Lettre ouverte à Anne-Claire Coudray pour son retour vers le futur
Chère Anne-Claire,
Certes, nous eussions amplement préféré vous adresser nos félicitations pour votre récente maternité, ou encore pour votre nomination express aux commandes du plus grand JT de France, dont nous nous réjouissons qu'il soit passé des mains d'une femme à celles d'une autre, talentueuse, dynamique, souriante et moderne. Euh... moderne ?
Aie. Dommage, Anne-Claire, car ce premier billet doux envoyé à votre attention aura malheureusement été motivé par cet extraordinaire dérapage dont vous fûtes hier soir l'auteure, sous les yeux effarés de téléspectateurs pourtant lobotomisés par deux journées harassantes en famille, comme le sont fort souvent ces fins de semaine dites " reposantes " (tsss). Bref, alors que les gentils foyers franchouillards finissaient de faire dîner les enfants, d'éructer inlassablement que " non mais quand même les JAPONAIS, quoi ! ", de boucler les cartables en bâclant les devoirs ou de feuilleter le programme télé pour choisir dans quelle douce léthargie dominicale on allait se finir tranquillou, voilà t'y pas que vous, Anne-Claire, fîtes dresser les cheveux de centaines, que dis-je, de milliers d'hommes et de femmes replongés en une seconde à peine aux balbutiements de l'ORTF.
VRRrrrrROUM.
Eh oui, dimanche 20 septembre 2015 à 20h21, sur TF1, on passa en mode Retour vers le futur. Marty, tu m'entends ? Nom de Zeus, Anne-Claire, faut prévenir.
Car oui, alors que vous tapiez gentiment le bout de gras avec un certain Pascal Boulanger, venu présenter (un comble !) la voiture du futur, laquelle fera semble-t-il ses petits créneaux toute seule, vous fîtes alors, sans prévenir, petit sourire entendu et air satisfait en sus, une belle grosse sortie de route sexiste que n'aurait pas boudée Eric Zemmour.
Tadadam :
" C'est beaucoup mieux pour faire les créneaux, nous les femmes, on n'est pas trop douées ", avez-vous ainsi déclaré, à la cool, sur TF1, en 2015, à une heure de grande écoute. Nous. Les. Femmes.
Ok.
Nous le charme ?
Non.
Nous les femmes, on pas PAS TROP DOUÉES pour faire les créneaux. Ah.
Silence gêné. Voix de Guy Lux dans l'oreillette " C'est bien poulette ! C'est qui la ptite là ? La speakerine ? Elle est pas mal mais faut qu'elle rende l'antenne aux bonshommes, maintenant. "
Enfin, Anne-Claire, vous nous recevez ? Que s'est-il passé ? Avez-vous brusquement été renvoyée en ces temps ancestraux où la femme était le pire ennemi d'elle-même ? Comptez-vous balancer bientôt qu'en rugby, on n'y comprend que dalle, qu'on adore bien tenir notre intérieur et papoter caca et karaté autour de petites tisanes avec des copines avant d'aller repasser les chemises de nos zhoms ?
A moins qu'il ne se soit agi là que d'une phobie d'impulsion, comme de rire pendant une crémation, plonger la main dans l'assiette de frites de son voisin ou répondre " dans ton cul " à son boss quand il vous demande où est passé son calepin. Le stress, quoi (ou LES HORMONES ?)...
Allez zou, on remet le contact.
VROUUUUUUM.
On appuie sur l'embrayage, on passe les vitesses toute seule comme une grande et on revient gentiment au 21e siècle. Vous verrez, Anne-Claire, la femme y fait plein de trucs super, et quelque chose nous dit que vous y avez un très bel avenir.
A vous les studios, Cognacq Jay.
Madame, monsieur, bonsoir.
