Pas folle !
Vous la connaissez pour ses chroniques littéraires très incarnées, son humour et ses piques féministes bien épicées. Hier sur les ondes d'Inter, Juliette Arnaud est désormais comme Guillaume Meurice et d'autres compères à retrouver en cette rentrée dans « La dernière », l'émission en direct sur Nova tous les dimanches de 18h à 20h.
Au programme, toujours autant de causticité, d'autant plus acidulée quand elle vient s'attaquer aux enjeux de notre société post-#MeToo. Et justement, on a retenu la dernière chronique de l'autrice, douce amère comme il faut, à propos d'un cliché bien connu, et bien sexiste aussi : celui de "la folle". Folle, hystéro, zinzin, choisissez votre préféré, ils se ressemblent tous.
"Dans sa chronique de la semaine, Juliette nous parle de « celles dont on dit qu’elles sont folles ». Il ne sera pas question de causer psychiatrie (Juliette n’a pas les diplômes), mais plutôt de cette catégorie de personnages féminins qu’on qualifie de “folles”, et des raisons qui y conduisent (et là Juliette a les diplômes)", ironise d'ailleurs la radio en guise d'amuse bouche.
Et le décryptage de la comédienne est des plus... Réjouissants.
Dans « La dernière », Juliette Arnaud s'attaque frontalement aux bons gros stéréotypes culturels. Et à cette construction qui nous renvoie à des siècles et des siècle d'histoire, celle de la folle. Hier, ça donnait Cassandre, le personnage iconique de la mythologie grecque, synonyme de malédiction - comme bien des personnages féminins dans les mythes et légendes, vous noterez. Et tout ça parce que Apollon "avait le seum".
Aujourd'hui, ça s'exprime plutôt ainsi : "Je parle de folle comme dans la phrase : Aaaaah je suis si bien avec toi, c'est pas comme mon ex, elle était folle !" . On a perdu le mythe, on a gagné la trivialité, mais le principe est le même. Juliette Arnaud intronise d'ailleurs Cassandre "sainte patronne des folles !", et poursuit : "A ce sujet il faut lire une nouvelle de Guy de Maupassant, Miss Harriett : l'histoire d'un jeune peintre qui rencontre une Anglaise d'une cinquantaine d'années, Miss Harriett donc, qu'on appelle la Démoniaque, car elle a ramassé un crapaud blessé [...] Avant la femme à chats, la femme à crapaud !"
"Cette femme est pointée du doigt par les gens qui l'entourent car trop en avance sur son temps : exaltée par le spectacle de la nature et des animaux. Or ce regard de la société, c'est le même qui s'est posé sur Britney Spears en 2007, lorsqu'elle s'est rasée la tête dans un salon de coiffure, en pleine Cité des anges... Alors que Britney en se rasant la tête s'est juste contentée de quitter le 'marché de la bonne meuf', comme dirait Virginie Despentes dans King Kong Théorie !"
Pour Juliette Arnaud, qui se dépeint elle même comme une "folle à chats", ce qui manque toujours à notre société patriarcale c'est clairement "un regard averti et empathique" envers les femmes qui s'émancipent des marges.
La "femme à chats", c'est un cliché vite rebaptisé "folle à chats" selon votre interlocuteur. Ce cliché, c'est celui de la femme célibataire un peu "vieille fille" (autre terme bien désobligeant) qui préfère se la couler douce en pleine autonomie sociale et financière avec son chat... Plutôt qu'être en couple avec un homme. Ne riez pas, mais cette image en fait encore rager certains. Des hommes naturellement.
Outre atlantique par exemple, la droite conservatrice américaine, comme le Républicain de l'Ohio J. D. Vance, n'hésite pas à ressortir l'expression, même quand il est question de luttes aussi importantes que... Le droit à l'IVG, suite à la révocation par la Cour suprême de l'arrêt Roe v. Wade. A écouter Vance, les militantes seraient effectivement des "femmes à chats sans enfants, malheureuses dans leur vie à cause des choix qu'elles ont faits". Rien que ça. Une observation très habile, qui ferait sûrement rire (jaune) Juliette Arnaud...