La parité en entreprise ? Ce n'est pas encore gagné

Publié le Mercredi 10 Février 2016
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
La parité en entreprise ? Ce n'est pas encore gagné
La parité en entreprise ? Ce n'est pas encore gagné
Les entreprises françaises jouent-elles vraiment le jeu de la parité ? Selon un rapport publié ce mercredi 10 février, si les groupes du CAC 40 ont fourni de réels efforts en la matière depuis 2011, ce n'est pas encore le cas des entreprises non cotées qui rechignent à laisser leur place aux femmes dans les conseils d'administration.
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Peut mieux faire. C'est, en substance, la conclusion d'un rapport remis ce mercredi 10 février à la secrétaire d'Etat chargée des droits des femmes Pascale Boistard. Remis par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) et du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), il procède à un état des lieux de la féminisation des entreprises françaises.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les résultats sont loin d'être homogènes. Car si de réels efforts en matière de parité ont été observés de la part des entreprises du CAC 40, ce n'est pas toujours le cas des entreprises non cotées, qui peinent à laisser aux femmes la place qu'elles méritent.

Les entreprises non cotées à la traîne

Chez les entreprises cotées en bourse, l'adoption de la loi Copé-Zimmerman en janvier 2011 a grandement accéléré le processus de féminisation des conseils d'administration. Entre 2009 et 2015, la part des femmes dans les CA des entreprises a triplé pour atteindre 34,1%. Même constat chez les entreprises cotées au SBF120, qui comptent désormais 32%.

Le rapport constate cependant que la part des femmes décroît avec la capitalisation boursière : en moyenne, la part des femmes dans les conseils d'administration pour l'ensemble des entreprises cotées est de 27,8%. Fixée légalement à 40% d'ici à juin 2017, la féminisation des CA des groupes français cotés en bourse n'a plus rien d'utopique.

La synthèse chiffrée du rapport du HCEfh
La synthèse chiffrée du rapport du HCEfh

Ce n'est en revanche pas le cas des entreprises d'au moins 500 salarié.e.s non cotées en bourse et dont le chiffre d'affaire dépasse 50 millions d'euros : seules 14,2% de femmes siègent dans leurs conseils d'administration. D'ici à 2017, il leur faudrait nommer 635 femmes pour atteindre la parité. Insuffisant, juge Dominique Druon. Interrogée par France Info , cette consultante experte en gouvernance et administrateur indépendant explique qu'imposer des quotas ne suffira probablement pas à féminiser les instances dirigeantes des grands groupes français. "Recruter des femmes dans ces conseils d'administrations, cela veut dire changer de façon de travailler, parce que culturellement et historiquement, ces sphères étaient masculines. C'est accepter pour un président d'avoir autour de la table des femmes sur lesquelles il n'a pas de pouvoir hiérarchique, qui peuvent être dans la posture de questionner, de challenger, de contrôler, donc c'est sortir d'une zone de confort."

"Stratégies de contournement" et mauvaise foi

C'est justement là le problème. Plutôt que de questionner la place des femmes en leur sein et notamment dans leurs instances dirigeantes, les grandes entreprises préfèrent louvoyer.

Le rapport met aussi en lumière les "stratégies de contournement" mises en place par certaines entreprises pour contourner la loi Copé-Zimmerman : "diminution du nombre de membres des conseils pour augmenter statistiquement la part des femmes, changement de statut juridique de l'entreprise, etc." Malin, quand on sait que les objectifs de 20% et de 40% de femmes ne s'appliquant qu'aux conseils comptant au moins huit membres. Pour les plus petits conseils d'administration, l'écart entre les femmes et les hommes doit être de deux membres maximum.

Enfin, le rapport du HCEfh lance des pistes de réflexion pour que le seuil de 40% de femmes dans les conseils d'administration soit atteint en juin 2017. Avec, en premier axe de travail, rappeler la loi aux entreprises récalcitrantes. "Sans pouvoir savoir si les entreprises respectent leurs obligations légales en la matière, ni qui est censé assurer ce suivi, les sanctions risquent d'être inopérantes", souligne le rapport qui rappelle que des sanctions comme la nullité des nominations ou la suspension des jetons de présence sont prévues en cas de non-respect des obligations légales.

Autres pistes avancées : la mise en place d'instruments de mesure pour contrôler la parité dans les sociétés françaises, l'accompagnement dans la recherche d'administrateur.rice.s et enfin le soutien aux programmes de création d'entreprises par les femmes et de mixité des métiers.

Car la parité en entreprise ne se borne pas seulement aux quotas de femmes dans les conseils d'administration. Comme le rappelle le rapport, en 2016, aucune entreprise du CAC 40 n'est dirigée par une femme. Et 95% des présidences des conseils d'administration et de surveillance sont assurées par des hommes.

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