Les joggeuses victimes de harcèlement : le ras-le-bol fait la course en tête

Publié le Mercredi 16 Septembre 2015
Anaïs Orieul
Par Anaïs Orieul Journaliste
Les joggeuses, trop souvent victimes du harcèlement de rue
Les joggeuses, trop souvent victimes du harcèlement de rue
Pour les joggeuses, le harcèlement de rue prend parfois des proportions inquiétantes. Ou quand faire du sport devient littéralement le parcours du combattant...
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La France, pays du fromage, du vin... et du harcèlement envers les femmes. Alors que 82% des Françaises ont commencé à être victimes de harcèlement de rue avant l'âge de 17 ans, elles sont carrément 100% à avoir connu au moins une fois ce problème dans les transports en commun. Se déplacer d'un point A à un point B est déjà bien compliqué, et ce n'est malheureusement pas le seul souci. Car chez nous comme ailleurs, on voit bien que même lorsqu'elles pratiquent une activité sportive dans l'espace public, les femmes ont de grandes chances d'être "encouragées" de la manière la plus explicite qui soit par un inconnu. Preuve que le cliché "vu comment elle était habillée, elle l'a bien cherché" est aussi enrageant que grotesque, les joggeuses dans leurs tenues de sport démontrent bien qu'il n'y a pas besoin de porter une mini-jupe pour subir les regards, commentaires, insultes et autres agressions physiques de la part des hommes.

En Angleterre, 90% des femmes sont victimes de harcèlement de rue dès l'âge de 11 ans . Des chiffres choquants, mais qui tendent aussi à expliquer pourquoi les hommes sont 2 millions de plus que les femmes à pratiquer le sport régulièrement. Dans un article du Guardian intitulé "Pourquoi les femmes devraient-elles affronter le harcèlement lorsqu'elles courent ?", la journaliste Laura Bates revient sur un témoignage paru sur le site Everyday Sexism et "qui fait écho à des centaines d'histoires similaires racontées par des joggeuses énervées et frustrées, et dont les expériences avec le harcèlement a eu un impact sur leur façon de pratiquer le sport dehors".

Le témoignage est glaçant et déprimant :

'Je cours 3 à 4 fois par semaine et à chaque fois, je suis sifflée ou je reçois des commentaires 'flatteurs'. Mais aujourd'hui, ce qui est arrivé était très différent. Un homme faisait du vélo devant moi s'est arrêté et a commencé à flirter avec moi. Quand j'ai essayé de m'enfuir en courant – littéralement – il s'est mis à rouler à côté de moi. Quand lui ai dit de me laisser tranquille, il m'a insulté. Pourquoi devrais-je être abusée verbalement quand je fais ce que j'aime le plus au monde ?"

"Désormais, je cours en groupe"

Face aux remarques et agressions persistantes, les femmes sont donc obligées de changer leurs habitudes. Marie-Pierre, militante au sein de l'association Stop au harcèlement de rue et amoureuse du running, a connu tous les désagréments : remarques sexistes, regards lubriques, hommes qui n'hésitent pas à la suivre... et tout ça en plein jour et dans un Paris bondé. Quand on lui demande si elle a dû revoir sa façon de pratiquer son sport favori, elle nous répond que oui. Maintenant, Marie-Pierre court en compagnie d'autres passionnés : "Être en groupe m'empêche d'écouter les commentaires, ou alors m'encourage à réagir et à répondre aux agresseurs".

Un mal pour un bien donc puisque ce jogging à plusieurs lui permet finalement de se sentir plus libre : "Avant, je courais avec une veste pour cacher ma poitrine et mon corps au maximum, ainsi qu'avec un legging noir. Le fait de courir en groupe fait que désormais je cours sans veste, avec des vêtements très colorés. Courir en groupe fait que je n'ai plus peur du regard des autres".

Comme Marie-Pierre, les femmes sont extrêmement nombreuses à chercher chaque jour des solutions pour courir en paix. Le problème restant qu'elles soient toujours obligées de trouver des solutions pour occuper l'espace public sans la peur d'être insultées/agressées en 2015...