Au Maroc, les féministes dénoncent la faible condamnation de violeurs d'enfant

Publié le Jeudi 06 Avril 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
10 photos
Lancer le diaporama
Au Maroc, les féministes dénoncent la faible condamnation de violeurs d'enfant
Deux ans de prison ferme. C'est la condamnation dont font l'objet des hommes jugés au Maroc pour le viol d'une enfant. Un verdict qui a suscité l'indignation au sein du pays.
À lire aussi

Une petite fille de 11 ans, Sana, a été violée à plusieurs reprises, et des mois durant, par trois hommes âgés d'une trentaine d'années, au Maroc. Des violences sexuelles régulières accompagnées de menaces de mort. Sana est finalement tombée enceinte de l'un de ses violeurs.

Verdict ? Les trois agresseurs (des voisins de la jeune fille) ont été condamnés le 20 mars dernier... à deux ans de prison ferme. Une peine dite "maximale". Et un jugement rendu par la Cour d'appel de Rabat qui depuis des semaines suscite une forte indignation au sein du pays...

Notamment de la part des citoyennes et militantes, manifestant dans la rue et aux marches du tribunal afin de dénoncer un verdict jugé beaucoup trop "laxiste".

D'autant plus violent par ailleurs, relate le magazine Elle, que la victime, déscolarisée, a du assister au procès de ses violeurs, son bébé dans le bras... Et que le terme "pédocriminalité" n'aurait jamais été prononcé durant ce jugement. Les violeurs ont finalement été reconnus coupables de "détournement de mineure" ainsi que "d'attentat à la pudeur sur mineure avec violence"...

Du côté de Libé, une manifestante marocaine scandalisée fait résonner sa voix : "Nous sommes là pour réclamer que la justice soit rendue !".

"Cette fillette devra vivre toute sa vie avec des plaies ouvertes"

Justice, mais aussi "égalité", un mot qui est beaucoup revenu dans la bouche et sur les pancartes des cent-cinquante manifestantes, se demandant "Où est l'égalité ?" devant le tribunal de Rabat, relate Libé. De nombreuses associations de défense des droits humains se sont associées à cette lutte.

Un combat que porte également Soumaya Naamane Guessous, sociologue, écrivaine, mais surtout militante féministe. L'espace d'une tribune mise en ligne sur le média marocain Le 360, l'autrice dénonce "l'insoutenable légèreté de la justice". Et l'écrit noir sur blanc à l'adresse du Ministre de la Justice : "Selon le Code pénal, si le viol a été commis sur une mineure de moins de 18 ans, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans (art. 486). S'il y a eu défloration, la réclusion est de 20 à 30 ans (art. 488). On est bien loin des 2 ans prononcés par le tribunal...."

"En outre, ces viols ont eu lieu en bande organisée et ont été répétitifs, ce qui devrait alourdir les peines", a poursuivi la sociologue dans sa tribune. Et Soumaya Naamane Guessous de déplorer encore : "Cette fillette, violée par 3 hommes âgés de 25, 32 et 37 ans, devra vivre toute sa vie avec une plaie ouverte. Elle devra aimer un enfant fruit d'une violence immonde. Elle devra affronter le regard de la société, pas toujours clément".

De quoi faire réagir le Ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi ? L'écrivaine l'espère. Selon Le 360 toujours, l'homme politique se serait déjà dit "choqué" par ce jugement, et même "bouleversé". Il aurait par la suite "diligenté une enquête" sur cette affaire qu'il dit "frustrante". "Je viens de recevoir à l'instant même un rapport sur cette affaire", a-t-il encore affirmé auprès du média d'informations national.

C'est loin d'être la première affaire qui bouleverse le Maroc. Au sein du pays, le sort des jeunes filles est une source constante d'alertes pour les militantes et associations de défense des droits des femmes. L'an dernier encore, le pays était bouleversé par la mort d'une ado de 14 ans après un avortement clandestin, dans une région rurale du sud-est du pays. Un drame de plus dans un pays où l'IVG reste encore passible de six mois à cinq ans de prison...