial de 1804 !-, que la femme a pu gérer ses biens, ouvrir un compte en banque, et exercer une profession sans l'autorisation de son mari. Mais il y a des contreparties, que les femmes qui ont élevé des enfants dans les Trente Glorieuses acceptent mal : le chômage, la pression de la hiérarchie… Jacqueline concède ainsi que les femmes d’aujourd’hui sont beaucoup plus stressées. Heureusement elles sont aidées par leur mari, pense Denise, « à l’époque le mien n’aurait jamais changé une couche ! » Ce n’est pas sans une pointe d’attendrissement que ces dames observent leurs petits-fils et neveux s’investir dans l’éducation de leurs bambins, même s’ils leur semblent « moins virils », que leurs époux chéris et regrettés.

Les « Ateliers Journée de la femme » ont été organisés par le groupe Maisons de famille dans plusieurs maisons de retraite d’Ile-de-France, entre janvier et mars 2012. Les résidentes ont été invitées à se réunir pour aborder les sujets autour de l’histoire des femmes et de la féminité.

Remerciements à Paule, Micheline, Colette, Sylvie et Gisèle pour leurs témoignages.

Crédit photo : Getty images

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